
C’était en 2015 que Déluge débarquait de nulle part avec Æther. Une pochette énigmatique au visuel symbolique qui amenait une vague musicale intéressante sur la scène metal en France. Un post black metal monolithique qui ne reniait pas non plus sur les détails. Une nouvelle découverte de l’écurie des Acteurs de l’Ombre.
Aujourd’hui le groupe n’est plus fraichement sorti de l’océan. Avec une signature au sein du lourd label Metal Blade, Déluge sortait en cette fin d’année 2020 son deuxième opus qui était assez attendu pour voir la capacité du groupe à confirmer ou pas tout le bien qui a été écrit et dit avec son premier disque. Une tâche jamais facile car la critique (au sens large) est toujours prête à dégainer au « moindre faux pas”. Alors que Æther bousculait dans sa modernité sombre et rageuse, en pleine tempête. Quel chemin allait suivre ce Ægo Templo avec cette magnifique pochette qui fait la jonction avec son précèdent ?
Toujours dans une thématique liée à l’eau, source de vie, « Soufre » ouvre l’album par cet eau, ces vagues déclenchant un mouvement mélodique de mélancolie et construisant soigneusement jusqu’au au point de tension qui explose à mi-chemin à travers la batterie à la double dévorante. On est clairement dans une structure plus nuancée dans une veine plus post hardcore que black Metal. Troublé par ces débuts mais on se laisse porter. « Opprobre » sera le morceau se « rapprochant » plus de ce que nous connaissions du groupe, mais du Black Metal d’Æther ce nouvel essai en garde les parties de batterie en déferlement à double pédale sur des moments fugaces, les titres se construisant sur un jeu entre ombre et lumière porté dans sa large nuance. Dans une structure musicale à travers des vagues de montées progressives en puissance et accalmies avant le final et son acme.
« Abysses » est un titre que je trouve magnifique mais aussi le parfait exemple de l’ouverture du champ des possibles que souhaite explorer Déluge. Le titre riche et fouillé nous transporte réellement sur ses presque 9 minutes en allant capter plus de lumière dans sa structure musicale mais flirtant aussi avec la noirceur. Des changements de rythmes et de directions tout en gardant une certaine cohérence. Le chant plus clair et plus aérien exploite lui aussi les nuances dans la tessiture émotionnelle. Plus varié dans ses approches, il nous emmène à la limite des limbes.
Troublant à la première écoute car nous tombons sur quelque chose de nouveau avec le groupe, mais il est nécessaire d’aller à la découverte de ces titres et se laisser porter en abandonnant tout jugements hâtifs….
Des titres qui qui fonctionnent pour la plupart dans un schéma fidèle à travers des vagues de montées progressives en puissance et accalmies avant le final. Un style viscéral, qui prend au cœur à travers une tessiture musicale riche de nombreuses ramifications qui ne permettent pas d’appréhender l’œuvre dans une unique approche. Mais plutôt un ensemble à apprivoiser au fur et à mesure. On pourrait penser que la lourdeur du son d’Aether a disparu mais elle se fait plus subtile et pertinente.
Chacune des pistes ont leurs propres subtilités et méritent d’être découvertes pas à pas pour les voir dévoiler une multitude d’émotions. Chaque titre est un acte unique et significatif
Le nébuleux « Fratres” dans un ambient menaçant penchera du côté de Cult Of Luna . “Gloire au Silence” qui est un peu le titre phare par son duo avec Tetsuya Fukagawa d’Envy et bien au final ressortira comme le moins marquant en ce qui me concerne. Nous sommes dans quelque chose un peu plus attendu et déjà entendu.
Le titre éponyme confirmera le penchant du combo vers sa sensibilité post. A travers ces notes sensiblement distillées qui nous accompagnent vers une menace omniprésente, le titre monte en puissance dans un entrelacs de voix pour une explosion toute en beauté.
Le ressenti c’est qu’une vibration particulière anime chaque titre pour explorer de nouveaux territoires musicaux après la rage rude et sauvage qui se dégageait du premier opus. Celle-ci a muée pour se nuancer dans les émotions mais toutes aussi fortes dans leurs exclamations. Une volonté de creuser plus loin dans la multitude des émotions. « Digue » et « Béryl » deux titres de fin confirment l’étendue de la composition touchante du sextet français et apportent cette touche lumineuse avant le titre concluant cette traversée. « Vers » et sa pluie de fond dans une explosion finale accompagne vers le rivage pour les derniers mètres de la traversée.
Il ne faut pas se leurrer, une tranche du public des débuts a criée à l’hérésie avec la disparition progressive de la touche blackened metal. Tout simplement une réaction épidermique très française se refusant au changement. Mais le fait que Ægo Templo ne laisse pas indifférent et c’est tout le mérite d’une œuvre réussie. Car le sextet français a cherché à sortir d’une zone de confort en délivrant un album riche et sincère. Une belle proposition musicale qui s’ouvre vers de nouveaux rivages. Déluge suit cette voie personnelle et enrichissante pour proposer une musique qui ne demande qu’à continuer de s’épanouir.
DELUGE, Ægo Templo, Metal Blade Records, sortie 6 novembre 2020 ,
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