
Un jour, en parlant de la série Norsemen (prod norvégienne, dispo sur Netflix, allez la voir, ça vaut le coup), je me suis fait la réflexion qu’il était possible d’avoir du pétrole ET des idées dans le même pays.
C’est aussi possible d’avoir tellement de projets musicaux sur une population si réduite qu’à un certain point, la question de la consanguinité musicale se pose.
Mais soyons honnêtes, contrairement à la plupart des cas de consanguinité (Game of Thrones, Cléopâtre etc etc), ce que ça donne en Norvège dans le domaine de la musique n’a pas grand chose de bancal. Tiens, par exemple, j’ai découvert il y a quelques temps que Lise Myhre, illustratrice (norvégienne) de son état et créatrice de Nemi (la meilleure BD qui soit avec des metalleux dedans, malheureusement très peu et mal traduite en français), Lise Myhre, donc, est mariée avec un musicien au doux pseudo de “Vortex”, qui lui-même joue dans Borknagar avec Vintersorg (prétendant direct au titre ‘“d’Homme de ma Vie” depuis que j’ai environ 15 ans).
Là, tu galères un peu à me suivre, et je ne peux pas t’en vouloir. Si tu te demandes le rapport avec la choucroute, j’ai envie de te répondre “ben y’en a pas”.
Si j’ai trouvé génial d’apprendre qu’une dessinatrice que je vénère et le membre d’un groupe que j’adore vivaient ensemble, c’est une chose. Sauf qu’il y a TOUJOURS un rapport ! Parce que l’un des premiers membres s’appelait Ivar Bjørnson, venu faire du black metal, certes, mais du black un peu plus atmosphérique et contemplatif que ce qu’Enslaved, son groupe “maison-mère” faisait à l’époque.
Bref, je sens que je vais te perdre. Je comptais surtout te montrer que dans le milieu metal norvégien, on réduit le concept des “6 degrés de séparation” à environ “1 degré, peut-être 2 si on considère uniquement les relations qui ont fait de la musique ensemble”, parce que je trouve ça fabuleux. Voilà.
“Avoir un bon copain, tralalalaaa”
En plus, le concert dont je vais te parler ne comptait pas de première partie, ça me laisse de la place pour parler aussi d’Einar Selvik. Il faut avoir le sens de l’équité dans la vie.
Ce bon Einar (garde en tête le fait que je prends sur moi pour résister à l’envie de l’appeler “Nanar”) n’est pas né du dernier blizzard. Lui aussi traîne sa bosse depuis des années, passant notamment de Gorgoroth (black metal, corpse paint, batterie, Satan gruhgruh chaos !) à Wardruna (gentil folk, instruments chelous, chant, mythologie). Sacré grand écart.
(C’est néanmoins le moment où je rappelle qu’il faut regarder Norsemen, ne serait-ce que pour la musique de Wardruna utilisée dans certaines scènes, généralement les mêmes que pour la série Vikings, qui les a largement popularisés, et que la série norvégienne ne loupe pas une occasion de parodier)
Je n’ai pas perdu mon fil, on y vient, on y vient, tu vas voir.
Oui, arrête un peu de nous pipeauter là
Un beau jour de 2014, la Norvège a célébré le bicentenaire de sa Constitution. Pour fêter ça correctement, les membres de Wardruna et d’Enslaved ont joué ensemble une composition intitulée Skuggsjá, écrite par Einar et Ivar pour l’occasion.
Spoiler : ça a plutôt bien fonctionné.
Re-Spoiler : eux aussi, ça leur a plu de composer et de jouer ensemble, et ils se sont dit qu’il fallait remettre ça.
Re-Re-Spoiler : un peu plus de quatre ans et deux albums studio plus tard, les voilà sur la scène de la Machine pour défendre les couleurs de Hugsjá, sorti au printemps dernier.
Nous y voilà !
La première chose qu’on remarque, en arrivant, c’est que la salle est remplie. Genre comme un œuf qui déborde. Bien entendu, nous sommes à la Machine, où il y a toujours beaucoup trop de monde à squatter l’unique escalier malgré la place en bas, mais ça n’a rien de nouveau. On se fraye un chemin compliqué jusqu’au pied de la scène, et c’est là qu’on remarque la seconde chose marquante.
Pas. Un. Bruit.
Le public est aussi dense qu’il est discipliné. Après quelques cris au lancement de la bande d’intro (qui se révèle bien longue), toute la fosse de la Machine se tient bien, et attend poliment.
A côté de ça, le spectacle est parfois dans la salle. Pendant le concert, l’audience se comporte comme à l’opéra, mais certains sont sapés comme pour un festival Grandeur Nature. Le silence permet parfois à des gens de communiquer entre eux (façon “Hey Manu, tu descends ?”), puis, plus tard, de se faire entendre des musiciens, entre les morceaux. La quasi-intégralité du premier rang, plutôt statique, s’exprime en versant des litres de larmes, alors qu’un peu plus loin, une jeune femme danse avec une peau de loup sur la tête.
Tout ça est très pittoresque.
Collection prêt à porter hiver/hiver 879
Un peu à l’image du groupe, finalement. Pour avoir vu Ivar Bjørnson avec Enslaved plusieurs fois l’an dernier (y compris à la Machine, d’ailleurs), je savais à quoi m’attendre. Cependant, je n’avais jamais vu Einar Selvik en concert, et on peut dire qu’il est impliqué ce garçon. A sa dégaine générale, c’était irrésistible, j’ai passé le concert à l’imaginer tricotant ses pulls lui-même à la chandelle dans une petite cabane au fond du fjord. Et fabriquer lui-même ses chaussures et ses instruments de musique. Honnêtement, ça passe crème.
Quoiqu’il en soit, ils sont tous très en forme. Ivar et Einar enchaînent les vannes, et à l’arrière, en plus d’une violoniste que je n’ai pas su identifier, ce sont deux autres compères d’Enslaved, soient Iver Sandøy et Håkon Vinje, qui assurent batterie, claviers et chœurs.
La famille !
Malgré quelques problèmes de son au début (et quelques problèmes techniques pendant), le concert se déroule comme un charme. L’ambiance presque religieuse rend la soirée très solennelle, ce qui n’empêche pas les héros de la soirée de blaguer entre les morceaux, meubler un peu quand un souci arrive, et raconter l’histoire des chansons.
Le résultat c’est un groupe serein, qui produit une musique fabuleuse pour un public envoûté.
Alors forcément, sur scène, les instruments d’Einar se suivent et ne se ressemblent pas et attisent la curiosité sur le folklore. À côté, Ivar, son air d’ours chevelu et sa guitare font plus classiques, mais les sons qu’il produit enveloppent la foule et la font onduler doucement.
Quand ils jouent “Return to Yggdrasil”, réadapté en norvégien, un frisson parcourt la salle, qu’on devine très fan d’Enslaved. Confirmation qu’on est entourés de gens bien.
Quand le tempo s’accélère, on a l’impression qu’Iver bouge à deux vitesses différentes (comme Gwen Stacy dans Into the Spider-Verse), et quand tous chantent des “Aaaahwooo” en chœur sur “Um Heilage Fjell”, on touche au sublime.
C’est un peu l’effet général, soyons honnêtes
Quand ils reviennent pour le rappel, et qu’Einar explique que c’est une chanson sur la mort, ça semble la chose la plus normale du monde. Sauf que c’était trop court, et qu’avant d’avoir pu décrypter les paroles sur Google Translate, ils étaient tous là, à saluer, sourire jusqu’aux oreilles. Notons aussi qu’Håkon Vinje rentre le ventre quand il rejoint l’avant de la scène. C’est là qu’on a remarqué des micros installés des deux côtés de la scène. Alors matos de secours ou intention d’enregistrer ? Il faudra attendre pour le savoir.
C’est difficile de s’étendre sur les détails de ce concert parce qu’il s’agissait d’une expérience totale et brute. Sans première partie, ce qui fait qu’à 22h, on était tous dehors, avec des étoiles dans les yeux et des aurores boréales dans les oreilles.
Bref, si vous n’y étiez pas, ne loupez pas le prochain concert d’Einar & Ivar. Et en attendant tricotez-vous un pull en grosse maille, regardez Norsemen (et lisez Nemi si vous pouvez) !
Belles photos en noir & blanc et aussi en couleurs parce qu’on ne se refuse rien : Fable
Texte et divagations (déso) : Sarah
Merci à Garmonbozia, les gars, je vais finir par vous inviter à mon anniversaire si vous continuez à nous faire des dates pareilles !
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