
L’album Deafbrick est un peu né en 2019 lors du Roadburn, temple de la créativité de l’alternatif. C’est la rencontre des brésiliens shamans du psycho core sonique totalement affolant de Deafkids et les londoniens de Petbrick dont la moitié est aussi brésilienne à travers la personne d’Igor Cavalera. Rien que cela…
A partir de là je sens déjà votre intérêt grandir. Etant donné que ces formations ont toujours défoncés les frontières musicales, il y a de quoi attiser votre curiosité et vous avez bien raison ! Ne souhaitant pas laisser la performance roadburnesque au statut de l’éphémère, les esprits créatifs des deux formations ont fusionnés pour continuer à exploiter ce feu sonique en studio et y sortir tout simplement Deafbrick. Leur seul souhait, de quoi faire carburer le palpitant en zone rouge écarlate pour une explosion cérébrale. Votre audition et votre cœur risquent d’en prendre un coup…
Le voyage, car il est ici question de voyage ( sonore), commence avec une douce montée sur “Primeval I”, comme la porte d’accès, le préambule de ce qui va arriver à notre corps pas encore prêt. Hypnotique, ça va être le cas. L’hydre Deafbrick va engager activement l’auditeur à passer de l’acceptation passive à une participation insidieuse dès le bien parlant “Força Bruta”. Le verrou de la psyché explose à la masse dès l’intro qui va enchainer sans ménagement. Le titre électrifie tel une décharge d’adrénaline qui nous envahit dans la moindre parcelle du corps et de l’esprit. Ici ce n’est pas littéralement mais plutôt concrètement. Le D-Beat explose violemment dans une boucle infernale de brutalité dont il est ici clairement question. Une transe à part entière.
La transe prendra toute sa force sur “Sweat-Drenched Wreck”. Accueilli par les percussions tribales, la montée se fait sentir naturellement et les sonorités autres envahissent le subconscient. L’entreprise de démolition des barrières mentales suit son cours et vous plonge dans une transe au rythme de ces vagues qui vous emmènent vers le lâcher prise au-delà de l’espace et du temps. Ferme les yeux, tu y es. L’agressivité est de mise mais les étapes sont progressives, sachant relâcher la pression sans pour autant vous faire revenir à l’état de raison. Les bidouillages sonores prennent les devant sur la tribalité primitive et plongent l’esprit dans un espace sombre et sans repères avec “The Menace Of The Dark Polar Night”. Une étape qui fait aussi office d’une nouvelle antichambre du rituel, car nous sommes encore qu’au début de ce voyage.
Nous sommes dans une fusion moderne et tribale de la musique comme guide de la transe. A travers « Màquina Obsessivo-Complusiva », le titre se synchronise dans une unité totale pour s’exprimer comme un instrument de percussion géant battant au sein de notre propre poitrine. Un palpitant qui résonne dans tout le corps au delà de toute logique et nous laissant dans un état second hors de notre corps physique pour une exploration sans consensus.
L’utilisation de la percussion est spéciale. Surtout quand on est avec Igor Cavalera et Deafkids. Elle englobe l’album dans sa mantra. Nous sommes au-delà de la simple utilisation de batterie. Les percussions dessinent chaque titre sous différentes formes, elles se font texture de Deafbrick et mantra de l’esprit en transe. C’est une musique qui communique à des niveaux de connexion post rationnels et les relations que nous avons à travers chaque titre ne peuvent se faire de façon détachée les uns des autres. Le tout est lié dans sa construction.
Les moments de forte montée sont souvent suivis par ces états seconds hors de toute physique comme peut être « O Antropoceno ». Un titre construit comme une chambre de résonance entre deux moments fortement intenses sous les pulsions de la transe. Il s’invite comme une pièce noyée sous des éléments de batterie joués avec justesse et tout en retenue pour laisser les sons envahir l’esprit. Une séance pour ouvrir la psyché à une deuxième vague encore plus forte ? Ce sont 5 minutes étendues et détendues, guidées par ces percussions tout en contraste avec «Mega Ritual » qui, à l’image de “Força Bruta”, délivrera une violence cinétique aux sonorités électro synthétiques qui s’entrechoquent dans cet esprit punk hardcore rituelique. Toute la force de de Deafbrick.
Mais le rituel n’est pas encore fini… Après ce bain sonore apaisant qu’est “Hyperkinetic Mass Disorder”, les sens sont remis à rude épreuve sur « Free Speech for the Dumb ». Les oscillateurs sont surmenés et c’est la cascade lysergique que nous prenons de plein fouet avec cette version revisitée de « Free Speech » de Discharge. Les connexions rationnelles ne sont plus et tout n’est plus que sensation pure au-delà des sens. Tout ceci termine dans un échange en pleine hallucination avant la descente amorcée par “Primeval II”. Un retour à la réalité qu’on ne souhaite tout simplement pas car la chute ne sera que plus compliquée.
La musique peut être expérience énergétique et spirituelle, mais il est tout simplement clair que Deafbrick est l’Expérience dans toute sa puissance et son mystère. L’esprit punk hardcore entre en collision avec les éléments electro et bidouillages sonores dans une alchimie parfaitement explosive qui s’étend dans toutes les dimensions parallèles de la psyché humaine à travers seulement 10 titres. De la folie et de l’audace.
La force brute de Deafkid et le bidouillage sonore londonien de Petbrick s’expriment comme une fusion naturelle des choses. Deafbrick est un album concentré et intelligent de noise, d’industriel, de metal et de punk pour un disque audacieux et défiant les genres.
Il s’agit tout simplement d’une expérience auditive complètement unique.
Deafkids & Petbrick, DeafBrick, Rocket Recordings, sortie 4 septembre 2020
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