
Trois mots : Concert. Groupes. Suédois.
De quoi transformer un banal lundi de novembre en l’une des affiches les plus attendues de cette fin d’année. Au Zénith, puisqu’après tout, pourquoi pas, avec des groupes qui habituellement, jouent plutôt au Bataclan ou à l’Olympia.
La première chose qu’on remarque en entrant dans la fosse, c’est la disposition assez étrange du Zénith. L’écart entre la scène et la barrière du premier rang est suffisant pour garer un camion de pompiers, et la scène est immense, donnant l’impression d’une salle en largeur plutôt qu’en longueur. Les rideaux masquent une partie des gradins, mais tout l’espace disponible est néanmoins occupé. A première vue, l’espace est aménagé pour éviter au public de repartir sans ses sourcils, et laisse présager d’une grosse, GROSSE installation scénique pour Amon Amarth. Mais ça, on y reviendra.
A peine un an après leur concert parisien, la bande d’Hypocrisy revient ouvrir la soirée. Ils trouvent une salle déjà bien remplie, au point que d’après un ami, la sécurité finit par fermer l’accès à la fosse… Bon, de là où on est (devant, mais complètement sur le côté), la visibilité n’est pas mauvaise et évite au moins le problème stroboscopique (même si, bordel, c’est relou à la fin). Peter et ses “petits” camarades utilisent au mieux la taille de la scène qui bien qu’un peu étroite, leur permet de longs allers-retours. Certes, dès que la machine à fumée fonctionne, on ne voit plus la moitié de ce qui se passe côté groupe, mais peu importe, après tout, on aperçoit toujours Peter Tägtgren (rappel, on prononce “Tas de graines”) et surtout, on l’entend.
Côté foule, ça bouge poliment au début, et puis la mayonnaise prend, sans non plus tout dézinguer dans le Zénith. Clairement (et comme d’habitude), il y a un avant et un après “Fire in the Sky” (c’est possible de se lasser de ce morceau un jour ? Je demande juste, c’est pour une amie… C’est fou hein ? Ca a presque 20 ans, et ça n’a pas pris une ride, je trouve ça fou). La setlist reste simple et efficace, un petit côté best-of qui fonctionne toujours bien, et pour les fans aguerris, comme pour ceux qui découvrent Hypocrisy ce soir. Et qui hallucinent un peu en apprenant la moyenne d’âge du groupe, ainsi que la dégaine de Horgh (immense, touffu, blond, carré comme un cube Butagaz) quand il descend de sa batterie pour faire coucou à la fin.
Quand Arch Enemy arrive sur les planches du Zénith, ça fait peu ou prou 2 ans qu’ils tournent pour Will to Power, leur dernier album en date. Entretemps, ils sont passés au Bataclan ainsi qu’au Hellfest (entre autres) dans la première moitié 2018, et il serait temps qu’ils nous refassent un album, ou qu’ils repensent un peu leur tournée. Non pas que je me plaigne du côté répétitif (après tout, c’est ce qu’on appelle un “problème de riche”), mais leurs automatismes sautent aux yeux, et le manque de spontanéité ressenti est un peu gênant, y compris sur des scènes “cool”, comme les solos éclairés comme au cinéma de Jeff Loomis ou cette “minute Manowar” où tous jouent serrés à l’avant de la scène, devant la batterie.
Les Suédois souffrent surtout de ce qu’on appelle dans le milieu ‘un son plutôt dégueulasse”. Soit le micro d’Alissa White-Gluz n’est pas assez poussé, soit elle ne crie pas assez fort dedans. Le résultat ? Quand elle chante, on l’entend à peine, quand elle parle entre les morceaux, on ne comprend rien. Dans le public, devenu très dense, les “PLUS FOOOOOOOOORT” résonnent à chaque pause, mais sans incidence sur la console. Malgré ça, le pit se met en branle, et le concert se passe bien. On prend la lumière dans les yeux, Alissa court et saute partout, joue à la majorette avec son pied de micro ou un drapeau aux couleurs d’Arch Enemy taille M. Jeff Loomis et Mike Amott nous sortent les poses classiques de joueurs-de-guitares-jumelles, dos à dos ou côte-à-côte. Et au fil des shows, les moments “Alors que revoilà la sous-préfète” se multiplient, soit ce gars en pantalon treillis probablement un peu arraché qui a passé la soirée à slammer et à répandre un peu la magie de Noël à l’atterrissage.
Côté setlist, “No Gods No Masters” est de retour, et ça, c’est cool. Invitée à sauter en rythme, la foule manque un peu de cardio, mais s’exécute de bonne grâce (le changement de saison c’est pour tout le monde !), et après un “Nemesis” qui voit certains tenter de beugler le refrain dans la fosse (dont mon voisin, fantastique, bière à la main dans le pit, visiblement déchiré et qui s’écrie “JE SUIS GAY MAIS JE SUIS AMOUREUX D’ELLE” en me montrant Alissa du doigt avant de disparaitre), le set s’achève, le groupe s’attarde pour faire coucou, puis remballe. Les roadies installent alors un immense écran Berserker pour planquer le changement de plateau et garder la scénographie secrète jusqu’au bout.
Après une mini séance karaoké où le Zénith tout entier chante “Run to the Hills”, la bannière tombe, et Amon Amarth entame “Raven’s Flight”.
Première pensée : “Ah, c’est cool, ça d’avoir changé de morceau d’ouverture”
Seconde pensée : “WOW. Ils ont TOUT sorti !”
Et effectivement, on se retrouve dans un vrai concert de Johnny. Les musiciens portent tout le même ticheurte “initiales AA, mais en runes”, et la batterie est posée assez haut sur un immense casque à cornes. Si on peut supposer que les musiciens savent très bien que le coup des cornes sur les casques, c’est un cliché mensonger, on peut leur pardonner pour deux raisons :
– le casque ressemble un peu à un bateau, ce qui est plutôt classe (même si ils possèdent aussi un montant en forme de bateau que j’aime bien)
– le casque est ANIME ! Une vraie attraction de Disneyland ! Bon, l’effet rendu est plus ou moins réussi selon les moments. C’est très, TRES cool quand le casque s’élève très haut en plein morceau sans que ça ne perturbe trop Jocke Wallgren qui continue de taper sans montrer de signe de vertige (et forcément, si on est un peu curieux, on imagine direct qu’il a du enfiler un harnais ou un petit baudrier pour respecter les règles de sécurité et c’est le genre de pensée qui me rend heureuse). C’est moins cool, ascendant terrifiant, quand les écrans situés astucieusement dans les trous pour les yeux du casque DEVIENNENT des yeux à taille proportionnelle, en CGI, nous montrant un gars sous le casque qui n’a pas l’air dans son assiette.
Hormis ce passage, globalement, la déco fonctionne bien, et on sent que si les éléments principaux sont les mêmes, les gars essaient un peu de changer des choses pour éviter la lassitude. Fini les roadies en braies de jute qui venaient faire du tir à l’arc ou se coller des coups d’épée sur le museau, mais on a tout de même un Loki collection automne-hiver “Tortues Ninja” qui se balade sur scène pendant “Deceiver of the Gods”, des runes géantes qui prennent feu, des statues géantes qui apparaissent sur les côtés pour “Guardians of Asgaard”…
… Et environ tout ce que l’empire chinois a pu découvrir comme effets pyrotechniques sous la dynastie Song ! On n’a pas pu vérifier si le premier rang avait encore ses sourcils à la fin du concert, mais les canons à feu, à fumée et à étincelles ont tourné à plein régime. (Mention honorable au roadie qui a passé l’essentiel du concert à tenter de réparer les lance-flammes de droite, c’est l’occasion de demander une prime de risque.)
Côté salle, le pit est compact mais agité, plutôt dans la joie et la bonne ambiance. Ca chante (plus ou moins juste), au milieu de la pluie de confettis qui se collent à la sueur (sur les corps) et la bière (par terre), le public plonge à terre pour faire le rameur (soit à la demande, soit spontanément), et galère un peu avec le concept de top départ des wall of death, et sa propre densité.
Côté scène, malgré quelques pains, les grands poilus tiennent leur rang. Une quinzaine de titres dont presque un tiers issus de Berserker, le petit nouveau. On se concentre forcément sur Johan Hegg, beuglard de métier, de plus en plus athlétique avec l’âge (et le yoga), qui occupe l’espace, harangue le public entre les morceaux, et, globalement, voit le Zénith entier lui manger dans la main. Ca le fait rire, alors il tente des vannes comme celle-ci (reconstitution non contractuelle : )
Johan ; It’s now time to Raaaaaise your….
Tout le public : HOOOOOOOORNS
Johan : …. SHIELD WALL ! Ouarf ouarf ouarf !
(Me demandez pas pourquoi, mais “Ouarf” est la seule onomatopée possible quand je pense au rire de Johan Hegg. Si vous n’êtes pas contents, plaignez-vous à la rédaction)
Qu’on se rassure, “Raise Your Horns”, désormais classique, sera jouée un poil plus tard, les cornes et gobelets vidés directement dans le gosier et le #PointLarmichette atteint juste avant que tous ne quittent la scène histoire de se faire désirer… Et reviennent ouvrir la Boucherie Viking, soit “Y’en a un peu plus, je vous le mets quand même ?” et le rappel est glorieux.
Phase 1 : “Pursuit of Viking” et pas une seule bouche ne reste silencieuse face au “PAM PADAM PAM PAM”
Phase 2 : “Ah mais oui, y’en a encore une qu’ils n’ont pas jouée !”, soit “Twilight of the Thunder God” en configuration “budget max”.
C’est classique, mais ça reste impressionnant. Entre le gros-marteau-qui-brille qui lance les hostilités et les pyros, et le serpent géant déployé à l’arrière de la salle (encore une fois, messieurs les roadies à pompe, vous méritez respect et tartes aux rhubarbes de ma maman), la débauche de moyens fait son effet. Et ça reste hilarant quand Johan s’en va combattre la grosse bêbête à coups de marteau (mais sans trop l’abîmer hein, y’a toute une tournée à finir). Il est bien meilleur quand il s’agit de faire participer le public au refrain.
Le concert s’achève alors, mais tous restent quelques instants, balançant tout ce qu’ils peuvent (médiators, setlists, baguettes, bracelets éponge) de toutes leurs forces, vidant leurs cornes à boire, et remerciant la foule avec une émotion et un contentement palpables même à distance.
Alors ouais, Arch Enemy c’est souvent inégal, et Amon Amarth ne change pas trop de speechs pour présenter les morceaux, mais écoute, tant qu’ils nous feront de chouettes concerts, on continuera à y aller !
Photos et biafine par Sébastien Gallon
Texte et larmichette par Sarah
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