Chronique cinéma – Ma vie avec John F. Donovan

 

Dix ans après la mort d’une vedette du petit écran américain, John F. Donovan, un jeune acteur se remémore comment sa correspondance avec ce dit acteur a changé leur vie à tout les deux.

 

 

Quand on va voir un Xavier Dolan, on s’attend à retrouver certains thèmes qui lui sont chers. Et on les retrouve dans ce film : l’homosexualité d’un fils proche de sa mère, mais qui a du mal à lui parler. Les non-dit en famille, les engueulades aux repas du dimanche qui ne résolvent rien. Bien sûr, on espère qu’il va réinventer ses thèmes de prédilections et ne pas tomber dans l’écueil de produire un film similaire aux précédents. Dans Ma vie avec John F. Donovan, il y arrive et introduit même de nouveaux sujets. En effet, pour la première fois de sa carrière, il évoque l’homosexualité comme un problème avec le personnage de John F. Donovan qui se construit en tant que personnalité médiatique et ainsi ne peut pas être soi-même et assumer son homosexualité. Il met également en scène comment, ce protagoniste aux névroses problématiques pourrait aider, à l’aide d’une correspondance suivie, un petit garçon qui rêve d’être acteur. Il l’encourage à construire non seulement sa carrière mais aussi sa personnalité de manière épanouie. S’il y a une chose pour laquelle on fait habituellement confiance à Xavier Dolan, c’est la réalisation. Aux vues de ses précédents film (entre autre Juste la Fin du Monde, Mommy ou encore J’ai tué ma Mère, son premier film), il maîtrise, c’est un as depuis ses débuts. Malheureusement, ce film est une surprise dans la réalisation. Si le fond, peut-être pas absolument formidable, mais pas dénué d’intérêt fonctionne, la forme elle pêche très sérieusement. Tout d’abord, c’est son premier film en anglais, tourné aux Etats-Unis, avec une pléiade d’acteurs ultra connus et reconnus. Et il semble qu’il ait choisi pour ce film d’adopter un look américain dans la réalisation. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est inspiré. Il nous sert tous ce que l’on peut retrouver dans ces comédies romantiques américaines des années 90. Pour commencer, on voit quantité de plan au drone sur les immeubles de New-York, sur les rues. Chaque séquence à droit à sa petite transition, que ce soit à l’aide de plans inutiles, ou avec des effets à la Desperate Housewives, qui ne sont clairement pas maitrisés parce-que trop évidents. Le rythme du film n’est pas le problème, on ne s’ennuie pas et on ne regarde pas sa montre, mais on a souvent l’impression de lire le scénario en regardant le film, ne manque plus que le clap «séquence suivante». Dès le générique, qui arrive environ au bout de dix minutes du film, vient le «mais c’est quoi ce bordel». Du Adèle à fond (on aime, on n’aime pas, c’est pas le souci, cet emploi de la musique populaire, normalement, c’est une des marques de fabrique de Xavier Dolan et il le fait bien), des plans sur la baie de l’Hudson et une police d’écriture qui fait étrangement pensé à celle de Friends. On s’attend après chaque transition moisie à trouver une course effrénée à l’aéroport, des gens qui tombent amoureux en un diner et qui finissent heureux avec beaucoup d’enfants.

Du point de vue de la BO, je vous jure qu’Adèle n’est pas le pire, je suis tolérant, vraiment, mais là mes oreilles ont saigné. Le plus gros problème, c’est l’omniprésence de la musique. On retrouve une fois de plus ce défaut de la comédie romantique des années 90, pas une scène, pas un instant dans le silence : soit de la musique, qui sort de nulle part la plupart du temps, soit un bruit de fond New-Yorkais, avec les sirènes de police et les gens qui se bousculent. Malheureusement, ce n’est pas le plus grave. Ce film souffre d’un système narratif aussi insupportable que cliché, celui de l’interview additionnée à la voix off. En effet, le petit garçon qui entretenait une correspondance avec John F. Donovan a grandi et publie un livre sur ses correspondances avec l’acteur («Lettre à un jeune acteur», la référence à Rilke est tout de même un peu grossière mais bon, passons) et se fait interviewer par une journaliste qui n’a clairement pas envie d’être là, trouvant le sujet trop léger. Et voilà, on navigue de flash-back en flash-back, liés comme on l’a dit de la pire des manières, tout ça saupoudré de voix-off. Une grand mère assise à coté de son petit fils avec un bouquin, aurait été plus fin. Bien sûr, on se tape le discours de l’auteur, aussi larmoyant qu’attendu qui finit par convaincre la journaliste que ce qui lui raconte à une portée presque humanitaire. Ce petit discours pathétique n’est malheureusement pas le seul, le film en est rempli, jusqu’à celui du vieux (bah oui, les vieux c’est mystérieux, on le sait tous ça) qui déploie un maximum de phrases de fragiles d’une voix grave, changeant totalement la spiritualité du personnage auquel il s’adresse !

Noyé au milieu de tout ça, on retrouve quelques scènes à l’esthétique purement Dolanienne (si je puis dire). C’est-à-dire des gros plans sur des visages aux émotions parfaitement dosées. Une photographie parfaite aux tons pastels travaillés ; des cadrages et des compostions sublimes aux milieu de décors superbement pensés ; des costumes choisis avec soin et des acteurs dirigés avec brio. Malheureusement, ça fait tâche au milieu de la quantité de clichés du cinéma américain que ce film déploie. C’est comme servir du coca et du sirop d’érable à part égale dans le même verre. Les deux sont consommables séparément, mis ensemble, c’est imbuvable. Tout cela démontre un défaut de construction du film. On sait que ce film a fait scandale, il y a un an Xavier Dolan annonçait qu’il coupait au montage Jessica Chastain parce-que son personnage était en trop dans le scénario et qu’il ne s’en sortait pas au montage. De plus, le film n’est distribué qu’en France, parce-qu’il à été tellement mal accueilli au Festival de Toronto que le distributeur international est en passe de l’enterrer.

Tout cela n’est pas un hasard et semble démontrer que ce film est sorti malgré le fait qu’il n’est pas totalement abouti et qu’il est évident que Xavier Dolan s’est débattu avec, sans arriver à faire de ses rushs quelque chose de potable. En substance, ce film parle d’un acteur qui, dans un désir de réussite totale met de coté ce qu’il est profondément pour mettre toutes les chances de son côté afin de toucher au succès. Je ne souhaite pas tomber dans la psychologie de comptoir, mais on sent venir le parallèle entre le personnage et le réalisateur. C’est pas un secret, Xavier Dolan court après les prix, en se débrouillant par exemple pour que ses films se retrouvent à Cannes. Ma vie avec John F. Donovan devait probablement représenter pour lui la possibilité d’un Oscar, récompense ultime. C’est raté ! Ce film parle d’une existence ratée parce-que mensongère, et de l’enseignement qu’un autre peut trouver dans cet échec. Clairement, ce film est une daube, mais c’est probablement l’échec qui permettra à son réalisateur de savoir ce qu’il sait faire et ce qu’il ne sait pas faire. Parce-qu’il a clairement voulu taper trop haut, dans un trop gros budget. Malheureusement, en pensant taper haut il a tapé bien bas, c’est-à-dire dans le Blockbuster américain des années 90, en reprenant tout leurs défauts. Son goût pour la grandeur médiatique et pour la reconnaissance populaire l’ont pour la première fois trahi, et je pense que lui-même le sait.

 

Ma vie avec John F. DonovanFilm de Xavier Dolan avec Kit Harington, Jacob Tremblay, Susan Sarandon, Natalie Portman, Kathy Bates… 2h03.

 

Texte : Louis C.

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