
Il y a peu, je vous proposais de découvrir Gofannon, ce projet solo folk mené par Samuel Méric qui foulera, avec ses musiciens, les planches de la XIème édition du Cernunnos Festival. A travers sa musique commence un voyage musical naturel et apaisant au milieu de la nature. Cet univers pur et authentique que je vous décris dans la chronique méritait qu’on se penche d’un peu plus près vers son créateur. Il nous livre aujourd’hui quelques éclaircissements sur son attirance pour la musique et la nature…
Pendant combien de temps a mûri le projet Gofannon ?
Samuel : Et bien ça a pris un peu de temps, et je ne pense pas que ça ait encore fini de mûrir. Si on regarde au début, j’ai commencé à composer des trucs dans mon coin en 2013. Ça ne ressemblait en rien à du Gofannon, mais c’était déjà à part. Et ensuite le premier morceau qui est sur le premier album, c’est” Lueur” et celui-là date de 2014. Il y a eu grosso-modo deux ans et demi entre le premier et dernier morceau. Je n’arrive pas à tout composer d’un coup, j’avance morceau après morceau avec des poses de parfois plusieurs mois. Là je suis en train de finaliser l’album à venir et pareil, le premier titre a presque un an. Et donc pendant tout ce temps les idées changent, il y a des concepts que j’ai complètement abandonnés, des nouveaux trucs dont j’ai envie de parler, d’autres non. Je ne pense pas que ça ait finit de mûrir.
Comment décrirais-tu ton lien avec la musique ?
S : Intime et vital. C’est-à-dire que j’ai commencé à 6 ans et que je me suis séparé de toute institution musicale autant que je le pouvais à 11 ans. Du coup je pouvais jouer comme je voulais, quand je voulais, et ce que je voulais. C’est par la suite que j’ai appris plusieurs instruments de manière empirique. Et étonnamment j’ai le souvenir d’un attachement sentimentale à la musique des autres qu’à partir du collège et lycée. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à écouter du metal avec mes amis et que ça a forgé notre identité.
Et avec la nature ?
S : Je dirais familial. C’est mon père qui, très jeune, m’a sensibilisé à l’environnement et qui m’emmenait en balade dans les forêts. Et on a toujours habité à la campagne. Et ensuite je pense que toute cette ambiance folk, black metal et tolkienienne dans laquelle je baignais m’ont fait voir la nature sous un autre angle. Et maintenant c’est le côté trad et «local» qui me font découvrir de nouvelles choses.
Prosodie est donc ton projet solo et on y sent diverses influences, avec le recul as-tu réussi à créer exactement ce que tu voulais avec cet album ?
S : Je ne savais pas très bien où je voulais aller et je ne sais pas vraiment encore aujourd’hui. J’ai l’impression qu’il manque un sentiment d’unité entre les morceaux. Mais après en avoir discuté avec plein de monde ça ne dérange que moi apparemment. Avant de commencer Gofannon je voulais faire du metal, mais en mettant un micro devant mon ampli je n’avais jamais le résultat que je voulais. Puis le temps a passé et j’ai commencé à écouter des musiques qui avaient la puissance du metal mais sans instrument metal. Comme par exemple la Pizzica Italienne de Pouilles ou dans certains morceaux du Donjon de Naheulbeuk. C’est là que je me suis dit que ça pouvait être plus facile si j’enregistrais des instruments acoustiques. Donc je me suis acheté un tambourin et j’ai commencé avec les intrus que j’avais chez moi, et le premier morceau que j’ai fait dans cette optique c’est “Seidhr “.
Ton lien avec la culture occitane est évident qu’en est-il de la culture Scandinave ?
S : Comme la majorité ici j’imagine que ma porte d’entrée vers la culture scandinave a été le metal scandinave. C’est en découvrant tous ces groupes que je me suis intéressé à leurs langues leur histoire et leurs cultures. Bon, j’avais des prédispositions avant ça j’imagine, notamment grâce à Tolkien et Peter Jackson et tout un tas de références, même subtiles, présentes dans la pop culture. Mais c’est vraiment avec le metal que j’ai voulu « comprendre » ces peuples. J’ai pris des cours de suédois à la fac et j’ai ensuite fait plusieurs voyages dans le nord de l’Europe.
Mais ces dernières années, la sur-médiatisation de l’univers « viking » (avec l’explosion des groupes « Wardruna like » et de la fameuse série) m’ont fait me tourner vers des choses plus locales. Et c’est là que mon intérêt pour la langue et les musiques occitanes ont réellement pris pied.
J’ai pu lire une très belle phrase de toi concernant les musiciens qui ont besoin de partition : « c’est comme si on ne pouvait pas parler sans avoir quelque chose à lire » du coup je me demande, comment travailles-tu avec les musiciens qui viennent de te rejoindre ?
On travaille à l’oreille principalement. Rodolphe et Edouard on écrit des partitions mais la plupart des morceaux évoluent différemment selon le moment. Il y a des morceaux très carrés comme “Kvinnan Från Månen ” ou ” Seidhr ” et d’autres plus libres comme “Sempervirens “. On fait comme de coutume dans la musique trad. Un lever de pied ou un « hop » pour annoncer la fin ou un changement, qu’on a remplacé par des coups de cymbales dans “Sempervirens”. Et en général un musicien lead le morceau, ça peut changer pendant le même morceau, ça va passer de la guitare au violoncelle, au chant… Et on se cale dessus.
Penses-tu que si tu avais grandi dans un autre environnement tu aurais développé cette même attirance pour la nature ?
S :Je ne sais pas. Peut-être que si j’avais grandi dans une grande ville j’aurais pu fabuler sur des paysages de nature que je n’aurais jamais connu. Mais si mes parents ne m’avaient pas sensibilisé à ça je ne pense pas que ça aurait pris effectivement.
Ce retour aux traditions passées est assez populaire de nos jours, penses-tu qu’il y ait un réel rejet de la société actuelle ?
S :Je ne sais pas, je pense que ça dépend des gens et des cultures, mais dans mon entourage c’est vrai qu’on a tendance à se détacher des coutumes de la société actuelle. Je vois ça comme une réaction à la frénésie du monde moderne et mondialisé. Quand on n’est plus en phase avec ce que la société nous propose ou que ça ne nous parle pas, il est plus rassurant de se concentrer sur des choses plus petites et locales. Même si parfois c’est assez compliqué à mettre en place, je trouve ça plus intéressant. Je préfère quand les choses ont une âme, peu importe que ce soit ridicule, inutile ou une perte de temps.
Te sens-tu plus concerné, plus sensible aux problématiques climatiques ?
S :Oui et je pense que la musique « pagan » au sens large peut faire naitre une certaine sensibilité pour la nature. Ou alors c’est peut-être le cheminement inverse. Peut-être que les fans de pagan ont déjà des prédispositions et se retrouvent au sein de cette musique. Le fait d’avoir grandi à la campagne et de vivre proche de la nature me permet d’abord de pouvoir la visiter quand je veux ou presque. Bon on est bien loin des grandes forêts scandinaves ou des massifs montagneux enneigés. Chez moi c’est quand même très agricole, il y a des champs, des chasseurs, des agriculteurs qui ratiboisent les bosquets… Mais le truc c’est que quand tu t’ennuies tu ne peux pas aller glander au pub du coin ou aller faire les magasins. Alors je fais de la musique, je forge un peu, ou on fait des sortes de « veillées » au coin du feu chez des amis, à notre manière. Et être entouré par cette ambiance de nature nourrit un imaginaire et une envie de protection en découle. Enfin du moins pour ma part.
As-tu déjà eu l’occasion de venir au Cernunnos Pagan fest en tant que festivalier ? Si oui qu’en as-tu pensé ?
S : Oui en 2015, quand c’était encore à Paris. Je ne connaissais pas trop l’affiche, j’étais surtout venu voir Svartsot et Stille Volk. J’ai beaucoup aimé, il y avait une bonne ambiance et le fait de pouvoir aller discuter avec les artisans entre les groupes rythmait bien la journée. Puis la bouffe était super bonne!
Merci d’avoir répondu à mes questions, et à bientôt, au Cernunnos Festival!
Propos recueillis par Cindy.
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