Chronique cinéma – Le mystère Henri Pick

Une membre d’un collectif de lecture apprend l’existence d’une bibliothèque qui rassemble des manuscrits refusés par des maisons d’éditions. En vacance dans le petit village paumé du Finistère (Crozon) où se trouve la bibliothèque, elle s’y rend et tombe un peu miraculeusement sur le Chef-D’oeuvre, signé Henri Pick, le pizzaïolo du coin. C’est un succès, l’histoire est bonne et le livre est excellent. Arrive Fabrice Luchini, dans le rôle d’un animateur littéraire, qui refuse de croire que ce livre ai été écrit par un simple pizzaïolo. Et c’est parti pour le polar, l’animateur retrouve son rôle de critique et fait des aller-retours Paris-Crozon pour trouver l’auteur. Il s’acoquine avec la fille d’Henri Pick, grande lectrice, qui tiendra le rôle du docteur Watson.

 

 

« – On se fait un Luchini ?

Allez ! »

 

Voilà la phrase probablement prononcée par 95 % du public (moi inclus) du Mystère Henri Pick.
Et c’est bien normal. On sait très bien ce qu’on va voir : Luchini est un acteur auquel n’importe quel personnage de n’importe quel film va devoir s’adapter. On sait que l’on va avoir affaire à un protagoniste un peu élitiste, drôle, mais compréhensible : un génie accessible au grand public. Parfait, dans Le Mystère Henri Pick, c’est exactement ce que l’on retrouve.
Ce film est une enquête, somme toute assez bien tournée. On rassemble des indices, on a des fausses piste joliment amenées (on nous mène pas en bateau non plus, les idées trop évidentes sont vite balayées), deux enquêteurs de talents, joués par deux excellents acteurs. L’histoire, en fait le livre dont le film elle est tiré, semble être assez bon. On retrouve en trame de fond des sujets plus généraux : la médiatisation d’une œuvre est-elle plus importante que l’œuvre elle-même (évidemment) ? Les comités de lectures des maisons d’éditions sont-ils à leur juste place, on pense au nombre de chefs d’œuvre refusés par de grandes maison d’édition (Proust, Joyce, Céline…) ?
La notion du livre refusé, de la perle oublié au fond d’un grenier ou dans une bibliothèque (une bibliothèque des livres refusés existe vraiment à Vancouver) est bien sûr une obsession du métier d’éditeur. C’est une peur qui tient au ventre, pensez à celui qui a refusé Harry Potter, il doit encore se retourner dans ses pleurs, ça c’est assez bien rendu dans le film.
Deux grands acteurs (Fabrice Luchini et Camille Cottin), une trame bien ficelée… Le problème, c’est tout le reste. Les premières scènes nous mettent dans le bain. On voit un Luchini qui fait du Luchini à la télé. Pourquoi pas, et puis on dézoome, et on voit un gentil couple « écrivain-éditrice» assis dans leur canapé, dans l’attente d’un petit commentaire positif sur le dernier livre de l’écrivain. Et dès ce moment (le film à commencé depuis 15 secondes), on sent que ça va être dur. C’est mal joué. Et ça s’arrange pas. C’est le premier gros problème de ce film, il n’y a que deux acteurs qui jouent bien (enfin trois, y’a un moment où Luchini va dans une crêperie, et la femme du crêpier se défend).
Tous les personnages secondaires de l’histoire semblent ainsi très creux, puisque mal exécutés : on n’y croit pas, on ne s’investit pas dans le film. Et la mise-en-scène n’aide pas. Après un générique à la Charlie et la chocolaterie de Tim Burton, on trouve une réalisation tout ce qu’il y a de plus classique et de plus accessible dans ce genre de comédie française. Mais c’est du mauvais classique, sans parti-pris de mis-en-scène et de montage. Comme si la présence des deux grands acteurs avait permit au réalisateur de ne pas avoir à bosser sa mise-en-scène. On ne demande pas la lune, mais au moins un peu de personnalité.

On retrouve plein de petites choses qui font passer les cinéastes français pour des glands, en particulier leur complexe d’infériorité face au cinéma américain. De la musique de fond omniprésente pour faire résonner les sentiments profond et mal joués des acteurs ; des scènes kitsch vues et revues de discussion avec le barman de l’hôtel, qui bien sûr sert un cocktail dans une jolie coupe et écoute avec attention les questionnements existentiels du personnage. Un intérêt très fort pour les transports : Fabrice Luchini en TGV, Fabrice Luchini à vélo sous la pluie (oui, ça c’est quand il est en Bretagne), Fabrice Luchini dans son taxi… Tout ça, pour que nous, pauvre petit spectateur ignare, on soit capable de comprendre exactement où la scène se situe.
Et j’en passe : quand on est à Paris, on voit bien sûr la Tour Eiffel en arrière-plan, à la campagne, on croise de gentilles bonnes sœurs, de jolies clochers, et des pots de géraniums à foison. Si vous ne connaissiez pas le pont de Térénez, à l’entrée de Crozon, vous pourrez après avoir vu le film le reconnaitre entre mille. Bref, du cliché à ne plus savoir quoi en faire (et on ne s’attarde pas sur l’unboxing du mystère, du David Fincher vomi, ravalé et déféqué). On retrouve des petites scènes comiques, assez maladroites, éparpillés dans tout le film. Au final, on a juste l’impression que le film d’origine était trop court et qu’on a rajouté ça et là quantité de petites histoires et de plans aussi secondaires qu’inintéressants pour que le film dure les 1h40 conventionnelles d’un film grand public.

Un petit mot sur la bande annonce, que je qualifierais de « camouflage ». Elle ne montre que Fabrice Luchini et Camille Cottin (coïncidence, je ne crois pas). Elle annonce assez bien le film mais cache clairement les problèmes évoqués précédemment (excepté ces facilités de réalisation, argument commercial par excellence). Camouflage, c’est d’ailleurs le mot que l’on peut associer au montage et à l’histoire : le mystère réside en effet (SPOILER : si vous ne l’avez pas vu, passez au paragraphe suivant) dans une ellipse du récit, que je trouve assez agaçante. On aurait aimé une résolution un peu moins « vous pouviez pas le savoir, parce-qu’on ne vous l’avait pas montré. ». On sait bien que dans une enquête, on nous a présenté les personnages dans les 20 première minutes, et que le coupable en fait parti, mais j’aurais aimé une résolution qui se baserait plus sur un fait qu’on ne m’aurait pas simplement (et c’est le mot) caché la solution.

En substance, un film qui tient debout grâce à ses deux grands acteurs, qui quand ils jouent tous les deux donnent de très belles scènes. C’est leur présence qui rend clairement ce film acceptable. Mais on peut penser que c’est aussi leur présence qui dessert ce long-métrage. Ils ont justifié le financement du film, ça c’est une évidence, qui du coup a incité les producteurs à le rendre plus accessible afin qu’ils aient leur retour sur investissement. Le Mystère Henri Pick aurait pu être un bon film, avec des acteurs secondaires au meilleur jeu et une réalisation moins demandeuse de grand public. Regardable

 

Film de Rémi Bezançon, avec Fabrice Luchini, Camille Cottin, Alice Isaaz… 1h40 – Adapté du roman du même nom de David Foenkinos.

 

Texte : Louis C.

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