DEMANDE A LA POUSSIERE – Quiétude Hostile

La « Quiétude Hostile » c’est un peu l’état second dans lequel on se trouve entre l’explosion de colère imminente et le calme apparent. Ce moment avant le déclic de la chute libre. Tout est fureur et rage sans aucunes limites. Ce moment de l’entre deux est aussi le titre du second album de Demande à la Poussière. Après un premier opus de qualité pour une formation qui compte parmi ses membres des habitués des tréfonds de l’âme. Dans un post / black metal Demande à la Poussière réitère avec un deuxième album qui annonce la sombre couleur. Un petit recalibrage du line-up et un deuxième album pour continuer sur le chemin jonché de ronces dans un tourment musical dont les étiquettes résumeraient mal ce matériau brut et dense à la fois. Mais parfaitement illustré par le magnifique artwork  d’Aurélie Redron entre rage et désespoir.

On aurait pu s’inquiéter du départ de Jeff Grimal, mais la nouvelle mouture de la formation emmenée par un Krys (plus investit que jamais) balayait nos craintes avec le premier extrait qu’ils dévoilèrent à travers le titre “Eréthisme”. Un concentré de noirceur oppressante qui ne pouvait que ravir l’amateur que je suis.

Je vous préviens, cet album  se dévoile en bousculant dès les premières notes de l’album. Que dis-je, dès les premiers cris ! Nous sommes accueillis par la voix de Krys qui resonne d’outre-tombe et jette un froid dès sa glaciale introduction du « Léger Gout de Soufre ». Sans détours, le groupe donne dans la tourmente saturée. On ne se cantonne pas aux étiquettes et on vient fusionner éléments de black metal, doom et post hardcore. « Léger Gout de Soufre » ouvre sur une approche au pas lourd et menaçant pour partir  sur un “Morphème” au chaos propre du black metal dans son  ton mais sculpté dans les mêmes ronces que l’ensemble de l’album.

L’éponyme « Quiétude Hostile », qui puise toute sa force dans son oxymore, est le paroxysme de l’album  dans l’effondrement de toutes raisons au plus profond dans la folie émotionnelle. Cette “Quiétude Hostile” est l’acmé dans l’antre de la folie.  Comme une catharsis expiatrice, le titre délivre des maux.  Un son lourd et profond pour une rage noire et tortueuse. À la suite de cela, la structure musicale des titres va évoluer, légèrement plus épuré et laissant place à une mélancolie sombre qui arrive après la rage destructrice. On retrouve cet état émotionnel qui nous submerge après s’être libéré du mal qui nous rongeait.

 

Mais il ne faut pas non plus s’y méprendre, cette deuxième partie d’album ne verse pas non plus dans un post totalement aérien. Les titres évoluent, le rythme change et le temps est suspendu dans une mélancolie plus poétique et toujours aussi noire. C’est ainsi que le magnifique titre « Perdu » prend tout son sens dès sa première partie plus épurée comme l’image d’une errance sans but après le passage de la tempête. Quelque chose a changé et l’hostilité s’en est allée, laissant les blessures à panser. Mais la douleur rampante est toujours là, présente dans la lourdeur des guitares et l’ambiance pesante et asphyxiante d’un « Bois de Justice ».

Le chant de Krys marque dans la chair et garde son intensité tout du long. Il vient chercher la fragilité du moment, le chavirement entre l’état de conscience et la folie émotionnelle. Cette catharsis libératrice s’exprime parfaitement avec lui.

Les titres se suivent et ne se ressemblent pas, Demande à la Poussière délivre une œuvre complète et tortueuse dans son ensemble.  Alors qu’on croyait la fin toute proche après le lourd « Bois de Justice », le rythme reprend une tonalité black metal dans la composition de « L’oublié du Contrasté » et repousse encore la lumière au bout du tunnel. Le long chemin dans l’obscurité n’en finit plus et le désespoir ne nous quitte plus.

Le tableau s’achèvera sur le magnifique et complexe « Expiravit » qui conclut magistralement un album qui l’a été tout son long. Un titre qui manie les contrastes musicaux avec brio, amenant un instrument inattendu (saxophone) dans la composition finale. Mais d’une belle réussite. La conclusion au saxo, c’est comme le dernier souffle, abandonnant le combat face à cette noirceur qui annihile toutes tentatives pour s’en extirper. Il rajoute ce dernier coup de pinceau dans cette douleur manifeste.

Nous ne sommes pas dans cinquante nuances de gris, mais dans ses variations les plus sombres du noir. Celui qui nous envahit dans les idées, les émotions, l’âme. C’est loin du simple album qui se contente de la mimique black / post de base, mais une œuvre de poésie brute mêlant odeur de soufre et gout de cendres d’une réelle noirceur. Intense de désespoir, pas d’échappatoire.

Face à soi-même dans la tourmente, on ne demande pas à la poussière mais on la mord, on s’y morfond.

Demande A La Poussière, Quiétude Hostile, My Kingdom Music, disponible.

 

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