
Quand Chris Spencer sort du silence après la fin d’ Unsane et rassemble des copains tout aussi doués et en colères que lui, et bien ça présage que du bon mais une triste réalité. C’est que de ce monde d’aujourd’hui personne ou presque n’a pris sa guitare pour en faire un réaliste constat.… Human Impact cristallise en musique l’ état d’esprit du moment ( et depuis un certain moment) d’une minorité sur ce qu’il en est d’aujourd’hui et de demain. Covid 19, pandémie, surveillance générale et disparition de la biodiversité, c’est l’impact humain sur cette Terre. On ne pouvait pas être plus proche de l’actualité, et avec son premier album éponyme sorti le 20 mars 2020 chez Ipecac la maison de Mike Patton, le groupe nous propose la bande son de ce monde d’aujourd’hui.
Entre Chris Spencer, Chris Pravdica ( Swans), Jim Coleman et Phil Puleo ( Cop Shoot Cop) la formation rassemble ce qui se fait de mieux dans le son noise new yorkais depuis les années 90 et encore aujourd’hui en fait.. Ce son froid indus qui arrive à te faire sentir mal, oppressé, à la fois déprimé et en colère..
C’est un peu la réalité du moment en fait ?
Un simple constat s’impose, c’est que l’Homme est le principal acteur de sa destruction ainsi que du Monde. L’impact humain est tel que sa déchéance et tout ce qu’il entraine dans sa chute ne peut être qu’inévitable. Il fallait un regard réaliste sans empathie et une vraie conscience pour enlever le voile qui cache cette sombre réalité. C’est un peu le cœur de la bataille des artistes composant cette nouvelle formation. Et d’emblée on retrouve cette ambiance propre aux groupes et ex groupes respectifs à ces musiciens. Quand Unsane, Swans et Cop Shoot Cop se retrouvent, ce n’est pas pour la mélodie du bonheur.
« November» le premier titre, ouvre le disque sur un crescendo menaçant et sévère. Une épée de Damoclès planant depuis un certain moment et dont l’ombre maintenant grandissante est une réelle menace prête à s’abattre. Lourde, planante, c’est cette colère qui s’abat et dont nous sommes les seuls fautifs. Musicalement le ton est donné, nous ne sommes pas dans la noise actuelle à la colère brûlante et brouillonne mais plutôt ce son propre des années 90 avec un rock plus indus, crade et dur. Le CV des musiciens n’est pas ici copié collé à travers un super groupe mais le rassemblement de talents pour créer à nouveau et pour une réelle bonne raison: Déverser son désarroi face à cette décadence humaine.
« E605 » qui a été le premier titre dévoilé est l’image froide et sévère de l’humanité du XXIè siècle. Un titre aux relents post punk, indus froid appuyés par les claviers de Jim Coleman. Tempo lent à l’intensité grimpante. Le ton musical menaçant du disque restera au-dessus de nos têtes tout au long de l’écoute et sous différentes formes. glacial, lourd, intense et sous-jacent. De quoi faire comprendre l’auditeur que l’écoute ne se fait pas tranquillement. La basse lourde de Pravdica y est pour quelque chose, jamais dormante, toujours au cœur du noyau rythmique de chaque titre, apportant une densité à cette chape de plomb qui nous guette.
Le chant de Spencer donne aussi le ton à sa façon. La colère propre à Unsane se fait ici plus glaçante, blasée. Un chant plus accusateur par moments comme sur “Protester”, “Consequences” ou bien le plus unsane “Unstable”. Aucune empathie, juste une réalité de la déchéance mis en musique. Mais il se trouve plus souvent dans le constat avec preuves de ce qu’il en est. Sachant qu’il est peut-être trop tard, mais n’abandonnant pas non plus la bataille…
On retient la pugnacité manifeste de Spencer et qui se retrouve toujours. Car ces textes restent engagés sur ces thèmes universels touchant à l’Homme dans sa globalité. Entre les effets dévastateurs de l’impact humain sur soi-même et sur le reste de la planète. Mais aussi la cupidité qui domine la Terre ( destruction des ressources, etc) et les maux qui nous attendent et dont nous sommes les principaux pourvoyeurs… La liste peut être longue mais juste le reflet de la réalité. Quand Spencer écrit, c’est pour un triste constat de ce qu’est aujourd’hui et ce que sera forcément demain.
Quand « Portrait » domine par cette batterie plus tribale et aux riffs plus aiguisés, « Respirator » se fait froid et angoissant à travers ce crescendo et cette note de clavier sortie de chez Carpenter. “Relax” se veut comme annonceur du climax à venir. Cet interlude musical vient annoncer les titres le plus noise et punk de l’album, “Unstable” et “This Dead Sea” qui clôturent parfaitement l’état d’esprit.
Chaque titre est un condensé d’idées musicales dans une urgence contrôlée, sautant de l’angoisse à la colère en finissant sur le chaos et la chute de l’humanité dans un « This Dead Sea » annonciateur du futur proche. Les textures musicales se superposent, appellent les sens et sollicitent sans cesse l’auditeur
Finalement, ce premier opus d’Human Impact en plus d’être un des albums les plus inspirants de cette année 2020, est d’une densité musicale incroyable et se révèle à chaque écoute. Human Impact nous laisse tout simplement à bout de souffle sur sa dernière note. C’est comme une descente en apnée à travers des compositions et textes qui feront peut-être office de retour à la raison pour certains. Pour les autres qui écoutent déjà ces artistes, la raison est surement déjà présente parmi vous, en toute logique… Cet éponyme est le miroir parfait de cette triste réalité et concrètement s’impose comme une œuvre féroce. Celle qui vous fait comprendre que bienveillance et amour ne sont qu’illusions. Le problème est plus profond que cela car la société est telle qu’elle est car on l’a façonnée ainsi au fil des décennies.
Quoi qu’il en soit, ce monde me fatigue et Human Impact est la parfaite bande son de mon désarroi.
Human Impact, Human Impact, Ipecac Regordings, sortie le 20 mars 2020
Texte: Anthony
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