Les crevettes pailletées

Un film qui, aux vues de sa bande-annonce, fait un peu peur, c’est vrai. On a peur des clichés, d’une réalisation déjà vue pour ce type de comédie, d’acteurs un peu faux, et d’avoir vu tout le film dans la bande-annonce. Alors, on n’évite pas certains clichés, la réalisation est attendue et ne nous enchante pas spécialement, les acteurs ne nous surprennent pas d’une infinie justesse et la bande-annonce en dit beaucoup. Là où le film est surprenant, c’est qu’il nous attrape, nous prend et nous retourne de rire.

Ce film a un point fort indéniable, c’est sa cohérence. Il ne nous raconte pas une histoire sérieuse, avec des personnages sérieux qui se disent des mots profonds et tristes ; il nous montre l’histoire (vraie, soit dit en passant) d’une équipe de Water-Polo gay qui aime rire, s’amuser, mais qui n’est pas dénuée de convictions. Et tout cela se ressent réellement dans le film. Ce n’est pas un film qui s’est fait en un jour, les réalisateurs ont peiné à le faire vivre, à trouver de l’argent. Mais ils n’ont pas désespéré et ont produit un film en cohérence avec leurs idées. On voit clairement qu’outre la difficulté, tous se sont amusés. Ce film c’est l’histoire de gens normaux qui se regroupent parce qu’ils s’aiment, et qui avancent ensemble malgré ce qui pourrait les opposer. Dit comme ça c’est kitsch, c’est sûr, d’ailleurs le film est lui même assez kitsch, mais c’est logique avec l’histoire qu’il raconte et ce n’est finalement pas dérangeant. Car si ces messages sur l’acceptation de soi et des autres paraissent kistch, il n’est pas moins important de les rappeler. Everybody say love !

Raison pour laquelle le film n’avait pas besoin de la grandiloquence d’une réalisation parfaite aux travellings léchés et aux plans époustouflants. Alors le scénario est classique et un peu attendu, d’accord, mais là aussi on n’aurait pas vu autre chose parce que l’histoire qui est racontée ici est vraiment celle de héros ordinaires. On note tout de même que le film nous surprend et grandit en même temps que les gens dont il raconte la vie avec une fin assez inattendue tant dans le scénario que dans la très belle réalisation des derniers plans. Ce film est cohérent car il se déplie en même temps que se déplient les intrigues et les personnalités de chacun. La seule chose dont le film avait besoin, c’est d’humour, et il n’en manque pas.

C’est vraiment une pépite de ce que l’on pourrait appeler l’humour gay. Tout y est, chaque cliché y passe et se confronte au cliché d’à côté pour nous assurer du second degré qu’il suppose. Chaque personnage apporte sa pierre à l’édifice et donne un film vraiment drôle, mais aussi vraiment engagé. Parce que le cœur du film est là, dans l’engagement. Pas celui d’une histoire racontée, terrible et grave comme pouvait l’être celle de 120 Battements par minutes, avec ses plans tout soignés et l’assurance de verser un seau de larmes à la fin, mais le réel engagement d’un film, avec son histoire, sa réalisation, ses acteurs et ses personnages. Il n’encourage pas spécialement à se battre pour la reconnaissance de tel ou tel combat justement mené ou pour encourager une cause nécessaire. Il montre aux gens que c’est possible de s’assumer, de se marrer entre potes et d’aller au bout des choses, même en étant un puceau, un vieux syndicaliste sur la fin ou encore une femme transgenre.

C’est un film qui propose des figures de héros, et même des figures d’exemple. Si les héros gays existent dans le cinéma (120 Battements par minutes et Act-Up toujours plus engagé dans une juste lutte) peu de films proposent une identification réelle comme les héros d’aujourd’hui dans nos films d’actions. A part peut-être dans Pride, où des homosexuels allaient sauver une ville minière de la faillite, mais où il s’agissait plus de se faire accepter que de se dépasser, je n’ai pas de souvenir de films qui nous montrent de vrais héros gays. La plupart des films s’attachent à raconter le destin tragique d’hommes et femmes gays, qui soit se battent contre la société entière, soit n’ont pas le droit de vivre leur amour. Ce film parle de gens qui se dépassent personnellement, qui s’amusent et qui nous donnent envie d’être eux, de s’accomplir comme eux. Ce film c’est un Harry Potter Queer, on a envie, malgré les difficultés, de faire partie de leur monde. On se prend au jeu, on rit énormément et on ne rêve que d’une chose, c’est de faire du Water-Polo dans une piscine pleine de paillettes. Voilà un film qui fait du bien à l’âme.

LES CREVETTES PAILLETÉES, Un film de Cédric Le Gallo et Maxime Govare, avec Nicolas Gob, Alban Lenoir, Romain Brau… Sortie le 8 mai 2019, 1h40.

Texte : Louis Chaugne

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire