Rencontre avec Hannes & Jonas – Royal Republic

Puisque c’est l’heure du bilan, figurez-vous qu’en 2019, on a interviewé une moitié de Royal Republic.
Il faisait beau, ils étaient sur leur 31, ils s’appelaient Hannes Irengård pour le guitariste et Jonas Almén pour le bassiste (a priori, ça n’a pas changé), et depuis il s’est passé beaucoup de choses.
Déjà leur album Club Majesty est sorti pour le plus grand bonheur des gens qui aiment le rock, bouger leur boule et rigoler. Les mêmes gens qui ont dû prendre leur mal en patience en voyant que le concert des Suédois était repoussé en décembre.

Nous sommes en décembre. Le concert arrive, c’est donc enfin l’occasion de cesser l’égoïsme et de partager cette interview, parce que décembre c’est Noël, et Noël c’est l’esprit de générosité, la nuit à 16h30, et le vin chaud.
Ho Ho Ho.

Nos pères Noël du jour sont drôles et complémentaires. Hannes paraît plus méthodique et il ne se laisse pas trop dévier, il se charge des questions plus techniques, une réponse est une réponse et il les mène au bout de sa pensée. Jonas, de son côté est plus barbu, et plus sensible aux digressions. C’est le premier à rebondir sur les blagues et les conneries. Même sur l’enregistrement audio de l’entretien, on ENTEND son sourire. Mais régulièrement, ils se transforment en deux larrons en foire qui ne donnent pas l’impression d’être là pour “le travail”.
Ils sont aussi très attentifs, proposent de faire l’interview en français ou en suédois (mais tout le monde serait “trop rouillé”), parlent chiffons, nous posent des questions sur La Vie© ou le plâtre d’Aurélia, se montrent adorables et patients malgré la tournée promo qui les a déjà trimballés à travers l’Europe toute entière.

The Unchained : Vous deviez faire un concert en mai, et il a été repoussé au mois de décembre. Comment ça se fait ?
Hannes : Comme souvent dans ces situations, c’est essentiellement une question de logistique. C’était compliqué de faire venir les bonnes personnes aux bons endroits au même moment pour enregistrer l’album, et les choses ne se sont pas déroulées comme on l’avait espéré, donc on a dû repousser la tournée. Ca arrive. C’est ennuyeux, mais sur le long terme, je pense que ça valait le coup car le résultat est plutôt sympa.

C’est la raison pour laquelle vous faites la tournée promo dans un bus ?
Jonas : Nan c’est uniquement par confort, et parce que c’est plus pratique. Une compagnie de soda nous l’a affrété mais on a pas le droit de faire leur pub donc euh…

[Première digression. Le nom de la marque est placardé partout, mais couvert par du gaffer et des bâches.]

H : C’est vraiment… (pause) Ca n’a ABSOLUMENT aucun sens ! Donc si tu te balades avec un ticheurte qui dit “Manowar”… ?
J : Nan, t’as pas le droit. Couvre avec du scotch
TU : VRAIMENT ?
J : … Non.
(Tout le monde rigole)
J : Plus sérieusement, pour le bus, c’est plus pratique, on peut passer plus de temps à travailler, sans trop perdre d’heures de sommeil. On voyage pendant la nuit au lieu de se lever aux aurores pour prendre un avion.

Hannes Irengård à gauche, Jonas Almén à droite, le bus derrière et les lunettes noires pour tout le monde

Quelle a été la source d’inspiration pour votre nouvel album, Club Majesty ?
J : Je dirais que la tournée de Weekend-Man nous a inspirés, parce que ça s’est vite transformé en grosse fête, et on s’est énormément amusés sur le cycle de cet album. Après chaque concert, on passait de la musique disco, ou d’autres types de musique festive, depuis les années 50 jusqu’à nos jours. D’une certaine façon, c’est devenu une partie de nous, et quand on s’est posés pour écrire un nouvel album, c’est ressorti. Toutes ces vibrations dansantes et positives nous ont guidés.

C’est quoi la différence principale entre Club Majesty et les albums précédents ?
J : Hannes ? Tu la vois la différence ?
H : Oui et non, en fait. Disons qu’on reproduit un peu ce qu’on a pu faire pour Weekend-man, soit repousser nos limites, mais cette fois nous sommes allés plus loin. On a carrément fait tomber les murailles, si tu vois ce que je veux dire. Il n’y a plus de frontière, on a fait exactement ce qu’on avait en tête, exactement comme ça sortait de nous. C’est très rafraîchissant et agréable de faire les choses comme tu en as envie. Je crois qu’on est à ce point de notre carrière où on se sent suffisamment à l’aise, où on dispose de la confiance nécessaire pour dire “Label ? Management ? Désolés, mais voilà ce qu’on a décidé. Vous pouvez nous suivre, ou vous pouvez nous lâcher. Il nous a fallu presque 11 ans pour parvenir à ce point. C’est long, mais c’était nécessaire pour nous affirmer et avoir confiance en la musique qu’on écrit.
J : (il parle avec l’air d’un gamin qui rigole parce qu’il a fait une bêtise) Il a aussi une part de “plaisirs coupables” dans la musique qu’on écoute. Avec cet album, on a pris ces plaisirs coupables et on en a fait des plaisirs “tout court”. Il n’y a pas de culpabilité ni de honte à avoir, on n’a pas à se cacher…
H : C’est ce que nous sommes !

C’est vrai que c’est rafraîchissant, certains morceaux font penser aux Hives, et d’autres tirent plus du côté de Justin Timberlake ET (Woo-hoo!) ça donne envie de danser.
H : J’adore, c’est la première fois qu’on nous sort Justin Timberlake !
J : C’est difficile à décrire avec des mots mais c’est le mouvement qui est important. “Alors, elle donne quoi la musique ?”, tu réponds juste par ce geste :


Reconstitution approximative

(Tout le monde rigole)

C’est vrai qu’au Download Paris 2018, c’était une super surprise ! Plein de gens ont débarqué sans trop savoir à quoi s’attendre et PAF, on s’est mis à danser comme ça :

 

H&J : “White dad dancin'”. COMME NOUS ! HUHUHUH !
J : Quoique je crois qu’on danse encore moins bien que ça…
H : Mais on s’améliore !
J : On s’améliore oui… On se perfectionne… On travaille très dur pour que notre danse moche devienne la MEILLEURE des danses moches qui soit.
H : C’est pas facile de trouver un bon *mauvais* chorégraphe. On veut que ce soit mauvais, mais mauvais dans le BON sens du terme.
J : Il faut que ce soit si mauvais que ça passe de l’autre côté et que ça devient bon. Si nul que ça en devient brillant. Un peu comme “Gangnam Style” (il mime). Je me souviens au début avoir trouvé ça tellement kitsch que ça en devenait cool.
C’est intéressant tiens. Merci à vous de mentionner Gangnam Style en 2019
J : Oh, on a toujours un train de retard hein…

Pourquoi avoir modifié les voix des chœurs, comme sur “Can’t fight the disco” ? (Ils deviennent perplexes) C’est de l’autotune ? Un traitement spécial ?

H : Naaaaan… C’est juste très TRÈS bien chanté. Honnêtement, il n’y a pas de traitement particulier, ni d’autotune…
J : Il y a eu beaucoup de prises pour s’assurer d’avoir assez de voix pour chaque partie.
H : Oui, c’est très précis et bien ficelé mais ça n’est que nous quatre… Il n’y a pas d’autotune à ma connaissance, mais peut-être que le producteur s’est lâché quand on est sortis du studio !
J (il mime le producteur) : “Bien joué les mecs, c’était génial !… Bon, je vais arranger ce merdier”
H : Pas d’autotune, mais maintenant que tu en parles, c’est vrai que ça sonne comme si c’était le cas, je suis d’accord.

Entre deux cafouillages et trois digressions sur la Vie, la Mort et la chirurgie métacarpienne, on parvient à recentrer la conversation sur la genèse de Club Majesty.

J : Pour l’anecdote, sache que quand on est arrivés au studio pour répéter, on n’avait jamais encore joué les nouveaux titres tous ensemble dans la même pièce. C’est pas comme ça qu’on compose notre musique.
Comment vous faites alors ?
J : Généralement, quand on commence à trouver les idées, on est chacun à un coin du monde différent, devant un ordinateur, et on pense à un truc, on le fredonne pour le “présenter” aux autres, et si les 3 autres valident, on garde l’idée pour la développer et en faire une bonne démo… Est-ce que tu valides ce que je dis Hannes ?
H : Grave.

Ca veut dire que vous ne découvrez si la chanson fonctionne à quatre qu’une fois en studio ?

H : Oui et non. On n’avait pas joué les morceaux ensemble avant… Y’a deux semaines.

Ah parce que vous enregistrez aussi chacun de votre côté ?
H&J : Oui !
J : C’est pour ça, quand on nous dit “On sent que vous vous êtes bien amusés pendant l’enregistrement” c’est… Ben oui ! On s’est même pas VUS ! (Il rigole de bon coeur)
Mais c’est le processus normal quand on enregistre un album, tu commences par la batterie, puis la basse, puis les guitares et le chant. C’est la recette traditionnelle “pour faire un disque”. On a enregistré la batterie et la basse en Allemagne, à Berlin, dans le même studio que pour Weekend-Man…
H : Et on a fait les guitares et la voix à Stockholm.

 

J : Quand on commence à travailler sur un album, chacun est un peu de son côté, à collecter puis travailler ses idées, on se les envoie les uns aux autres… C’est assez étrange d’ailleurs, nos idées sont très nombreuses, et certaines sont clairement la base d’une bonne chanson, mais d’une manière bizarre, on sent immédiatement si c’est une chanson de Royal Republic ou pas. Parfois le morceau est bon, mais il ne remplit pas cette condition. On ne sait pas comment ça arrive, mais on est systématiquement tous d’accord quand un morceau colle à notre groupe.

Vous êtes passés d’un style vestimentaire et musical assez grunge à un petit look dapper sympa, plutôt fifties.. Comment vous abordez ce genre de changement ?

H : Ca s’est fait tout seul. On a traversé plusieurs phases, à la fois musicalement et visuellement, mais on n’a jamais eu une conférence du groupe où on se serait assis pour décider “Ok, quel look on adopte pour cet album ?”

Avec défilé et un miroir pour voir si ca s’accorde avec les pas de danse ?
J : Ouais voilà, pourquoi on y a pas pensé ?!
H : Jusqu’ici en tous cas, ça n’est jamais arrivé. Ca, par exemple (il montre les rangs de perles nacrées qu’ils portent par dessus leur chemise de costard), Adam s’est pointé avec un soir, et on s’est tous dit “C’est plutôt cool, les gens vont détester, pourquoi on en porterait pas tous ? Ce serait génial” (Jonas rigole et confirme, les perles font clicliclic), et puis (il attrape sa manche) pour ça on s’est dit, “il nous faut une veste, pourquoi pas une rouge ?”. Et paf !
J : On a plusieurs choix de couleurs aussi, ma préférée, c’est… Pour un des morceaux, on a fait faire des vestes dorées (il a vraiment l’air super super ravi quand il en parle)
H : Elles nous ont coûté une fortune
Vraiment ?
J : Oui, c’est de l’or véritable. Parce qu’on est riches et célèbres. Quand on rentre sur scène, on devient quatre boules à facettes humaines. Quelqu’un allume la lumière et PFOOOOOO (il mime l’explosion). En journée, en festival, c’est encore plus éblouissant… On fonctionne à l’énergie solaire ! (il rigole) Franchement, j’adorerais que ça marche comme ça, que notre matos soit alimenté par nos vestes solaires.

[ La tentation de parler chiffons devient trop forte et la conversation digresse encore sur la possibilité d’utiliser des guirlandes lumineuses à piles. ]

J : Une fois en Italie, il y avait ce fan dans le public. Je crois qu’on jouait “Baby”, et il avait une de ces paires de lunettes programmables qui s’allument, avec “She’s not your baby” qui défilait en boucle. On s’est tous dit “OUAH, c’est fichtrement cool !”… Ca pourrait bien être la prochaine étape pour nous ; des lunettes qui tabassent.

Pendant vos précédentes tournées, notamment avec les Noisebreakers, vous avez joué dans de toutes petites salles. Vous préférez ça, quand tout le monde transpire et sent bizarre ou plutôt les festivals et grandes salles ?
J : Je pense que c’est assez personnel. Tu as une préférence toi ?
H : Mmmh non. J’aime bien les odeurs bizarres par contre (Tout le monde rigole). Je dirais que la possibilité de jouer les petites salles et les grandes scènes, et faire tout un tas de choses différentes, c’est ça qui est magique à mes yeux. Évidemment, monter sur scène devant 80 000 personnes qui deviennent dingues, c’est incroyable, mais c’est aussi difficile à mesurer. Il y a trop de gens, et on ne réalise qu’après coup, en voyant les vidéos du concert, ou bien sur YouTube. Là tu ouvres grand les yeux et tu te dis “Woh, y’a BEAUCOUP de monde, j’en reviens pas que ce soit nous là, sur scène !” C’est étourdissant des fois, mais on y perd sur l’aspect intime, parce qu’il y a genre 20 mètres de vide entre nous et le premier rang.
Donc j’aime bien les deux. Et j’aime bien les gens qui sentent bizarre, et j’aime la sueur, et le bordel… En fait, je pense que davantage de trucs se passent sur ces petits shows. Il y a davantage de choses susceptibles de mal tourner, et la plupart du temps, ces trucs qui tournent mal rendent la soirée unique. J’en sais rien, comme un ampli qui se casse la figure ou qui grille par exemple. C’est peut-être pas idéal quand on est là-haut en plein concert, mais rétrospectivement, c’est plutôt cool…
J : Ca me fait penser, tu te souviens de cette soirée où TOUT est parti en cahouète pour Adam (Grahn, leur chanteur) quand on jouait “Cry Baby Cry” ? (Hannes acquiesce)
On a commencé à jouer, et d’abord, sa sangle de guitare s’est détachée, donc (il mime et sa voix s’emballe) il a un peu galéré mais il a réussi à la remettre, et au couplet suivant, il a cassé une corde… “Ok merde, cette guitare est foutue, tant pis, je vais faire des trucs de frontman”. Alors il attrape son micro, dont le câble se débranche et voltige au loin…
H : Et c’est exactement ce qui a rendu ce moment inoubliable !
J : Pour nous et pour le public aussi, on ne peut pas s’interrompre, “The Show must go on”, alors il vaut mieux en rire, parce que de toutes façons, on ne contrôle plus rien il faut faire avec !
Et toi Jonas, tu as une préférence dans les tailles de shows ?
J : Non plus, pas vraiment. Ce qui me botte vraiment, c’est de pouvoir alterner les deux, parce que ça permet d’apprécier les deux.
Donc Hannes avait raison tout du long…
J : Oui, je savais qu’il dirait ça, et je voulais que ce soit lui qui parle pour n’avoir à faire que (il prend la pause et fait un thumb up) “Yeaaaah”.

On s’arrête sur cette image d’Epinal histoire de ne pas mettre la journée promo plus en retard qu’elle ne l’est déjà. Mais alors qu’on s’en va faire les photos, Jonas se sent encore bavard, et nous apprend que sa couleur préférée est le bleu. Voilà, faites-en ce que vous voulez. Honnêtement, il a fallu recadrer l’entretien plusieurs fois, faute de quoi on n’aurait pas pu poser nos questions, mais ce sont des gars qu’on n’a pas envie de recadrer. La prochaine fois, on posera une question type “Comment va ?” et on laissera faire la magie. Ou bien on dansera directement. En portant tous des vestes pailletées à énergie solaire…

 

Propos recueillis par Aurélia & Sarah

Photos par Aurélia Sendra

Merci à Olivier Garnier & Replica Promo et à Hannes & Jonas évidemment.

Royal Republic enflammera l’Elysée Montmartre mardi 10 décembre pour un concert complet, si tout se passe bien et qu’ils ne sont pas bloqués par la grève.

Club Majesty est toujours disponible auprès de votre dealer de musique favori.

 

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