Un week-end à Noisiel – Cernunnos Pagan Fest 2020

Alors que Césars et Oscars s’enfoncent dans leurs travers, nous avons décidé de nous lancer à notre tour dans la course aux statuettes ! Chaque année le Cernunnos a son lot de découvertes musicales et gastronomiques. Et les nominés sont…

Puisque les grandes institutions du cinéma chient chaque année un peu plus dans la colle, rappelons que ces dernières années la scène metal s’est diversifiée et que l’on croise toujours plus de métalleuses, tant dans les salles de concert que sur scène. En relisant mes notes, je réalise qu’un groupe sur deux comptait une chanteuse et/ou une musicienne. Aussi, commençons par rendre hommage aux femmes les plus marquantes du Cernunnos !

Et la première récompense revient à Xenia Markevich du groupe russe Kalevala à qui je remets sans hésitation le Cernunnos d’Or du groupe le plus sous cocaïne ! Kalevala, ce fut une heure d’accordéon furieux, de solos héroïques et de sueur. Leur chanteuse, sans doute commissaire politique soviétique dans une autre vie, a un don pour animer les foules et faire danser les morts !

Vous venez de perdre quatre kilos en dansant une polka avec vos voisins et vous voulez souffler un coup ? Que nenni ! Davaï davaï davaï ! Morceau suivant, on se reposera une fois mort ! Avec des rythmes folk de polka et une énergie folle sur scène, Kalevala nous a offert le concert à l’ambiance la plus folle ! Davaï davaÏ !

Il y a quelques années, nous avions rencontré Netta Skog, ex-accordéoniste de Turisas et d’Ensiferum. Elle avait regretté que les femmes soient toujours la chanteuse ou la musicienne chargée du [instrument folk secondaire de votre choix] et jamais à la guitare ou à la batterie. C’est donc pour cela que la gagnante du prix Netta Skog 2020 est Chloe Bray de Sojourner !

La guitariste n’en est pas à son premier groupe et joue depuis 2015 avec la formation internationale. Nuançons le propos : elle joue également de la flûte et chante…


Cette bonne surprise ne nous a pas pour autant permis d’accrocher à la musique de Sojourner. La prestation du groupe italo-britanno-suédo-américano-néozélandais fut mollassonne et leur musique est restée sans âme. Il manquait au concert cette étincelle qui change un album studio en une expérience live.

Mais s’il faut retenir la performance d’une femme pendant ce festival 2020, mon vote ira à Vermilia.

Projet solo black metal de la jeune Finnoise débuté en 2017, il se concrétise dès l’année suivante avec la sortie de Kätkyt. Accompagnée pour sa première tournée par quatre trolls encapuchonnés et grimés, Vermilia a bluffé le Cernunnos par son chant grawlé. Sa puissance de coffre nous a tous laissé pantois. S’accompagnant d’un tambour de chaman, la jeune femme chante en finlandais. On ressent, dans ce projet musical, l’influence d’autres femmes de la scène metal comme Amalie Bruun (Myrkur) ou Masha Scream (Arkona).

Il manque encore de l’expérience dans l’affaire, mais quoi de plus normal pour un projet qui n’a que trois ans ? Le chant clean et la flûte étaient inaudibles mais les mélodies originales ont réussi à nous transporter sur les rives des lacs finlandais. C’est donc le Cernunnos de l’espoir féminin qui lui est remis dans l’attente de la revoir sur scène à Noisiel !

Le Cernunnos Pagan Fest est l’endroit idéal pour découvrir de petits groupes auxquels on ne s’attendait pas. Parfois c’est le coup de foudre immédiat (Gofannon…) ou une simple bonne surprise et parfois on aurait préféré jamais le connaître. C’est donc l’heure de remettre le Cernunnos-du-groupe-dont-on-pensait-rien-mais-qu’était-quand-même-bien-cool-à-la-fin.
Les Lorrains de Frekkr ouvraient la journée du dimanche. Leur black metal aux rythmiques plutôt classiques s’accompagne d’un ton martial puisant son inspiration dans la mythologie et les âges sombres du Haut Moyen Age. L’album sorti il y a déjà deux ans, Désolations Catalauniques, porte d’ailleurs le nom de la bataille qui voit la défaite d’Attila et de ses Huns face aux légions romaines et leurs alliés barbares. Le chant épique et les choeurs virils fonctionnent très bien quand il s’agit de réveiller les instincts guerriers des festivaliers du Cernunnos.

Malgré des paroles parfois difficiles à comprendre, Frekkr avait tout pour plaire. Comme beaucoup de groupes avant eux, le Cernunnos était leur première grosse scène et on espère les y revoir un jour ! Sensibilité artistique oblige, on ne peut qu’applaudir les covers à l’aquarelle et la qualité des illustrations. Ultime mention spéciale pour le guitariste : jouer du black metal sur une Telecaster, je dis bravo.

Et puisqu’on parle d’instruments, il est temps de récompenser le groupe au musicien le plus original. Le saxophoniste d’In Vino Veritas avait ses chances mais partage du temps de travail oblige, c’est dans l’autre chronique du festival que vous en entendrez parler ! Mon choix se porte donc sur nos voisins belges de Rastaban !

Au premier plan un bouzouki irlandais, bien connu des groupes de folk, mais au second… Vous ne rêvez pas, c’est un didgeridoo et de mémoire, je n’en avais jamais vu dans un festival de metal ! L’instrument est d’autant plus curieux qu’il est rétractable, à la manière d’un trombone à coulisse, afin de moduler le son.

Egalement servie par un violoniste très bavard, un guitariste très silencieux et une chanteuse, la musique de Rastaban est un voyage à travers les cultures européennes. Les belges revisitent les répertoires et légendes d’Europe de l’Est et d’ailleurs avec des morceaux tantôt en anglais, en français, voire en tchèque et en russe !

Des morceaux qui font danser, des refrains émouvants ; les ingrédients parfaits pour un grand moment de musique.

Toute cette agitation vous a sans doute donné soif, profitons de l’entracte pour nous rincer le gosier et, pourquoi pas, nous remplir le ventre.

Côté boisson, les traditionnels boissons médiévales type hypocras (le rouge laissait franchement à désirer) et hydromel (qu’on consommera chaude pour reprendre des forces !). Les bières pression provenaient toutes de petites brasseries et notre préférence s’est portée sur la Page 24, une ambrée douce mais suffisamment goûteuse pour ne pas s’ennuyer en bouche.

Les stands de bouffe au Cernunnos font partie intégrante du festival. Ces fumets de festins seigneuriaux, ces plats dont le nom seul fait saliver… La traditionnelle échoppe du Bröd’s, pourtant fort appréciée des festivaliers, n’était pas là cette année. Nous avons donc pris quartier pour le week end au stand de la Muse. Proposant des recettes médiévales, la Muse est chaque année au rendez-vous depuis que le festival s’est fixé à Noisiel. Au menu, cive de boeuf au gingembre, poulet aux amandes, porc aux épices et les indémodables fèves au lard ! Le tout accompagné de pois chiches et de semoule.

A présent il faut trouver quelque chose de doux pour accompagner la digestion, quelque chose de méditatif… J’ai nommé Unnamed Season !

Le nouveau projet d’Olivier Verron, ancien guitariste de Bran Barr, mélange black metal 90’s, folk et chant lyrique. Le groupe ouvrait la journée du samedi, une manière délicate de commencer le festival. Le mariage des voix, celle rocailleuse et grave d’Olivier et celle chaude et mélodieuse de Fanny, est central dans ce voyage dans leurs univers.

Cette opposition des voix confère à la musique d’Unnamed Season cette touche lugubre et oppressante qui fait toute leur richesse. Les puristes se satisferont même en appréciant les quelques influences bathoryennes ! Accompagnés d’un batteur et d’un bassiste, le duo de conteurs s’est également produit sur la petite scène du Caravansérail dédiée aux groupes acoustiques.

Revenons maintenant dans les salles moites et combles de la Halle et de l’Abreuvoir pour attribuer nos dernières récompenses. Un concert n’est pas réussi sans un jeu de scène digne de ce nom. Mais entre improviser et en faire trop, la frontière est parfois mince…

A travers leur univers religieux et anti-monothéiste, les Autrichiens d’Anomalie ont développé une mise en scène à base de recueillements et de signes de dévotion. Malgré un black metal original qui parvient à innover et éviter les écueils classiques du genre, on a du mal à prendre au sérieux des génuflexions de son chanteur. Je le gratifie donc du “Cernunnos du groupe le plus poser” !

A l’autre du bout du spectre, loin du recueillement austère des Autrichiens, on trouve les groupes pour qui communiquer avec le public fait tout le piment de leur show.

Les Français de Toter Fisch faisaient leur retour au Cernunnos Pagan Fest pour notre plus grand plaisir ! La musique folk du groupe nous entraîne avec eux pour voguer sur des mers lointaines et dangereuses. L’équipage de Toter Fisch s’est créé un show collant à ses morceaux et son univers. Le clou du spectacle est sans conteste le “Maelström”, le fameux circle pit marin !

Alors les festivaliers s’élancent dans ce gouffre d’eau salée au son des tambours !

Pour terminer ce passage en revue des groupes de la cuvée 2020, ouvrons un cru nous venant tout droit des vignobles du Maghreb (fin de la métaphore filée…).

Ymyrgar, qui ne s’était alors produit qu’en Europe de l’Est, faisait ses premiers pas sur la scène française. Les Tunisiens nous ont offert un aperçu de leur musique à la croisée des influences. Du death au folk metal, incorporant des mélodies power ou orientales, les morceaux d’Ymyrgar sont le produit de notre monde pluriculturel (interview à retrouver sur theunchained.net !).

Bien que sur scène, nos guerriers vêtus de cuir ressentent le même plaisir que leur public. Leur visage rayonne et leurs effusions de joie n’ont rien à envier aux sarabandes improvisées des festivaliers. Improvisation, c’est là le mot clé du groupe quand il s’agit de leur show. Se laissant aller à leurs envies soudaines, les voilà tout à coup s’entraîner à la queue-leu-leu.

L’humour des Tunisiens, la simplicité de leur concert et l’énergie des morceaux ont tout simplement conquis le public.

Ainsi s’achève notre week end, toujours avec la même mélancolie. Mais il n’est d’hiver sans Cernunnos et l’un comme l’autre reviennent toujours ! A l’année prochaine !

Texte : Thomas

Photos : Fable

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