
Das Narrensschiff, ou bien la nef des fous, nous vient du XVeme siècle et Sebastian Brant son auteur y brossait le tableau de la condition humaine en mélangeant ironie, rigorisme et humour assez noir si ce n’est véridique (et on était qu’au XV ème siècle). Un ton cynique et un regard pessimiste et très en avance sur l’Homme, ses travers et sa perte. Une œuvre littéraire fondatrice qui inspirera beaucoup d’artistes et encore aujourd’hui. On ne rigole plus, beaucoup moins de cynisme et un maximum de réalité dans un triste et noir constat. Quand Nostromo sort un nouvel EP et l’intitule Narrenschiff, ce n’est pas pour répandre la joie dans les cœurs (cela nous aurait étonné aussi) mais plutôt tout son contraire : c’est un état du monde et de l’Homme.
L’artwork de L’EP met dans l’ambiance avec l’œuvre de Jürgen Weber : l’humanité va à son naufrage et le sujet après six siècles est encore clairement d’actualité, en fait. L’homme est sa propre perte et Sebastian Brant dans sa vision de la condition humaine et sa décadence avait vu juste, c’est juste que ça prend un peu plus de temps… Nous sommes plus au XVè siècle mais au XXI ème et la Nef des Fous est encore plus chargée.
Alors qu’on les attendait avec un nouvel album depuis la bonne nouvelle de leur retour aux affaires, c’est donc un court format sur six titres que le groupe nous présente pour des raisons qu’on évoquera point, juste le fait qu’une nouvelle arrivée à la batterie est à noter avec Max Hansen qui distribue les coups derrière les futs. Au delà de ça, EP ou LP, un nouveau Nostromo s’accueille avec enthousiasme. Six titres nuancés mais tout en violence quoi qu’il en soit, le « narrenschiff » narre le désastre humain qui vogue à sa perte et c’est pour cela que la nef de Nostromo ne fonce pas tête en avant. Elle offre différents visages en quelques titres et se trouve hautement mélodique, un nouvelle approche ?
Oui et non car l’ADN de Nostromo n’a pas changé et ils nous ont déjà habitués à de nouvelles propositions, le surplace n’est pas Suisse. On démarre sur du concret et sur du terrain connu avec une grosse claque massive bien violente qui secoue, “The Drift” le premier titre t’attend ainsi mais nuance, s’obscurcit et t’emmène dans les noirceurs de l’Homme. On parle du Narrenschiff en même temps, cette nef des fous chargée de tout ce qui fait l’humanité dans ce qu’elle a de plus mauvais… L’ADN n’a pas changée mais l’esprit a pris du plomb et la colère, certes toujours présente, est dirigée autrement.
“Superbia” premier titre dévoilé et celui qui se rapproche le plus des classiques du groupe, lâche les fauves dans l’arène et crache cette brutalité tout autant dans le chant de Javier ( en forme et en colère) que dans la musique. Le rythme imprimé massacre juste avant le pont dans une grosse montée en puissance et retour dans le charnier. Intensité et colère pure qu’on connait bien et qui sera un bon poing dans la gueule pour les prochains lives mais sur Narrenschiff les mélodies marquent les titres et les ambiances se superposent. “As Quasars Collide” a des airs d’apocalypse dans une fusion grind death pour un carange général. L’intro de “Septentrion” et sa montée en pression s’ensuit de sa décharge électrique générale telle une cascade de haine intense. Pas une baisse de rythme, tout en continue mais nuancé dans la mélodie juste pour te violenter, te réveiller et te tourmenter au final. On se retrouve dans un son plus progressif tout en gardant ce mur sonore implacable. Plus nuancé et recherché je dirais mais sans perdre de sa puissance.
C’est sur le final explicite pour les germanophones que je conclurais, avec l’extrait du texte de Brant lu avec une voix cauchemardesque dans une ambiance sonore lugubre, c’est ainsi que Nostromo annonce la suite. La fin est proche et elle sera brutale.
Nostromo balance un cocktail molotov avec cet EP qui dévoile le visage du vaisseau mère. Il ne change pas, il s’aguerrit tout en gardant sa brutalité, apte à la traversée qui s’annonce, chargeant le navire pour la suite. Prêts à tout bruler et cracher sur toute la lie de l’humanité. Tout simplement. Avec hâte en ce qui nous concerne.
Nostromo, Narrenschiff, sortie depuis le 15 mars 2019
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