
Steve Von Till est comme son comparse Scott Kelly pas avare de projets en dehors de Neurosis. Et depuis la sortie de Fires Within Fires (dernier album du groupe en 2016 ), le guitariste et chanteur du groupe de Oakland s’est consacré en priorité à son projet personnel et spirituel. Son dernier disque, No Wilderness Deep Enough, arrivait donc aux côtés de Harvestman: 23 Untitled Poems and Collected Lyrics, un livre de nouvelles poésies et des paroles rassemblées de la carrière solo de Von Till ainsi que de son projet Harvestman. Le livre est un ensemble de textes autour de son ressenti, son expérience holistique et ses émotions profondes sur le vivant et offrant un autre medium à sa création artistique singulière. Ainsi ce nouvel album de Steve Von Till arrivait avec un parfum particulier, proposant assurément le voyage le plus profond de sa discographie solo.
Voici une œuvre d’une beauté contemplative qui s’ouvre à nous. Le cinquième album solo de Steve se dévoile tel une douce méditation. C’est une connexion avec la nature, l’âme et le vivant dans une réelle profondeur qui démarre avec « Dreams Of Trees ». Le temps suspendu, nous sommes autant dans une douce et sombre mélancolie qui nait de la voix de Steve qu’apaisé dans la lumière douce des paysages mélodiques. Loin de la rage et des tourments, la musique est ici minimale. Elle ne noie pas et nous porte avec légèreté, y ajoutant la dose de sublime au grès des instruments d’un titre comme « Old Straight Track » et son cor français qui apporte ici la touche de magnifique.
Quand arrive « Indifferent Eyes », il vient suspendre définitivement le temps et met complètement à jour cette sincère vulnérabilité qui s’exprime dans la voix de Steve. La charge holistique et méditative du titre façonne un paysage sonore hallucinatoire qui sonde les mystères du monde.
La nature est aussi centre de ce chef d’œuvre de Steve Von Till, ouvrant « Trail The Silent Hours » comme au milieu des embruns d’un océan au loin de toutes traces humaines. La voix résonne et porte dans cette mer sonore qui prête à l’introspection. Ce titre particulier dévoile une puissance et une précision à travers sa simplicité.
“J’explore la grande déconnexion : celle avec le monde naturel, les uns avec les autre et finalement avec nous-mêmes. J’essaie de trouver un sens et une profondeur en rétablissant ces connexions, pour trouver une résonance dans le but et reconnaître le passé tout en regardant vers le futur et toujours dans le moment présent. ” Steve Von Till
Vous l’aurez compris, No Wilderness Deep Enough c’est avant tout une voix qui résonne en douceur. Elle nous emmène à travers de magnifiques paysages mélodiques portant thèmes et méditations qui lui sont propres. Il est question de pertes, de douleur et d’espoir comme avec « Shadows Of The Run ». Des thèmes essentiels pour vivre dans ce monde qui nous entoure, pour coexister autant qu’avec nous-même qu’avec les autres. Steve explore des questions à travers une spiritualité dans sa conception terrestre et naturaliste en phase avec le vivant qui nous entoure.
Apaisé, conscient et profond, il dévoile un autre visage que celui tourmenté de Neurosis. Il sera parfaitement résumé tout au long de l’album qui se conclura dans les explosions douces du final sur « Wild Iron ». Un moment paisible hors de l’incertitude actuelle du monde d’aujourd’hui et les ténèbres du monde de demain.
Un album d’une portée écrasante qui, au fil de l’écoute, ne ressemble à rien de ce qu’il a pu faire par le passé. Les six titres apportent une unité dans une veine spirituelle et cette poésie mélodieuse. Dans un mélange tourbillonnant et irisé d’Americana ambiant et néoclassique, il transcende son auditeur. Il est dur de garder un album pour résumer une année, mais No Wilderness Deep Enough est clairement une lumière apaisante dans l’obscurité de cette année 2020. Un voyage authentique et spirituel qui résonne encore plus aujourd’hui. Il n’y a pas de réponses ici, mais plutôt une voie proposée à travers l’inconnu auquel nous sommes confrontés chaque jour.
Steve Von Till, No Wilderness Deep Enough, Neurot Records, sortie depuis le 7 août 2020.
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