
Ils sont venus, ils ont vu, ils ont… écrit un album ! Sabaton le groupe suédois célèbre pour sa narration, à la sauce Heavy, de grandes batailles et de héros de guerre, s’est attaqué à la “Der des Ders”. Quand le Metal rencontre l’Histoire, exit les manuels soporifiques ! Joakim Brodén vous raconte l’Histoire à sa façon.
J’ai lu un article à propos de votre venue à Verdun, paru dans un journal ordinaire. Il y a une phrase qui m’a marquée : « On ne dirait pas, comme ça, mais ces gaillards aux blousons en cuir et aux cheveux longs sont des passionnés d’histoire ». Alors c’est assez drôle de lire ça non ? Peux-tu au contraire expliquer pourquoi le Heavy Metal et l’Histoire vont très bien ensemble ?
Joakim Brodén : J’y ai souvent pensé, alors peut-être pas tout le Heavy Metal, mais bien dans le genre qu’on joue. Le spectre émotionnel peut aller de l’agressivité pure et simple, la haine à la joie, la fierté. Ces émotions sont très fréquentes dans l’Histoire militaire. De la joie et de la fierté dans ce qui a été accompli… Alors je pense qu’on a cette connexion émotionnelle. Je suis personnellement passionné d’Histoire, n’importe quel genre. On n’aurait pas pu faire un album de Heavy Metal sur l’Histoire des musées de Suède par exemple ! (Rires). Cela dit, notre travail sur l’Histoire des guerres avec Sabaton nous y expose ! On visite des mémoriaux, des musées. Plus on apprend, plus je me rends compte qu’on ne sait rien, enfin moi du moins !…(Rires).
Comment devient-on un héros, une légende de guerre ? Par extension comment devient-on le sujet d’une chanson de Sabaton ?
Joakim Brodén : Une décision prise en une fraction de seconde, pour des raisons valables je pense. C’est rarement tout noir ou tout blanc, ça n’a rien à voir avec être une personne sainte et dont toutes les actions sont bonnes ou alors une personne foncièrement mauvaise… J’ai vu comment les conflits militaires peuvent faire ressortir à la fois le meilleur et le pire chez une personne. C’est intéressant de savoir que ce ne sont pas toujours les personnes auquel tu t’attendrais qui font les bonnes actions. A l’inverse, celles que tu espérais font ce que la majorité considèreraient comme de mauvaises choses. Donc je crois que ce qu’il faut c’est cette prise de décision en une fraction de seconde par pur instinct.
Si on prend par exemple notre album Heroes ; on ne dit pas que ces gens-là étaient des saints durant toute leur vie , dans beaucoup de cas c’était juste une décision à un moment donné qui a fait d’eux des héros. Je trouve fascinant de lire la vie de personnages historiques, comme Winston Churchill, qui est un très bon exemple. Premier ministre britannique durant la Seconde Guerre Mondiale, il est considéré comme un grand homme par beaucoup de gens, et on peut se dire que nous ne sommes pas ici pour juger mais c’est intéressant de voir que ce n’était pourtant pas le meilleur durant la Première Guerre Mondiale… (Rires)
Ça me fait penser à une chanson de The Great War, « The Red Baron », ce personnage va être perçu différemment selon le point de vue ! Pour les Allemands c’est un héros, alors que pour les Français…
Joakim Brodén : C’est un meurtrier ! Bien entendu…
Exactement !
Joakim Brodén : Dans un conflit militaire il y a toujours, au minimum, deux points de vue sur un personnage ou un sujet. Cet album ne célèbre pas des Héros mais c’est plutôt un récit de la Grande Guerre selon des points de vue intéressants. Et parfois, le plus intéressant n’a rien à voir avec le principe de bien ou de mal, qui avait raison ou qui avait tort, qui est bon ou mauvais. Par exemple, on a fait cette chanson il y a un moment appelée « We Burn » qui est chantée à la première personne et du point de vue de Radovan Karadzic, ce qui est assez controversé. Mais c’était la façon la plus intéressante de le faire. « Carolux Rex » à propos du roi suédois mégalomaniaque est aussi chantée à la première personne. De son point de vue à lui… Et il était vraiment fou ! Il ne voulait pas laisser les évêques le couronner, alors, il a pris la couronne pour se la mettre lui-même sur la tête ! Pour lui il n’y avait personne entre lui et Dieu… Le fou ! Mais c’était le point de vue le plus intéressant pour écrire la chanson.
En parlant de différents point de vue, quel est celui de la Suède à propos de la Grande Guerre ?
Joakim Brodén : Je ne sais pas ! La Suède a eu de la chance de rester neutre pendant des années. On a été impliqués par accident… Mais il y a environ 10 millions de personnes en Suède, alors tu auras 10 millions de points de vue différents !
Et à l’école alors, vous apprenez quoi sur cette guerre ?
Joakim Brodén : On lit « A l’Ouest, rien de nouveau », c’est une lecture obligatoire je ne me souviens pas de l’auteur (il s’agit de Erich Maria Remarque, ndlr). C’est un livre écrit comme un journal intime de soldat. J’avais environ 10 ans quand je l’ai lu. Je crois que c’est un très bon livre, mais pour un enfant de 10 ans c’est plutôt ennuyeux ! Il faudrait plutôt le lire à 15 ans mais je crois que chaque système éducatif se débrouille très bien pour rendre des choses intéressantes inintéressantes ! Les questions qu’on devrait poser à l’école ne sont pas les dates de règnes de Gustav Vasa, c’est une question stupide, mais plutôt qui était-il et pourquoi il est important dans l’Histoire de la Suède !
“J’ai été invité par mon ancienne école”
Mais alors, il y a des profs qui utilisent vraiment vos vidéos maintenant pour rendre l’Histoire plus intéressante ?
Joakim Brodén : Oui c’est arrivé ! Quelques personnes l’ont fait, alors pas de le système éducatif national, bien sûr mais certains professeurs ont utilisé nos vidéos ! J’ai d’ailleurs été invité par mon ancienne école ; une des chanteuses qui intervient dans les chœurs enseigne dans cette école. Elle m’a dit qu’elle avait comme défi de faire une collaboration entre les matières : Musique, Anglais et Histoire devaient travailler ensemble et elle m’a demandé de l’aide ! Alors j’y suis allé, pour faire une intervention en anglais sur notre carrière musicale et notre intérêt pour l’Histoire. C’était un vrai défi d’avoir l’attention des enfants . D’un côté je sais lire un public donc je voyais bien quand je les perdais et du coup il fallait que je change de stratégie! Je ne pourrais pas faire ça tous les jours…(Rires).
Tu dis en toute modestie ne pas être un historien, cependant la façon dont vous parlez de l’Histoire et ces vidéos que vous faites maintenant sur votre chaîne* en expliquant les références de vos chansons, on peut dire que tu es un tout nouveau type d’historien moderne…
Joakim Brodén : On est des amateurs mais je suis heureux de savoir qu’on peut piquer la curiosité des gens sur l’Histoire. On est avant tout un groupe de Heavy Metal, c’est ce qu’on adore faire, on est des musiciens. Mais pour nous, avant de parler d’Histoire dans notre musique, écrire nos paroles était un mal nécessaire alors que maintenant on voit les choses autrement. On sent que nos paroles sont aussi importantes que la musique qu’on écrit. Certaines personnes vont écouter Sabaton sans s’intéresser du tout au côté historique, et ça ne me vexera pas mais je pense qu’ils passeront à côté de cet aspect qui rend les chansons encore plus intéressantes. Je ne me dirais pas historien mais plutôt vulgarisateur d’Histoire peut-être ?
Maintenant que tu es allé à Verdun et que tu as écrit une chanson dessus, est-ce que quelque chose a changé dans ta façon d’appréhender la Grande Guerre ?
Joakim Brodén : Et bien certaines choses… Bien sûr on corrige l’image qu’on en avait quand on peut voir de nos propres yeux. Ce sont probablement les recherches les plus approfondies faites pour un album de Sabaton et visuellement on s’adapte à la réalité. On a vu ce que jusque-là on ne pouvait qu’imaginer. Ma vision globale de ce conflit n’a pas changé. Petite anecdote : ça a été un long processus, et pas forcement agréable . Je ne suis pas facilement touché émotionnellement parlant mais je peux te dire que les gens autour de moi ont senti que – quand nous étions dans la phase de recherche la plus pesante – sans être non plus tristes ou déprimés, il y avait comme quelque chose qui chassait la joie de vivre. Alors je suis content que cette partie-là soit terminée ! Une fois la musique et les paroles écrites, les chansons enregistrées prêtes à être interprétées, c’est la fin du chapitre. Ce ne sont plus des souvenirs tristes maintenant, ce sont de nouveaux des faits historiques.
Les chansons ont été écrites avant que vous ne visitiez Verdun. Avec le recul changerais-tu quelque chose ?
Joakim Brodén : Très peu, mais c’est arrivé par le passé. Par exemple, lorsque nous sommes allés à Gallipoli qui concerne aussi la Première Guerre Mondiale. Nous y sommes allés après avoir écrit les paroles aussi. C’était bizarre car on a vu des photos du champs de bataille à l’époque mais quand tu es sur place de nos jours, c’est incroyable on dirait le jardin d’Eden ! C’est tellement beau, très fleuri et je me suis dit “Whoua si j’avais su, j’en aurais parlé dans la chanson…” Mais c’est une leçon qu’on a retenue, c’est sûr ! On fait moins d’erreurs comme celle-ci maintenant. Mais ça arrive quand même !
A propos de la musique dans The Great War, y a -t-il des nouveautés ?
Joakim Brodén : Oui, ça commence avec une petite surprise, ça revient vers du pur Sabaton puis de nouveau surprise et on revient vers du pur Sabaton et à la fin on se lâche ! «The End of the War to End All Wars » par exemple n’est pas conçu comme un titre rock classique mais plus comme une Bande Originale de comédie musicale ! Étrange…
Une question à propos d’un album précédent… Carolux Rex a été enregistré en anglais et en suédois. Allez vous refaire un album avec des paroles en suédois ?
Joakim Brodén : Oui si cela concerne l’Histoire de la Suède. Ça n’avait aucun sens pour nous de chanter à propos de la Première Guerre Mondiale en suédois.
“J’ai chanté une chanson en polonais”
Et pourquoi pas en français alors !
Joakim Brodén : Si je pouvais je le ferais crois-moi, mais je ne suis pas assez bon ! (Rires) Il faut avoir un très bon niveau pour retranscrire une émotion dans une autre langue. J’ai chanté une chanson en polonais, avec un coach qui m’aidait pour la prononciation. Ça rend plutôt bien, c’est une langue compliquée et en entend que je ne suis pas polonais mais c’est bien. Mais je suis plus focalisé sur la prononciation que sur le fait de transmettre une émotion dans cette langue.
Des surprises à venir ?
Joakim Brodén : Il y a toujours des surprises, même pour nous car on ne les a pas encore décidées ! Il y a eu « Bismarck » qu’on a fait pour les fans et qui n’est bien sûr pas dans l’album sur la Grande Guerre ! C’était le sujet le plus demandé pour une chanson. Il y a des projets, des concerts à venir!
Vous pourrez retrouver Sabaton en concert lors de leur passage à Paris le 7 février 2020 au Zénith de Paris.
Pour en savoir plus sur les titres de Sabaton, faites un tour sur leur chaîne youtube dédiée à l’Histoire : SABATON HISTORY.
Propos recueillis et traduits par Cindy.
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