
Tu sais qui a une barbe blanche, un couvre-chef et qui t’apporte la joie en décembre ?
LE PÈRE NOËL PARDI !
Mais en attendant qu’il fasse chauffer le traineau, un genre de lutin apprenti-stagiaire du Père Noël passait par Paris ce 16 décembre. Il s’appelle Tompa Lindberg, et il mène At The Gates, cette caste étrange et rare des “inventeurs de genre”.
Mais comme on n’a rien sans un minimum de sacrifice, notons bien l’obstacle sur le chemin du dernier concert estampillé Garmonbozia de l’année :
(Oui ben ça va hein, j’allais pas en refaire un nouveau non plus)
[Le Vélib est mon ami.]
Parvenant pour UNE FOIS à la salle AVANT le début des premières parties, deux constatations s’imposent :
1 – Y’a pas grand monde et ça va bientôt commencer, et ça m’ennuie pour le premier groupe.
2 – Y’a PERSONNE qui squatte les escaliers de la Machine. #Joie #Félicité #Malthusianisme
Après une intro remarquée (merci à quiconque s’est dit qu’un petit Bon Jovi bien senti était idéal pour lancer une soirée death/black), les Allemands de Deserted Fear montent sur scène.
Et c’est un très chouette groupe. Du genre à reprendre le flambeau directement de la main des grands du death melo, en tournant avec At The Gates ou en se faisant produire par Dan Swanö. Un bon death, donc, qui arrache les mauvaises herbes, joué par quatre gars avec des grands pieds, de longs cheveux et d’immenses sourires. Leur musique n’est pas seulement bien exécutée (par des gars qui ont pourtant une dégaine à jouer du hardcore), elle est nuancée, charpentée, et balaie tout le spectre qu’on pourrait en attendre, de la brutalité aux moments plus émouvants. Heureusement pour eux, la salle se peuple un peu pendant le set (tout en laissant les escaliers libres !), et l’essentiel du public qui les découvre ce soir semble plutôt apprécier.
(Et franchement, je ne regrette pas d’avoir fait leur pub sur les réseaux sociaux avant le concert. Allez y jeter une oreille, ça vaut le coup. Dans le même style, leurs potes de Nailed to Obscurity ouvrent pour Equilibrium au mois de janvier. Demandez une place à Papa Noël.)
Le temps de joyeusement bondir jusqu’au bar (car les escaliers sont toujours déserts) et revenir avec une bière, que Nifelheim sort de la forêt sombre et enneigée en laquelle ils ont probablement transformé leur loge.
Alors par quoi on commence ?
Difficile de ne pas remarquer d’abord leur look. Bardés de pics et de cuir à clous qu’on n’approcherait ni trop près d’un frigo, ni trop près d’une flamme nue, ils annoncent la couleur direct. Indice : la couleur, c’est le noir. Et à les voir avec leurs futals douteux avec sorte de slop à lacets par dessus, on tient clairement les superhéros du black.
C’est d’abord évident que les gars sont au 8e degré et qu’ils doivent être hilarants, mais ce serait oublier que Nifelheim trace sa route depuis près de 30 ans. Et ça, ça se voit quand même (“cuir cuir cuir moustache chaînes calvitie”), mais surtout ça s’entend.
La musique des Suédois n’a rien, mais alors RIEN de parodique. C’est propre, carré, solide, et foutrement efficace.
Et peu importe, finalement, de savoir s’ils sont sérieux, à moitié sérieux, ou totalement à côté du truc, eux passent visiblement un excellent moment, et le public aussi (Tompa Lindberg inclus, vu en train de secouer la tête sur le côté). Impossible de ne pas se laisser emporter par la vague, ils sont aussi irrésistibles qu’une lettre au Père Noël de Rob Halford.
A peine remis d’un déferlement de décibels que l’on repart pour un tour de manège. At the Gates débarque (sur le générique du Muppet Show). Ils ne viennent pas décorer des cookies, ni te chanter les cantiques de la Sainte Lucie. Ils viennent te liquéfier ce qu’il reste de cerveau. Si tu as oublié de faire tes cadeaux de Noël, c’est de la faute de Tompa et Adrian Erlandsson. Si tu as des courbatures partout une semaine plus tard, c’est de la faute de Jonas Stålhammar, le “petit nouveau”. Oui, on le sait qu’il a l’air tout calme comme ça, avec ses grosses lunettes et ses mains immenses, mais on le blâme quand même pour la nuque bloquée du lendemain.
Côté salle, plus rien à voir avec la fosse clairsemée du début de soirée. Le public s’est densifié (laissant le passage libre dans les escaliers) et fonctionne comme une caisse de résonance pour le groupe, très en forme, qui en demande toujours plus. Plus de cris, plus de mouvement, plus de mains dans les airs…
Rappelons, au cas où, qu’At the Gates, ce sont des pionniers. Qu’il y a des chapitres entiers de bouquins sur eux, sur la création de Grotesque dont ils sont issus, et leur rôle dans l’ascension de la scène de Göteborg. En ce sens, c’est un honneur de les voir deux fois dans la même année à Paris (et plus si affinités avec le Motocultor), et ça fait parfois penser à une expo de peinture. Tu fais “Oooh” et “Aaah” devant la toile ultra connue que tu as déjà vue imprimée dans des bouquins (essentiellement, tout ce qui sort de Slaughter of the Soul que les VRAI(E)S avaient en K7). Et tu fais “Tiens donc, voilà qui est intéressant” devant les croquis ou les œuvres plus récentes ou méconnues (ici, To Drink From the Night Itself, dernière livraison en date).
En tous cas, ça fonctionne. Les musiciens sautent partout, la salle aussi, le Moulin Rouge au 4e étage au dessus de nos têtes perd probablement des gravats de carton-pâte. La setlist explore un peu toutes les époques traversées par At the Gates. Le son, un peu brouillon au début du set, retrouve sa clarté et ne faiblit plus. Des phases plus calmes, comme de longues intros en guitare claire ou des interludes permettent à chacun de reprendre son souffle entre les phases plus agressives. Ca pogote, ça headbangue, ça chante.
Quand les musiciens quittent la scène (un peu abruptement), on ne peut pas leur en vouloir. Les derniers enchaînements, dont “Blinded by Fear/The Night Eternal” ont drainé l’énergie de toute la Machine. C’était bien, c’était Noël avant l’heure, avec trois groupes sous le sapin.
Merci à Garmonbozia, nos Lutins du Père Noël
Photos : Aurélia Sendra
Texte et chorégraphie de la Gloire dans les escaliers : Sarah
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