Gofannon – Craft

Ils nous avaient donné des frissons lors de leur passage au Cernunnos en février et les revoilà avec un nouvel album ! Que Gofannon nous réserve-t-il cette fois ?

C’était l’un de nos gros coups de coeur du festival de Noisiel et vous aviez déjà pu découvrir sur The Unchained une chronique de leur premier album Prosodie et un interview de Samuel Méric, fondateur du projet. Après un premier album enchanteur les Toulousains remettent le couvert avec “Craft”.

L’intro instrumentale, “Animation”, est marquée par le duo flûte/violoncelle, coeur musicale du groupe. Les voix sont puissantes et mystérieuses à la fois. Elles s’élèvent en un choeur vibrant et contemplatif. Son titre laconique évoque tant de choses : à commencer peut-être par un réveil originel de la Nature.

Les premières notes du morceau suivant, “le Chêne vert”, nous plongent dans l’univers occitan des Toulousains et rappelleront aux plus nostalgiques d’entre nous une certaine chanson d’Hantaoma ! La diction de Samuel Méric et son chant très narratif nous invitent à nous perdre en forêt, comme le suggérait le titre du morceau. Construit en deux parties, ce dernier débute de manière plutôt enjouée avec sa reprise de “Para Lo Lop” avant de basculer avec énergie dans la partie “ballade” chantée, tantôt en français, tantôt en occitan. Un morceau qui fait écho à la cover très végétale de l’album.

 

Malgré son titre en français, “l’Animal” est chanté en anglais, encore une façon de jouer avec l’universalité des cultures européennes de laquelle se revendique le groupe. La guitare rythmique se fait plus présente ici, sur fond de basse continue au violoncelle tandis que les flûtes hululent tout autour.

Retour de l’occitan avec “La cançon de Milharis”. L’instrumentation est on ne peut plus minimaliste et médiévale : seuls tambours et trompes viennent ici rythmer le choeur des voix. Le marteau de l’enclume tinte avec parcimonie – c’est d’ailleurs l’un des instruments les plus curieux qu’il m’ait été donné de voir en live ! Gofannon emprunte ici une chanson du répertoire traditionnel pyrénéen.

“Escorneboeuf”, morceau instrumental utilisé pour le teaser de l’album. Un air simple à la guitare folk, accompagné d’une cloche sonnant dans le lointain… La chanson qui suit, “Gofannon” allie à merveille le caractère grave et mélancolique et l’énergie débordante, presque sauvage qui se dégagent des morceaux du groupe. Les breaks instrumentaux viennent insuffler des moments d’allégresse à la longue et monotone complainte chantée. Serait-ce un soupçon de scream que j’entends pendant le break central ? Si le groupe ne cache ses influences metal, sa musique s’en détache par son instrumentation mais pas par son esprit ! Et si comme moi vous vous posiez la question, sachez que Gofannon est le dieu gallois de la forge !

J’adore écouter jouer de la guitare folk, entendre les doigts glisser sur les cordes métalliques et le médiator frotter leurs sillons. Ces petits sons n’appartiennent pas à la mélodie mais lui donnent un cachet presque artisanal du moment qu’on entende la main. Aussi l’intro de “Las fialairas/Herr mannelig” me laisse rêveur. Au titre, on devine que c’est à nouveau un morceau construit en deux parties. La seconde abandonne la guitare pour des instruments plus médiévaux (trompes, cordes frottés, tambourins, flûtes). Encore une fois, les langues se toisent sans se contredire : paroles en occitan mais titre en suédois. Le texte original est en effet une vieille ballade scandinave racontant la non-histoire d’amour entre une femme troll et un pieux chevalier.

Prosodie avait sa chanson en suédois, Craft a la sienne ! Mais comme cet album est décidément plein de surprises, “Mörka tiden” a des paroles bilingues franco-suédoises. C’est aussi un morceau où l’influence metal des membres de Gofannon ressort le plus. On y retrouve un chant guttural en fond, doublant le chant clean, ainsi que de la double-pédale. Ces ingrédients sont distillés de manière très légère mais viennent accentuer l’atmosphère plutôt oppressante de “Mörka tiden” (“le temps sombre”, si mon suédois n’est pas trop rouillé).

L’atmosphère qui m’avait séduit en écoutant Prosodie à mon retour du Cernunnos n’a pas changé ; la musique de Gofannon est toujours aussi ensorcelante. A l’écoute de Craft, on se rend bien compte de l’évolution technique du groupe : le son est plus propre, l’enregistrement au poil, la formation plus complète et plus riche… La recette est toujours aussi efficace : piocher dans les différentes cultures et régions pour en tirer mélodies, histoires, atmosphères ou que sais-je encore. Si le français et l’occitan sont sur le devant de la scène, l’anglais et le suédois, déjà mis à l’honneur dans Prosodie, n’ont pas été oubliés dans ce nouvel opus. J’aime la manière avec laquelle Gofannon nous fait voyager, non pas à des milliers de kilomètres en des terres exotiques, mais dans des paysages que nous connaissons. D’ailleurs, malgré le nom choisi pour le groupe, les références mythologiques sont (très) peu nombreuses si l’on compare Gofannon à ses homologues européens. Entre déambulations nocturnes et sylvestres, chansons populaires et histoires de berger, la dimension pastorale est très présente !

Cet album est une nouvelle pépite de “dark folk” s’écartant des sentiers (forestiers) battus pour proposer une revisite à la fois moderne et originale d’airs anciens et de langues délaissées par notre temps.

Craft, sortie le 24 mai chez Active Records (numérique), chez Non Posse Mori Records courant juillet (physique).

Texte : Thomas
Photo : Cindy Tucci

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