ZEAL & ARDOR @ LA CIGALE – 12/12/18

Tardive review que celle du concert de Zeal & Ardor, qui s’est tenu le 12 décembre de l’an de grâce 2018 à la Cigale. En tant que (presque) nouvelle parisienne, je n’avais pas encore eu l’insigne honneur de mettre les pieds à ladite Cigale – oui, je sais, “la provinciale”, essaie au moins de m’épargner la moue de dégoût qui accompagne cette vague formule – et si j’insiste sur la salle, c’est parce que je tiens absolument à mentionner quelque chose ; le son y est d’une qualité irréprochable. Je ne sais pas s’il s’agit d’une habitude ou d’un coup de chance (va savoir, des gens compétents se sont retrouvés là sans savoir pourquoi). Toi, Ô parisien d’extraction immaculée, tu seras sûrement capable de mettre fin à ce scepticisme, mais clairement, ponctuel ou non, ce professionnalisme mérite d’être salué.

Parce que oui, ce concert, c’était un peu comme faire un carton plein au bingo du dimanche. Balances de qualité, prestation de qualité, public de qualité, alcool de qualité (d’accord, d’accord j’exagère, c’était de la Heineken). Bref, gros lot, jackpot.

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Zeal & Ardor a connu cette année une ascension étonnamment fulgurante, mais méritée, entendons-nous. Pour ceux qui seraient passés à côté, Zeal & Ardor c’est le bébé d’un homme, un seul, Manuel Gagneux. Un one man band comme on dit chez nous. Un projet résolument avant-gardiste, et dieu que ça fait du bien un peu d’innovation, puisqu’il brasse des influences blues, negro spiritual et black metal. Ce qui est en soi un pied de nez bien appréciable aux quelques nazillons qui parasitent les rangs des black metalleux, ainsi qu’une sorte de science fiction musicale aventureuse ; Zeal & Ardor esquisse ce à quoi aurait pu ressembler toute la filiation de la musique noire si les esclaves avait choisi Satan plutôt que Jésus.

Pour ce qui est du concert à proprement parler, autant l’admettre, je n’ai rien à lui reprocher. Rien, j’ai cherché. C’est presque une question d’honneur, j’ai une réputation de vieille acariâtre à tenir, moi ! Mais rien. J’ai adoré, ça fait des lustres qu’un concert ne m’avait pas fait un tel effet. Zeal & Ardor en live est indispensable. Pour faire un bon show, il suffit généralement d’approcher plus ou moins la qualité obtenue en enregistrement studio et de réussir à coller une bonne ambiance. Dans le cas de Zeal & Ardor, la seule qualité de l’enregistrement est dépassée par une énergie insaisissable sur quelque support que ce soit. Si vous aimez la musique de Manuel Gagneux, vous ne pouvez clairement pas passer à côté du live. En assistant au concert, j’ai soudain eu l’impression de passer à côté de l’essentiel de cet audacieux projet musical (ce qui ne m’a pas empêché de me ruer sur le vinyle. Passons.)

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Techniquement parlant, un one man band sur scène, ça ne tient pas. Du moins pas tout seul. Manuel Gagneux a donc, comme attendu, recours à des musiciens pour l’assister. Voire carrément lui voler la vedette. Désolée Manu, mais l’un de tes chanteurs t’a presque totalement éclipsé. Si l’interprétation des deux choristes était incroyable, très vite, je n’ai plus eu d’yeux et d’oreilles que pour ce jeune freluquet, coiffé d’une détestable mèche, que je n’aurais sans doute pas remarqué dans un autre contexte. Mais voilà que le bougre longiligne fait montre d’un talent prodigieux, d’une maîtrise vocale à m’en scotcher le crâne pour la soirée. Pour faire simple et ne pas m’étaler en folles louanges (réputation d’acariâtre à sauver vaille que vaille, je vous le rappelle), ce prodigieux oiseau maîtrise tout, du Prince au Marduk, et possède un coffre presque absurde en regard de sa corpulence. Et je crois sincèrement que je ne m’en suis toujours pas remise.

Plus largement, tous les titres de Stranger Fruit (titre inspiré par Billie Holliday et son tube historique dans la musique noire… et historique tout court, hein) ont une puissance incontestable sur scène. La mise en scène sans prétention mais non sans soin (ingénierie lumière superbe) était un allié de choix. Pas de quoi se distraire de cette écoute quasi religieuse. Ici, je choisis mon mot. L’église gospel ; le public tape des mains en rythme en chantant “Devil is fine” à pleine gorge. Parfait mélange entre chant de chœur et pogos bien gras, l’ambiance Zeal & Ardor est aussi unique sur scène que dans la fosse. Je relèverai également un détail qui est allé jusqu’à m’émouvoir ; le rappel au tapage de pied. Ce piétinement frénétique sur le sol en bois gondolé, tanguant comme le pont d’un vieux rafiot, m’a clairement remuée. Au propre comme au figuré.

Pour clore cette suite ininterrompue de flatteries sirupeuses, Zeal & Ardor est une expérience en soi. Manuel Gagneux est clairement un petit génie de la composition, dispose d’un talent certain pour s’entourer de musiciens aussi impressionnants que lui, et mon petit vieux, si tu n’étais pas présent ce soir-là… Je te plains. Un peu.

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