
Un soir comme celui-là à un parfum particulier. Un soir de concert qui ne pouvait qu’être comme les autres si on restait dans l’insouciance de ce qui allait arriver une semaine après. L’ombre menaçante d’un virus nous guette ou bien est déjà présente chez certain(e)s qui n’ont pas encore conscience du mal qui sévit. Entre l’insouciance, la désinformation et notre amour de la musique, il fallait se rendre à la Machine pour ce final de la tournée d’Alcest et avoir cette lumière chaleureuse avant de rentrer dans cette période d’obscurité.
Kælan Mikla entre le feu et la glace.
Un vent du froid de cette ile du Nord qu’est l’Islande vient souffler sur la Machine du Moulin Rouge. Une ambiance entre cold wave des années 80 et synthpunk dans un islandais glacial qui nous propulse dans un univers totalement à part. Kælan Mikla n’est pas à son premier coup d’essai étant donné que cette étape parisienne n’est pas son premier voyage dans notre contrée. En tout cas l’univers des islandaises frappe d’entrée de jeu.
En robes noires et métalliques, sur des plages indus et une basse grondante, le trio emmené par Laufey Soffía Þórsdóttir bouscule l’assistance de ce soir où de nombreux(ses) fans sont bien présent(e)s. Entre chants possédés ou plus adoucis par moments, le trio bouscule et propose un univers bien personnel . Qu’on accroche ou pas, faut bien reconnaitre qu’il y a du caractère. Les islandaises ont offert un set singulier. A la fois étrange et énigmatique sans être dénué d’intérêt. Une prestation étonnante pour cette découverte qui a éveillée les curiosités .
Le cri du cœur
Retrouver Birds In Row sur une tournée en compagnie d’Alcest ne pouvait qu’être logique étant donné le talent des deux groupes et leurs grandes générosités. Deux mondes qui se retrouvent dans l’intensité des émotions. Après ces deux mois de tournée, les lavallois avaient les visages marqués mais avec le dévouement en cette musique ils ne pouvaient que tout donner pour cette dernière date. Comme toujours, le post hardcore de Birds In Row c’est le vertige entre les émotions et toujours dans cette pure intensité. Dans un light show qui va à l’essentiel avec ces ampoules dans l’obscurité, symbole de cette lumière vive qu’est la musique du groupe, le set défile sans reprendre un instant son souffle.
Des titres qui continuent à faire la part belle au dernier opus du groupe We Already Lost The World qui remonte à 2018 mais un set de Birds In Row c’est un cri du cœur, hurlé ou chanté, le groupe donne tout et son public aussi. Dans des beaux moments intenses comme sur un magnifique “15-38” repris par l’assistance, “Fossil” qui prend encore plus de sens aujourd’hui ou bien ce déchirant “We Vs Us”. Quelques messages de bienveillance, de rappel à l’ordre et de positivité de la part de Bart, en appelant à se serrer les coudes en ces périodes sombres mais aussi de faire face à ce futur universel qu’est le nôtre. Celui que nous devons tous prendre en main sous peine qu’il disparaisse à jamais. Un set de Birds In Row apporte la force dont vous avez besoin derrière ce flot de douleurs. Bienveillance et partage avant de se quitter entre passion et violence et peut être l’esprit un peu plus éveillé pour certain(e)s.
Lumière et spiritualité
Après ce cri du cœur vient le temps de l’apaisement de l’âme, la recherche de la lumière spirituelle qu’est la musique d’Alcest. Tout comme moi vous avez écouté et aimé ce magnifique et lumineux chef d’œuvre qu’est Spiritual Instinct ? Du coup vous savez de quoi je parle et se retrouver dans ces lignes qui vont suivre ne sera pas une chose anodine.
Après une tournée qui les a conduit pendant deux mois dans toute l’Europe avant qu’elle s’enferme et se barricade, Alcest arrive enfin à sa dernière date. Après de nombreuses villes sold-out, c’est pour un Paris complet qui n’attendait que ça. Autant à l’intérieur que dehors guette ce mal inconnu qu’est ce Covid-19 mais ce soir c’est comme ci qu’une bulle nous protégeait de tout ça, nous isolait ailleurs, juste avec soi-même et la musique d’Alcest. Un voyage personnel qui allait se faire au sein de notre esprit et guidé par le groupe.
La beauté c’est autant ce sphinx majestueux qui se dresse en fond de scène, dessiné par les talentueux Fortifem pour cet album, que l’introduction de « Jardins de Minuit » qui va nous plonger dans cette lumière musicale à la fois chaleureuse et apaisante. Naturellement c’est Spiritual Instinct qui sera mis en avant ce soir. Entre Protection qui suivra aussitôt et des titres comme « le Miroir » ou le magnifique « Sapphire », Neige, Winterhalter Zéro et Indria nous transportent hors du temps et de l’espace. Des titres qui seront vite magnifiés par un son qui gagnera rapidement en précision et apportant cette justesse musicale.
La beauté et la bonté dans ses multiples expressions. La musique d’Alcest est à la fois lumineuse et chaleureuse autant dans sa mélancolie que dans ses moments de joie.Les jeux de lumières et de couleurs viendront magnifier chaque titre dans sa différence de ton et de rythme. L’intense « Ecailles de Lune » sera joué sur sa part 2 et un autre monde s’ouvre à nous, on ne cesse d’être transporté par cette justesse et cette abnégation.
La simplicité et la timidité de Neige est en accord avec sa musique sans fards et toute en émotions. L’artiste ému par ce fort accueil reste fidèle à lui-même. Touchant. Un musicien qui met une grande part de soi-même, si ce n’est la totalité, dans sa création musicale. Une âme y vit et bouleverse sur chaque titre, sur chaque note. La musique d’Alcest est vivante et ce soir elle transporte au loin. C’est une discographie forte et singulière que le groupe peut se permettre aujourd’hui de mettre en avant. Chaque titre touche dans le large prisme des émotions pour une œuvre à part qui est enfin reconnue aujourd’hui à sa juste valeur.
Après un » Kodama » vibrant dans la communion, le groupe reviendra pour un poignant « Là où naissent les couleurs nouvelles » qui viendra suspendre encore plus le temps sur son pont rallongé. Le point final et le plus vibrant viendra avec “Délivrance”. Un titre qui ne laisse personne insensible dans cette bulle protectrice de la Machine. Touchant au plus fort dans ce dernier moment tous ensemble, on sent comme une réelle fin, comme çi demain allait être tout autrement. Les musiciens partiront l’un après l’autre, laissant Neige seul pour une dernière communion avec le public. A genoux, dos à la salle, dans un final au complet don de soi, il lèvera sa guitare pour un adieu qui on espère n’est qu’un au revoir.
Pour notre dernier concert, c’est un cadeau de la providence. Une chaleur apaisante et pleine de bonté, nous purgeant de cette négativité ambiante trainant l’extérieur. Un réel moment suspendu que les mots ne peuvent décrire ce que nous avons vécus. C’est avant tout une lumière qui nous guidera pour, j’espère, tirer des leçons de ces moments sombres et en ressortir avec la volonté de faire de demain un autre monde.
Un grand merci à l’équipe de Garmonbozia pour les accréditations et le pass photo. Mention spéciale à Tangui de A Jeter Prom pour la touchante attention pour Aurélia.
Texte: Anthony Tucci
Photos: Aurélia Sendra
SET LIST
Les Jardins de minuit
Protection
Oiseaux de proie
Autre temps
Écailles de lune – Part 2
Sapphire
Le Miroir
Kodama
Encore:
Là où naissent les couleurs nouvelles
Délivrance
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