
Chez Albert Camus, Sisyphe représente la ténacité de l’homme face à l’absurdité de la vie. L’homme absurde est avant conscient de sa place, de sa condition, ouvre les yeux et avance malgré tout, acceptant ce qu’il est. Après écoute de ce Sisyphus, on pourrait résumer 7 Weeks selon Camus. Mais avant la lecture, parlons de musique, c’est le Sisyphe de 7 Weeks qui nous intéresse aujourd’hui. Car c’est le 5eme album du groupe et à chaque fois un chemin musical des plus personnels qui affine sa route depuis une dizaine d’années. Après un The Farewell to Dawn en 2016 qui abordait un nouveau chapitre à l’histoire de 7 Weeks, Sisyphus l’avance de 10 pages.
C’est avant tout un duo de composition emmené par Julien Bernard et Jérémy Cantin-Gaucher qui sont accompagnés pour ce nouvel opus par PH Marin clavier et guitare et Fred Mariolle à la guitare. Après une dernière expérience de composition à deux, ce dernier album intègre ces nouvelles énergies et l’électricité prend. Suivant le groupe depuis Carnivora, on va être clair d’entrée de jeu, ce nouvel album est une réussite.
Nuances et caractères
La musique de 7 Weeks respire, se fait plus distincte et dès l’entame sur “Gone” le ton est donné. Des claviers, un rythme qui se pose tranquillement et une mélancolie présente. A la fois triste et lumineux, ce titre est le plus intéressant du lot car il dévoile ce nouveau visage. Cette musique qui s’épanouie pour aller vers quelque chose de plus viscéral. “Gone” est à la fois un titre sur la perte mais aussi sur la persévérance et ce chemin qui doit continuer pour certains.
Le massive rock rugueux des précédents opus laisse la place à une musique plus distincte où chaque musicien s’exprime et apporte. Une composition nuancée avec plus de subtilités. Les claviers amenés par PH en sont une preuve. Ils ne servent plus de faire valoir à l’état de samples ou autres, devenant un instrument à part entière qui s’exprime plus en avant pour une composition qui y gagne. A cela les guitares se dédoublent avec l’arrivée de Fred Mariolle qui apporte une touche plus personnelle et s’échappe des aspects massifs et plus monolithique des précédents. De la nuance dans le jeu et les sonorités qui dévoilent de nouvelles possibilités pour Julien. Que se soit au niveau de la basse que du chant.
La nuance on la retrouve clairement avec « Idols » et « Sisyphus », des titres qui jonglent sur les ambiances en se faisant moins frontal et en variant les guitares qui se voulaient plus à l’unisson dans les précédents opus. Mais donnant maintenant un caractère plus subtil, ce qui ne veut pas dire perdre sone essence. Loin de ça.
Force de ténacité
On ne parlera pas d’album de la maturité car ce terme est un peu compliqué étant donné qu’il est surutilisé. Mais plutôt d’une évolution logique pour le groupe. Car tout coule de sens.
Quand je parlais de persévérance, “Solar Ride” est quand à lui le titre absolument symbolique. Un condensé de lumière et de mélodies qui te portent et te donnent l’énergie nécessaire pour faire remonter ton rocher en haut de la colline. Te lever, avancer, continuer. Un titre résolument rock qui te donne la bouffée d’air qu’il fallait. Il fait comme un effet libérateur “Breathe” et sa cohérence rythmique emmenée par Jeremy à la batterie entête l’oreille pendant qu’ “Insomniac” va chercher dans ses mélodies et riffings du côté d’un Queen Of The Stone Age d’avant. “The Crying River” est quand à lui un clin d’œil non masqué au blues, une des racines du groupe. Un son du côté des deltas du Mississipi qui s’entend clairement dans ce refrain entêtant.
Quand on va à l’essentiel, c’est en évitant la faute de gout du titre de trop. Je suis partisan des albums qui s’écoutent de bout en bout, posé, appréciant la musique à sa juste valeur en évitant de grignoter par çi par la. Le groupe réussit en 9 titres à t’amener au bout du chemin sans lasser les oreilles alors que d’autres en rajoutent sans cesse. Chaque piste de Sisyphus a son caractère, se démarquant de la précédente dans le ton et le rythme. Un album complet sans remplissage et sans ennuis qui tourne en boucle depuis et qui serait parfait en vinyle dans ma collection.
L’essence rock de 7 Weeks est bien la.
Entêtant, c’est aussi le cas de “667-Off”. Que les fans de première heure soient rassurés. Le massive rock frontal du groupe est toujours présent au cours de ce titre intelligent sous forme de condensé musical de l’histoire du groupe. Une mutation de la structure musicale au cours du titre pour finir dans un point final en trombe. En allant avant tout de l’avant.
Continuité et humilité
C’est un album qui nous accorde sur le fait que ce groupe va de l’avant et se concentre sur l’essentiel. Des mélodies, des guitares, une voix pour un rock plus complexe et subtil tout en gardant cette réelle spontanéité qu’est la sienne. De la texture et de la richesse qui se dévoilent clairement à l’oreille. L’essentiel se retrouve dans cette vibration que tu ressens à chaque riff, coup de baguette et chaque note de chant
Efficace.
On ose, on amène des sonorités et des propositions qui collent parfaitement à l’esprit d’aujourd’hui et apportent encore plus de caractère à ce groupe qui n’en manquait pas. Car cet album affirme surtout la musique des limougeauds.
Ce groupe en a vécu des galères, des doutes et aujourd’hui il continue d’avancer sur son chemin tout en gardant en tête qui il est. Car 7 Weeks a su avancer à sa façon, et maintenant penser sa musique avec l’instinct pour ce résultat. Alors que le Sisyphe de l’Antiquité est aussi un symbole de la vanité de l’Homme et autant de l’artiste. Sisyphus de 7 Weeks est avant tout un exemple de créativité en toute humilité.
7 Weeks, Sisyphus, F2M Planet, sortie 31 janvier 2020
Texte: Anthony Tucci
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