
Le Metal Days s’est imposé au fil des années comme l’un des festivals incontournables de la scène metal. Au coude à coude avec les géants du genre, le Metal Days se distingue pourtant par une identité très marquée. Boban, son créateur, a décortiqué avec nous l’ADN tout particulier de cet évènement.
Le Metal Days est bien connu de nos lecteurs, mais peut être que certains d’entre eux ne savent pas que tu es pluridisciplinaire…
Oui, on organise 5 festivals, dont 2 metal. On a un festival de punk rock, un festival de blues et un festival de reggae.
Ta réputation te dépasse et il est de “notoriété publique” que tu as une préférence pour le metal. Hors mis des questions de business, pourquoi s’aventurer sur d’autres styles musicaux ?
Le festival blues (en plus des deux festivals de metal) est celui que j’organise pas seulement pour une histoire de business, personnellement. Pour ce qui est des autres fests, les autres membres du staff sont aussi passionnés par le punk ou le reggae que ce que je le suis pour le metal. Et je pense vraiment qu’on ne peut pas réussir un fest sans une équipe de mordus. Je n’y arriverais pas seul dans le cas d’un fest punk rock ou reggae. J’aime le blues et le metal, le blues a une parenté évidente avec le metal. Donc oui, clairement, j’ai mes favoris. Pour certains fests j’agis en professionnel, pour d’autres… en fan boy !
En parlant de ce favoritisme, dans plusieurs des interviews que tu as donné 2018, tu laissais entendre que le festival de blues commençait clairement à faire de la concurrence au Metal Days à tes yeux, qui était pourtant ton enfant prodigue jusqu’alors. Qu’en est-il aujourd’hui ? Est ce que ce coup d’état a eu lieu ?
Question vraiment difficile. J’ai essayé de ne pas en préférer l’un à l’autre. Si la question c’est « si tu ne pouvais en faire qu’un lequel ce serait ? » et c’est une question vraiment pas facile… En vieillissant, j’aime écouter du blues plutôt que du metal…
Tu es en train de m’assurer que cette primauté du blues sur le metal tient au fait que tu te fais vieux ?
Oui soyons, réaliste… Tu vas publier ça ? (rires)
Non, plus sérieusement, pendant longtemps, rien ne s’est passé de nouveau dans le metal. Le dernier album qui a changé les choses, qui a eu un impact, ou en tout cas qui m’a excité c’était Vulgar Display Of Power de Pantera. La communauté metal grandit, c’est une communauté solide et saine. Mais j’attends vraiment quelques chose qui aurait à nouveau ce type d’impact.
Dans le blues moderne, on incorpore beaucoup de hip-hop. C’est assez marrant mais le hip-hop est très similaire au blues, par sur une échelle chromatique hein, mais dans son expression et son interprétation de certains sujet. Très rattaché à la communauté noire et aux problématiques qui la concernent. Le hip-hop est une étape différente du blues, les ghettos ont seulement changés.
Gary Clark Jr par exemple, c’est un régal, c’est fantastique cette façon dont il combine hip-hop et blues. Cette inventivité me rend plus enthousiaste en regard du blues que du metal.
Ceci dit, 2019 est supposée être une très bonne année pour le metal, Rammstein sort un nouvel album, Tool est sensé en sortir un aussi, Machine Head fêtre les 25 ans du Burn My Eyes tour, et ça doit être une sacrée expérience en live, avec le line up presque original… Plein de groupes ont annoncé leur retour sur la scène cette année. Je suis vraiment plein d’attentes. Le metal est devenu presque générique sans ces sursauts d’inventivité…
Puisqu’on parle de cet essoufflement créatif dans le metal, que tu déplores d’ailleurs toi même, est-ce que tu qualifierais le Metal Days d’élitiste ? Au delà des considérations musicales, c’est presque inscrit dans l’ADN du festival ; contrairement à beaucoup, tu ne pratiques aucune politique d’expansion, si on peut dire.
Je ne le désignerai pas comme ça mais c’est ce que pensent beaucoup de gens. Exemple marrant : quand on a mis des douches chaudes en add on les gens sont devenus fous « vous êtes des lavettes, les douches chaudes c’est pas true metal » ensuite on a retiré l’add on, elles sont gratos, tout le monde peut prendre une douche chaude sans avoir à payer maintenant… et même les super metaleux hardcore qui trouvait les douches froides sensément plus metal ne se sont pas fait priés. L’élitisme est considéré comme un problème… jusqu’à ce qu’un maximum de gens puissent prétendre y avoir accès ! Là ce n’est plus un souci. Et ça vaut pour la musique. C’est pas un truc qu’on fait intentionnellement, travailler sur une sorte d’élitisme. Je pense que ça vient du fait que le nombre de ticket est limité et qu’on ne compte pas grandir, en effet. Premier arrivé premier servi. Il faut le vouloir, vraiment. Le Metal Days offre tellement de choses à faire en dehors des concerts. Plein de choses que les autres fests n’offrent pas. Mais je laisse au public la liberté de qualifier le Metal Days comme étant élitiste ou non.
En parlant de la politique d’organisation du festival, un autre point important ; le Metal Days est engagé concernant les problématiques écologiques. Vous tendez au zéro déchet et vous insistez pour que le public du festival prenne lui aussi ces problématiques à cœur. En me contentant d’un raisonnement purement a priori, je me dis que le public du festival reggae est probablement assez naturellement sensible à ce type de démarche. Qu’en est-il du public metal selon tes observations ?
Tu vas sûrement tomber de ta chaise mais de tous nos fests… la scène metal est la plus engagées dans les problématiques écologiques. Contrairement à ce qu’on pourrait penser en effet. L’écologie c’est devenu une tendance quand on organise un fest maintenant. C’est une bonne chose ceci dit, mais on a commencé en 2008, quand ce n’était ni une tendance ni une obligation. On l’a fait par ce que l’on savait que c’était la bonne chose a faire.Et honnêtement je suis assez fier de dire qu’on a 10 ans d’expérience de plus que les autres, 10 ans d’avance sur les autres. On propose presque un mode de vie que les gens peuvent emporter avec eux. On les y encourage même. On fait pas un festival juste pour s’arracher la gueule, les gens peuvent apprendre de ce fest ; tu peux t’éclater, passer le meilleur moment de ton année en restant responsable, en continuant a penser, à réfléchir, à prendre en compte les gens autour de toi…
The Unchained est un magazine très concerné par les problématiques environnementales et notamment par les questions de défense des animaux, du coup je ne résiste pas à la tentation d’aborder le sujet ; j’ai remarqué que le Metal Days proposait des plats vegan. Est-ce que tu as décidé d’intégrer ce type de menu pour ton public, sachant que grandit une certaine tendance concernant ce type de régime ? Ou l’as tu fait par réel souci écologique et militant ?
Je suis moi même vegan depuis 1992. La plupart du staff est végé. On n’a pas constitué l’équipe selon ce critère, mais les grands esprits se rencontrent comme on dit (rires). Si tu es toi même consciente de ces problématiques, tu sais que tout le CO2, la pollution, etc, c’est rien, c’est une blague à côté des dégâts écologique que peut produire l’élevage. Donc oui, on a introduit de la nourriture vegan pour cette raison. Et ça marche, la moitié de ce qu’on vend sont des plats vegan. On espère d’ailleurs que le festival devienne complètement vegan d’ici 2023. On a un programme sur 5 ans, on ajoute plein de nouvelles petites choses au fur et a mesure. Comme l’utilisation de générateurs solaires par exemple, on encourage le covoiturage entre festivaliers… L’une de ces petites choses c’est de devenir complètement vegan, donc.
Musique, écologie, veganisme… La question se dessine presque d’elle même. Qu’est-ce qui se passe avec Gojira ? Tu rêves de les voir se produire au Metal Days depuis des années et le sort s’acharne. Qu’est ce qui se passe ?
J’ai vraiment pas de chance avec Gojira (rires). Je crois que c’est juste une histoire de timing et de management. Rien à voir avec le groupe. Sérieux, y a pas de meilleur fest pour Gojira que le Metal Days. C’est le meilleur endroit pour célébrer leur philosophie. L’an dernier ils ont fini leur tournée deux semaine avant le Metal Days et ils ont décidé de prendre une pause. Mauvais timing. J’en veux pas du tout au groupe. On n’a juste pas de chance avec Gojira ! Mais j’ai bon espoir… et ce sera génial. Ils sont incroyables en live.
Revenons un peu au concept même du Metal Days. Des festivals de metal il y en a beaucoup, mais celui ci est un peu particulier. Nos lecteurs le savent peut-être, le premier nom du Metal Days, c’était Metal Camp. Avec un nom pareil, on sent déjà le projet Club Med pour metaleux. Tu peux nous parler un peu de ce concept si singulier?
Ouais, le Metal Camp… Quand on a commencé à jouer avec cette idée, on s’est dit « Qui a besoin d’un autre fest de metal ? ». Il y en a déjà assez. Cette philosophie anti-consumériste, je la traîne partout. Multiplier les choses dont on n’a pas besoin ne m’intéresse pas. Si tu veux faire un truc tu as deux options ; soit tu fais un truc que personne n’a encore fait, soit, si tu fais un truc qui existe déjà, tu dois faire vraiment beaucoup mieux. Et la seconde option est bien sur la plus difficile à mon avis. La première est plus facile quand on est inventif, disons. C’est dans cette direction qu’on est parti, un nouveau concept de festival. Un festival vacances. Bien sur, on a fait toutes les conneries possibles et ça a été un bordel au début. Ça nous a pris beaucoup de temps de faire les choses bien. Tout ça pour dire que ce festival vacances n’était pas un accident, cette idée c’est la pierre angulaire du festival. On a encourage les gens à venir en famille par exemple. On est allé tellement loin dans cette optique que depuis 3 ans on peut marier les gens au Metal Days.
La mariage genre chapelle décrépite à trois heures du matin à Las Vegas, imbibés à la tequila, avec Elvis en maître de cérémonie ?
Non, pas en mode blague. Tu reçois un papier légal. Tu peux sérieusement te marier au Metal Days.
Voilà qui donnera sûrement des idées d’un romantisme fou à certains !
Pour que nos lecteurs saisissent bien l’identité de ce camp de vacances pour metaleux, peux-tu nous parler des activités que vous proposez sur place ? Dont le déjà bien connu fitness metal…
Je crois vraiment que le festival ne devrait pas être seulement un endroit pour se défoncer. Si tu aimes tu défoncer, tu peux. C’est pas un problème. Mais ça n’est pas la seule option. Et le jour qui suit, on prend soin de ta gueule de bois. On a plein de thérapeutes de la gueule de bois pour nos visiteurs. Dont le fitness metal, metal yoga, dance metal. Mais aussi yoga traditionnel, massages, tout ce que tu veux ! Le Metal Days prend même soin de ta gueule de bois.
L’identité du Metal Days est donc bien différente des fests de metal dont nous avons l’habitude. Est-ce qu’une identité aussi marquée t’attire un public bien différent des autres festivals, qui pourtant se concentrent sur le même style musical ?
Oui carrément. Je crois.
Est-ce que c’est un choix ? Ce serait une stratégie assez logique après tout. Proposer un festival différent qui comblerait le public metal qui ne trouve pas son compte dans le format habituel. Est-ce que vous vous concentrez du coup sur un profil de visiteur ?
Disons le comme ça ; ce n’est pas un truc qu’on planifie, ce n’est pas une stratégie de notre part. On ne pratique pas une sorte de « racisme » du metaleux (rires). On se concentre pas sur un profil. C’est seulement la façon dont on développe notre festival pose un filtre et qui fait le tri tout seul. C’est ce qui donne la direction sans vraiment qu’on le choisisse sciemment… fin tu vois ce que je veux dire ?
Oui, vous n’avez pas de public cible.
Exactement. Oui. C’est juste notre façon de développer le fest qui attire un certain profil de visiteurs, je dirais.
Qu’est ce que tu peux me dire de la scène metal slovène ?
Elle est très active. Très vive. Elle se développe beaucoup et on commence à avoir pas mal de bons groupes. La scène metal en Slovénie est jeune et en pleine croissance
Est-ce que tu penses que le Metal Days a joué un rôle quant à cette toute nouvelle vivacité des musiques extrêmes en Slovénie ?
J’veux pas trop me la péter mais ouais, on est connu à l’internationale aujourd’hui. N’importe quel jeune qui monte un groupe de metal dans son garage finit par avoir bon espoir de jouer au Metal Days.
Puisque tu vois d’assez près la scène metal en Slovenie, est-ce que tu penses qu’il y a une différence de traitement médiatique entre les groupes d’Europe de l’Ouest et d’Europe de l’Est ? Depuis la France, on a l’impression que le metal est plus difficile d’accès, qu’il est plus difficile de percer encore.
Je pense que si tu es bon, tu es bon. Ça va marcher. Jinjer par exemple, ils ne sont pas d’Europe de l’Ouest, mais ils sont bon, je vois leur audience grandir d’année en année. Regarde, il y a un peu plus de 15 ans, personne aurait parié sur Rammstein. Entre le style musical et le fait que les paroles soient en allemands, peu de gens y croyaient à l’époque. Personne ne s’attendait à ce qu’ils aient une telle envergure. Aujourd’hui mêmes les américains chantent « Du hast mich » en cadence. Rammstein a largement fait ses preuves, et contre toute attente.
La scène metal française par exemple, y a quelque années c’était un peu chiant. Rien de très excitant. Aujourd’hui il y a un vrai renouveau de la scène française, vous avez de super groupe. La scène française a vraiment sa propre couleur, un petit côté avant garde qui a su éveiller la curiosité de tout le monde…
Est-ce que tu prends à cœur de pousser les nouveaux talents slovènes ?
Tu vas pas aimer la réponse, mais je dois être honnête. Non. Je suis pas la pour «sauver la soirée » si on peut dire.
Tu n’as rien d’un mécène de la scène metal de l’Est, donc ?
Non clairement pas. Puis je ne suis pas manager. Le fait qu’un groupe grossisse ne me profite pas. Tout ce qui m’intéresse c’est de soutenir des bons groupes, mais on ne crée pas de carrière. On est un festival, quelques part on accueille des groupes qui ont déjà plus ou moins prouvé leur qualité.
Nous nous hâtons déjà quant à l’édition 2019 du Metal Days.
Boban organise également ;
WINTERDAYS OF METAL (du 28 au 30 novembre 2019) / https://www.winterdaysofmetal.com/
OVERJAM Festival (du 15 au18 aout 2019) / https://www.overjamfestival.com/
BLUESLAND Festival (du 27 au 29 juin 2019) / https://www.blueslandfestival.com/
PUNK ROCK HOLIDAYS (du 5 au 9 aout 2019) / http://punkrockholiday.com/
Propos recueillis par Claire L.
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