2019 : Les Aventuriers du Motocultor – Episode 2

[Suite de l’Episode 1 à lire ici]

Vendredi, jour du poisson. Et tels de petites méduses gluantes, nous pouvons désormais nous balader dans l’intégralité du site, la troisième scène dans les arbres ayant ouvert.

Certes, il manque un bar sur son chemin, fermé précipitamment pour cause de bénévoles fantômes. Mais il en eût fallu davantage pour nous décourager, surtout que la troisième scène, pour rappel, présente un cadre tout à fait idyllique, nichée au fond du pré en pente, cernée de grands arbres majestueux comme seule la Bretagne sait en produire.

Et là, telles les méduses qui s’échouent sur la plage à marée descendante, on se dit “Ah chiotte”.

Parce que c’est la scène de Watain ce soir.

“Ils vont foutre le feu à la forêt, tout va cramer, on va tous mourir flambés. Ce sera très Metal comme mort ceci dit.”

 

Abordons donc cette seconde journée comme la dernière de notre existence, faisant la part belle à la musique qui annonce notre Fin.

Mais avant toute chose :

 

(Dessin : Aurélia Léardini)

 

VENDREDI – JOUR 2 – STONER & BLACK METAL

 

Ce n’est pas qu’on n’est pas sérieux, ou qu’on vient au Motocultor en dilettante, appréciant le confort de la zone presse, le stupre, la drogue dans des bénitiers géants et les chaises à porteurs pour éviter d’avoir mal au pieds. C’est surtout que (comme l’an dernier dans mon cas), il s’agit du 6e festival de l’été. Et on se fait vieux ma petite dame. Résultat, le démarrage au réveil est un peu plus enroué, et le trajet à travers la forêt et le petit chemin qui sent la noisette (et un peu la pisse) sera notre tradition du matin. Via le village, avec pause devant la maison d’où un petit chaton nous observe, interrompant un combat enragé contre une pantoufle. Notre El Dorado se trouve au PMU de St Nolff. Piliers de comptoir hilares devant la population du ouikène, patrones qui servent des cafés à tour de bras, et surtout, abri contre les éléments. A l’intérieur du PMU, il fait chaud et sec, et les fauteuils sont douillets.

Résultat, ce sont encore mes photographes qui se retrouvent les premiers sur le pont, avec rien de moins que Mars Red Sky, probablement tout juste sortis du lit, s’il s’avérait qu’ils aient dormi dans un lit, et pas sous la scène Prosono Discount.

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(Photos : Sébastien Gallon)

 

Avant d’enchaîner sur un plan très “deux salles, deux ambiances”. D’un côté, Oak’s Crown, petits Vannetais (label “groupe du cru”) qui entame la suite logique de Mars Red Sky, en moins psyché, plus sludge, mais stoner quand même (à gauche), et de l’autre Extermination Dismemberment, ouvrant pour l’occasion “la scène de la forêt” (i.e. la Suppositor) avec du Brutal Death venu de Biélorussie. Si Watain est attendu pour foutre le feu au bois, eux, ce sont ceux qui vont préparent le terrain. 1, 2, 3, 4, et boom. 40% des épines des sapins tombent à 10 kilomètres à la ronde. Et nous, on se regarde en souriant ; “c’est pour ça qu’on est venus”.

 

(On sent bien qu’ils n’ont pas égorgé les cochons ensemble)

 

Revenir du PMU via du brutal death, direction (Cuir cuir cuir) Mustasch, c’était la bonne idée du matin. Les Suédois la jouent “sexy band”, en font des caisses côté poses, et petites vannes. Profitant de la hauteur hallucinante de la scène (probablement un coup d’Excalibur)), le gratteux s’amuse à s’accroupir pour chatouiller les mecs de la sécu. OK, c’est débile, mais ça fait rigoler en début de journée. On aime les rockeurs qui sentent un peu l’huile de vidange, surtout quand ils ont des têtes plus sympas que celle de ton baby sitter préféré quand tu étais gosse.

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(Galerie : Aurélia Léardini & Sébastien Gallon)

 

Pour poursuivre en douceur, cap vers la Lithuanie, avec Au-Dessus, qui joue ce qu’on appelle désormais du “black à capuche”. Déjà vus au Hellfest 2018 ainsi qu’au Petit Bain, ils confirment une idée déjà admise : eux, ils sont rudement bons. La petite fille au casque vert sur les épaules de ses parents au 3 rang pourra le confirmer. Notons qu’à ce stade de la journée, il fait encore beau, et qu’on espère encore que tous les bulletins météo se soient plantés, mais qu’Au-Dessus parvient à instaurer une atmosphère sombre et lancinante, en particulier grâce au son, assez excellent pour une petite scène de fest.

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(Photos  : Aurélia Léardini)

 

Pendant que je repartais à la recherche des caupaings éparpillés, Seb ne loupait pas un instant de Not Scientists, des punks lyonnais avec un peu de bouteille.

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Quand soudain, on se trouve face au premier vrai conflit horaire du festival. Nous, on veut voir 1000mods. J’ai même un ami venu presque exprès pour eux, donc la décision est rapide.

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(Photos : Aurélia Léardini)

Purée, on n’a pas été déçus. Depuis ce concert, on veut tous prendre des vacances en Grèce, et ça ne peut pas être un hasard. Après une grosse claque au Hellfest 2018, nous ne sommes pas vraiment remis de leur stoner bluesy, à voix rocailleuse et gratte grasse, tendance Mad Max électrique. Essai transformé, c’est cool, ils repassent bientôt ?

Et n’oublions pas qu’Iron Reagan jouait au même moment. On en a des photos, heureusement, mais ça ne compense pas d’avoir zappé leur set thrashy-punk et joyeux.

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Ils sont-y pas choupi à souhait ? (Photos Sébastien Gallon)

 

En parlant de valeur sûre, voilà que Death Angel se pointe sur la grande scène, histoire de secouer les puces des spectateurs de 1000mods, et d’achever la foule poussiéreuse qui arrive d’Iron Reagan avec des cailloux dans les cheveux. On se dit que les circle pits dans la pente, ça n’a pas dû s’arranger depuis l’an dernier. Et ce n’est pas parce qu’on a loupé l’échauffement qu’on ne peut pas participer à LA BAGARRE. 45 minutes plus tard, essoufflés mais heureux, la voix cassée d’avoir beuglé en sautillant, on se dit que ça s’arrange pas avec l’âge, mais que tant qu’eux continueront, on les suivra.

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(Photos : Sébastien Gallon)

 

Retour à la Suppositor, pour retrouver les Suédois de Tribulation. Dans mon souvenir, c’était un trio, mais soit je m’étais trompée, soit, cette fois, ils avaient un bassiste en rab. Côté musique, c’est du black/death un peu gothique, avec une bonne dose d’inspiration venue des films d’horreur, très efficace. Et un gratteux ultra photogénique qui joue de plus en plus sur son aspect androgyne. Ca fonctionne bien, occasionnant des conversations rigolotes ici et là toute la journée.

Impressionnante hein, la meuf dans Tribulation ?

– Tribulation ? Tu parles de quelle meuf ? Celle qui s’appelle Jonathan ?

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(Photos : Sébastien Gallon)

Pendant ce temps, sur la Massey Ferguscène, Ange, soient les vétérans de la scène française rappellent qu’il n’y a pas que les vieux celtes dans la vie, même si Christian Descamps, leur chanteur, a fait quelques extras avec Excalibur la veille. Un changement de chapeau plus tard, on y voit presque que du feu.

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(Photos : Aurélia Léardini)

 

On ne sait pas trop ce qu’ils ont mis dans l’eau du robinet au Motocultor, mais c’est vraiment une année remplie de Suédois de toutes sortes. En revenant de Tribulation (via le bar et le stand de bouffe, où les frites ont reparu, telles la preuve de l’existence d’un dieu ou plusieurs), c’est l’occasion d’attraper au vol la fin du concert de Soilwork, dans un tout autre genre. Et de constater que Björn Strid a EXACTEMENT la même tronche que la première fois que je les ai vus, vers 2004 probablement. Le son un peu brouillon gêne un peu l’accueil des titres par le public plus long à la chauffe, à moins que la fatigue ne se fasse sentir. Pour les avoir vus à Alcatraz la semaine précédente, je dirais que le show belge était au dessus, mais ça reste subjectif. Et j’ai croisé de vieux bricards des concerts comme des ptis jeunes qui vivaient le meilleur moment de leur journée en s’explosant la voix sur “Stabbing the Drama”, et ça, c’est cool.

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(Galerie : Aurélia Léardini & Sébastien Gallon)

 

Tu me diras, à ce stade, on s’éloigne un peu de notre fil rouge télépoubelle, non ? Un peu seulement, te répondrai-je. Car on passe dans une sorte de récompense avant la tempête. On cherchait qui pourrait jouer Moundir dans ce festival de grands tarés. Le premier prétendant au titre sera clairement Tiger Bartelt de Kadavar. Déjà parce que les Allemands nous enveloppent dans leur stoner psychédélique comme dans un grand plaid chaud et doux. Et ensuite, parce qu’à les regarder avec leurs dégaines pas possibles, on se dit que tout se passera bien, sans aucun doute. Un concert qui te fait rire, c’est toujours bien. Un concert qui te fait rire, danser, sauter partout et gueuler “WOAAAHHOUUUUUUUH” à tout bout de champ, c’est encore mieux, et c’est le cas pour Kadavar. Les trois barbus sont fabuleux à voir, mais c’est vraiment leur batteur qui concentre les regards. Complètement absorbé par son jeu, le visage parallèle au sol, tourné vers le plafond, moulé dans un ticheurte en tulle qu’Amanda Lear n’aurait pas refusé, il est hypnotique, il a mangé des Chocapic.

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(Photos : Sébastien Gallon)

 

 

Ca faisait longtemps qu’on n’avait pas vu de Suédois. Ca tombe bien, puisqu’un nouveau groupe arrive du nord, et pas les moindres. Hypocrisy valeur sûre, et autre poulain pour jouer Moundir en la personne de Peter Tägtgren. Bientôt 50 ans, probablement toutes ses dents (personne n’ira vérifier de toutes façons), et une certaine réjouissance à évoquer la fin du monde et les invasions extraterrestres, en alternant les morceaux mélodico malsains et les titres dynamite à se rompre les tendons. Alors j’ai déjà souvent parlé de mon faible pour Peter & Hypocrisy, qui ne faiblit pas d’ailleurs, surtout quand il adapte “Fire in the Sky” en “Fire in the Tent” pour la plus grande joie de la Dave Mustage, où le public se serre. Dehors, il commence à pleuvoir. Les éléments ne se déchaînent pas encore, mais ils s’échauffent, et nous, occupés à headbanguer malgré les fuites d’eau qui nous tombent sur le cou, on se dit que rien ne pourra nous arriver de mal. On y croit encore.

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(Photos : Sébastien Gallon)

 

Passer d’une tente à l’autre, c’est vite fait sous la pluie, l’épreuve n’est pas encore là, même si on commence sérieusement à se dire que la chance a tourné, et qu’il serait temps de sortir les cirés, les vrais. Côté Massey Ferguscène, c’est Magma qui s’installe, suivant Ange dans la thématique “Woah, ils sont encore vivants eux ?!”

Alors je possède des amis qui aiment Magma, et qui en parlent souvent sans même les nommer, comme si le contenu de la conversation ne laissait aucun doute sur son sujet. J’ai toujours associé ce groupe à une planche d’Hamster Jovial & les Petits Louveteaux de Gotlib, ce qui vous pose quand même une réputation sur le haut de la commode. Ils ont inventé un style, le Zeuhl (où ils sont un peu seuls, certes, mais voilà), et ils sont français. Autant de bonnes raisons et de sources de hype pour aller découvrir Magma sur scène, et voir si on apprécie mieux que sur album.

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Sauf que non, en fait. J’accroche pas. C’est horrible à dire, mais ça fonctionne pas. Pour moi, du moins, parce que s’il y a quelque chose à constater, c’est que le public qui aime Magma… AIME Magma. Autour de moi, tout le monde est complètement absorbé par le nuage de son. J’ai beau ne pas trop comprendre ce qu’il se passe sur scène, eux le savent, et ça crève les yeux, jusqu’à rendre un peu jaloux parfois, tant l’espèce de communion en jeu donne envie. Chez Moundir, ce concert serait un puzzle coloré à résoudre, et moi une candidate daltonienne.

L’épreuve, la vraie, se trouve sur la scène de la forêt, où Gaahls Wyrd tente de jouer malgré les trombes d’eau qui s’abattent sur la scène et le public. Pour espérer sauver le matos afin qu’il resserve un jour, et éviter que Gaahl ne nous fasse une Claude François, le concert doit être interrompu. Épreuve interrompue sur abandon médical .

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Le site entier de Kerboulard se transforme peu à peu en piscine boueuse. Zappant NOFX pour retourner à la tente chercher le réconfort sous forme d’un pull, d’une bière et de 30mn dans un sac de couchage, je crains que l’annulation de Gaahls Wyrd n’entraîne celle de Watain. La pluie ne faiblit pas, le vent n’arrange rien, mais un ami m’indique que le set de Watain est en cours d’installation. Traversant les marées boueuses qui glissent ou collent selon les moments, l’épreuve subsidiare, c’est de retourner à la Suppositor et attendre. Attendre que le roadie au briquet réussisse à allumer ou rallumer les accessoires scéniques soufflés par les éléments. Attendre que les amplis soient protégés le mieux possible, attendre que la balance soit correcte, attendre en espérant une éclaircie, attendre en se disant que zut, déjà 20mn de retard sur l’horaire, ils devront tronquer leur set, du moins s’ils jouent vraiment…

Et enfin. Dans une ambiance incroyable de Crépuscule des Dieux, le show de Watain s’élance comme une fusée, allumant la nuit, réchauffant les alentours. Erik Danielsson arrive sur scène une torche à la main, qu’il balance allumée dans le public. Et on se rappelle la pensée du matin, celle qui nous intimait qu’on allait tous mourir sur le barbecue de Watain dans la forêt. Les éléments ont changé, on crèvera peut être noyés en plus d’être flambés, mais dans un cadre pareil, ça restera une mort classe.

Finalement les Suédois nous jouent leur set complet. Avec des musiciens qui se prennent des trombes d’eau dans la gueule mais qui vont au bout. Dégoulinants de sang, de maquillage, de pluie, la totale, la Messe Noire ultime, devant un public acharné. Clairsemé par l’attente et les conditions, mais constitué uniquement de warriors venus en découdre et soutenir Watain coûte que coûte dans leur volonté de jouer ce concert de fin du monde. Alors certes, nous n’avons pas de photo de ce concert mythique, mais peu importe, on a mieux :

 

(Dessin : Aurélia Léardini)

Le temps de retrouver un semblant de cerveau qui fonctionne, il n’est pas trop tard pour attraper le concert de Turbonegro, une valeur sûre de fin de journée. Certes, c’est moins impressionnant que Watain, mais on ne peut pas nier qu’eux aussi savent être flamboyants sur scène, dans leur style. Là non plus, pas de photo, mais c’est uniquement pour jeter un voile pudique sur nos propres dignités. A ce stade, la pluie se calme parfois, mais va redoubler pendant la nuit. Le 3e jour s’annonce compliqué, mais peu importe, on a survécu à Watain, Kadavar avait raison : il ne peut plus rien nous arriver d’affreux maintenant…

 

QU’ON CROYAIT !

[Pour connaître la suite de cette histoire palpitante, l’Episode 3 est là !]

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