
C’est en mai dernier au Dr Feelgood Bar de Bastille, que nous retrouvons Yann Le Baraillec, programmateur et directeur du Motocultor festival. Détendu, il attaque cette année 2019 avec plein d’envie dans la lignée d’une édition 2018 complète et au succès public. Une motivation toujours intacte et une équipe encore plus passionnée pour un festival humain parmi les préférés du public.
Un échange au jardin et sans le thé mais riche de sujets autour du futur, d’opéra Metal, de doutes, de la passion et de la vie d’un irréductible festival breton.
Bonjour Yann, tout d’abord j’aimerais revenir avec toi sur l’édition 2018, quel est le bilan que tu en tires ?
Le bilan est très positif car c’est la première fois qu’on fait complet, il y a eu 30 mille entrées. C’est une grande première pour nous car économiquement, et pour pérenniser le festival, c’est une étape importante qu’on vient de franchir et c’est positif pour la suite.
Les finances sont un peu plus dans le vert pour le festival qui revient de loin après 2017 ?
Oui il y a mieux, mais on a augmenté la dette de 100 %. On était à – 188 000 euros de dettes après l’édition 2017, parce qu’en fait à cette période, le crowdfunding avait été lancé pour avoir la trésorerie qui permettrait de continuer l’édition d’après et non réduire la dette. Mais faire cette édition 2017, on se doutait qu’on allait creuser encore plus la dette. Avec toute la logistique retardée et le public qui s’était déjà engagé ailleurs sur cette période riche en festivals du coup. Surtout les gens qui viennent de loin! On avait perdus au bas mot 10%. Et ces 10% là, c’est peut-être tout con mais avec 100 euros le pass 3 jours, moins les recettes bar et restauration et bien ça fait une augmentation de dettes de 150 mille. On l’avait vu en amont car la programmation traînait inévitablement. Mais à partir de 2017, après le crowdfunding, on a eu une augmentation assez forte de l’aide des collectivités et du coup cela nous a aidés pour l’édition 2018 en ayant une meilleure visibilité et des bases plus solides au niveau des aides. Mais on avait donc démarré à moins cent-quatre-vingt-huit-mille en 2018 et je t’avoue que c’était assez énorme, je ne dormais pas beaucoup.
Du coup là ça va mieux, tu es plus serein avec une édition qui a été au delà des promesses en terme de fréquentations et 2019 qui part bien en terme de retroplanning de communication et logistique ?
Et bien oui car avec 2018, on s’est dit qu’on ne pouvait pas étaler ça! Expliquer qu’on faisait un crowdfunding pour une nouvelle édition et que la dette avait grossie, les gens n’auraient pas compris. Je pense qu’il ne fallait pas tout expliquer non plus et avant tout prouver aux gens qu’on pouvait s’en sortir et faire une bonne édition 2018. L’idée était plutôt là l’année dernière. Du coup on a réussi à communiquer très tôt, on a trouvé des partenaires privés qui nous ont avancé des sous pour remplacer ce qu’on n’avait pas et c’est pour cela qu’on a pu commencer à mettre en vente 2018 dès l’été 2017. Mais aussi commencer à annoncer les groupes très tôt! La billetterie promo a très bien marché, ça allait même plus vite que notre meilleure année depuis la création du festival. On a vu notre avance augmenter et on a même fait plus que complet car on a augmenté notre jauge de capacité. Mais pour ça on a eu de la chance car en 2017 les collectivités ont donc augmenté leurs aides au festival alors qu’ils étaient assez inquiets sur notre situation mais on a réussi à leur expliquer la situation et sa logique pour qu’ils continuent à nous suivre et ne pas perdre la dynamique qu’on avait justement réussie à créer cette année. On a bien fait car comme je te le disais, on a réussi à vendre les places pour 2018 très rapidement, négocier et convaincre les agents assez tôt. Et du coup on a toujours la même dynamique pour 2019. On peut même se permettre de rajouter une quatrième journée, ce qu’on n’aurait pas pu faire si le scénario en avait été autrement au passage de 2017.
Justement, j’allais en venir à cette 4eme journée ! La transition est parfaite.
Et bien j’avais des idées pour poursuivre le développement du festival. Je me suis dit qu’il ne faut pas rester sur la même chose et on avait déjà de la musique celtique et traditionnelle. En 2010 il y a eu un groupe qui est très connu en Bretagne et du public Metal du coin mais pas forcement ailleurs certes. Mais ce groupe, Plantec, avait réussi à fédérer le public ce soir là. Il y avait quelque chose et j’ai toujours gardé l’idée dans le coin de ma tête. Et puis il y a les groupes de Pagan aux touches celtiques ou trad’ qu’on a souvent programmés ces dernières années. Du coup l’idée là, c’est qu’on est en Bretagne, on pourrait maquer un peu plus le côté celtique mais je ne voulais surtout pas toucher l’équilibre qu’il y a dans la programmation. Elle est éclectique mais elle repose sur un bon dosage et si on mettait plus de groupes celtiques il faudrait donc réduire de l’autre côté et je ne voulais pas trop y toucher. Je me disais que pour développer et optimiser au mieux les coûts on pourrait soit augmenter la jauge, avoir de plus grandes scènes et prendre de plus gros groupes mais ce n’est pas ce que les gens veulent. Ce n’est pas ce qui ferait pérenniser le festival car le public veut avant tout qu’on reste à taille humaine, donc aller vers encore plus gros, plus de groupes et tout ça dans la formule de base. Je n’y croyais pas trop et puis ça aurait fait encore plus de boulots et plus de complications surtout qu’en plus on est à côté du Hellfest en grosse structure…
Du coup je me suis dit qu’on pourrait devenir un festival plus important en rajoutant plusieurs groupes sans augmenter la jauge mais en rajoutant une journée. Nous avons des gens qui viennent de toute la France mais l’expérience 2017 nous a montré qu’en cas de problème les gens du coin ne venaient pas, on a remarqué, chiffres à l’appui , qu’il n’y avait pas beaucoup de gens du Morbihan qui venaient sur le festival. Donc l’idée c’était de combler ça car si un jour il y a d’autres festivals qui se créent ailleurs en France, potentiellement on pourrait avoir un public en baisse. Il faut se préserver de ça et on a une faiblesse au niveau ancrage local. Du coup l’idée c’était cette journée plus celtique là en faisant un grosse promo dans le Morbihan qui pourrait donc nous ramener un peu plus de gens du coin et ça, ça pourrait permettre à terme d’équilibrer. Et même pour les partenaires car tous les gros sont au niveau national au Hellfest et on ne les aura jamais. Pour trouver autre chose sans dénaturer le festival, il fallait convaincre autrement en ouvrant légèrement la programmation ainsi susciter la curiosité de futurs partenaires et convaincre les gens du coin de venir sur le festival et ne pas être juste bienveillants envers nous. Car c’est bien mais faut venir. (rires)
Déjà l’année dernière, tu me disais que ça faisait partie de tes objectifs d’ouvrir le festival à un public du coin. Mais la musique celtique et traditionnelle c’est large et riche, du coup pourquoi cette tête d’affiche avec Excalibur ?
Et bien pourquoi pas ? (rires) Plus sérieusement, ça remonte au pourquoi du Motocultor Festival ? A la base j’étais musicien batteur et je faisais de la musique avec des compositions au début des années 2000, et je jouais aussi dans le groupe Motocultor qui était beaucoup sur des reprises. On jouait pour les potes, localement en Bretagne. Mais j’avais aussi un projet de création d’Opera Metal parce que j’avais une grande passion large dans la musique je tripais sur tout un ensemble metal avec en plus un orchestre symphonique. J’ai regardé si quelque chose de ce genre là existait et je suis tombé sur le projet Excalibur. Ce n’est pas vraiment du Metal mais il y a ce côté rock progressif avec beaucoup d’artistes internationaux, des bagad et un orchestre symphonique. Je ne savais pas que ça existait et je trouvais ça assez chouette comme projet mais je ne le voyais pas dans la programmation de la formule de trois jours. Car faire un projet comme ça avec 120 artistes, techniquement et logistiquement je ne voyais pas comment pouvoir gérer tout ça uniquement pour eux. Mais quand j’ai eu l’idée en début d’année de faire la quatrième journée, je ne savais pas comment j’allais la faire et ce que j’allais en faire mais le principe de cette journée sur la musique celtique a connu un rebondissement car quelques jours avant le festival 2018, j’ai vu qu’ Alan Simon le créateur d’Excalibur cherchait un lieu pour fêter les 20 ans en 2019. Du coup le déclic s’est fait, j’étais déjà sur cette idée il y a trois ans et j’écoutais beaucoup ce projet à cette période, c’était parfait pour la journée du jeudi. Je ne savais pas encore comment j’allais la faire car fallait monter une programmation et je n’avais pas encore les idées car je n’y avais pas encore trop réfléchi. Et là à partir d’Excalibur j’ai vu direct ce qu’il fallait en terme de programmation. C’est un truc que je voulais déjà faire trois ans avant mais logistiquement et dans un festival Metal pendant trois jours je me voyais donc obligé d’enlever des groupes Metal que là, en le faisant sur quatre jours il y a un réel plus. Le gens qui veulent le festival dans son jus il y a la formule 3 jours et ceux qui veulent un truc complémentaire qui peut rentrer dans l’esprit du festival ont aussi la possibilité. Surtout que le public habituel a l’air intéressé par ça car un pass 3 jours sur deux est une formule quatre jours.
Justement, comment a été accueillie la nouvelle de cette programmation spécialement locale ?
Et bien on a vu direct que les gens achetaient les places, je ne pensais pas qu’il y aurait autant de succès. Il y aussi le fait qu’il y a Alan Stivell, c’est aussi une légende de la musique celtique et beaucoup dans le public Metal apprécient ce style il ne faut pas oublier. C’est une légende et c’est aussi celui qui a relancé ça il y a très longtemps. D’avoir ces deux têtes d’affiche ça fait déjà un truc solide. On a aussi Eluveitie pour faire le pont entre le côté Metal et traditionnel. Aussi Corvus Corax qu’on avait jamais fait et ça permet aussi de faire le lien avec Excalibur car la comédie musicale fait de grosses tournées en Allemagne et Corvus Corax a aussi participé au show. Du coup je pense que tout ça peut plaire à notre public habituel car ça lui parle en fait.
Et pour l’affiche on va dire plus « traditionnelle » Motocultor, quels sont tes coups de cœur personnels cette année ?
Je suis assez content pour Henri Des même si ce n’est pas très Metal à la base, mais le lien est clairement là, car en plus de cette touche d’humour il joue avec le groupe de Metal de son fils! Du coup il a sa place à 200% chez nous. Je suis aussi assez content d’avoir Voivod et Midnight en Metal car pour le deuxième, ça fait assez longtemps qu’on essaie de les avoir. Il y a deux trois ans on les avait déjà démarchés et là on s’y est pris plus tôt, on a motivé d’autres festivals en Europe de les programmer et du coup ça a créé une tournée pour que Midnight soit là avec plusieurs dates à la suite.
La petite question personnelle, pour Eyehategod avez-vous prévus des dispositions particulières ? ( Lors du « dernier » passage au Motocultor, le groupe s’était trompé de route et s’était rendu directement à son étape d’après… NDLR)
(Rires) On va les rappeler pour leur demander si le GPS les emmène bien à Saint Nolff et non Clermont Ferrand.
Du coup les perspectives et les attentes de cette édition 2019 ?
Et bien c’est tout d’abord de voir si on pérennise sur 4 jours ou pas, si on trouve les bonnes idées de programmation on retentera l’expérience l’an prochain, car il faut que ça ait du sens. Au moins le faire deux fois pour voir si économiquement et artistiquement ça tient la route quitte à faire une formule plus courte avec 4,5 groupes. Est-ce que tout le temps celtique ? Je ne sais pas, ça dépendra des idées et des opportunités. En tout cas je suis pour retenter en 2020 et après voir au niveau des expériences si on renouvelle de façon pérenne ou de temps en temps, je ne sais pas encore. Les autres nouveautés : deux scènes plus grandes, dont la principale qui aura un peu plus de gueule et qui restera sous chapiteau. Mais aussi la Suppositor Stage qui était beaucoup trop petite auparavant ; on faisait avec les moyens, du coup maintenant elle sera l’équivalent de la Massey Ferguscene et puis ce sera plus facile aussi pour ramener les groupes sur cette scène car au début ils râlaient, ils n’avaient pas trop envie de jouer dessus!
Merci pour toutes ces infos et je te laisse conclure du coup !
Et bien rendez vous les 15, 16, 17 et 18 Août prochain pour un festival, j’espère complet encore, et il ne faudra pas tarder à prendre ses places pour être parmi nous.
Et bien merci à toi Yann et on souhaite au Motocultor tout le positif possible et de nombreuses éditions sold out. On se voit à Saint- Nolff !
Propos recueillis par Anthony
Merci à l’équipe du Motocultor et L.O. Communications
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