
Le désir têtu me démange,
l’envie me trotte la cervelle
d’aller entonner la chanson,
bouche parée pour le chant mage
égrenant le dit de ma gent,
la rune enchantée de ma race
Kalevala, Chant I
Qu’on se transmette la bonne nouvelle par delà lacs et forêts, Korpiklaani est de retour ! Le dixième album des Finlandais s’intitule Kulkija et nous réserve quelques surprises. C’est parti pour une heure de musique au fil des quatorze morceaux de l’album !
Mais d’abord, un petit coup d’œil sur la pochette : un chemin de terre bordé de clayonnages en bois mène vers un champ. De petites masures en bois s’alignent le long du chemin. Aucun signe de vie sinon ce corbeau accroché au clayonnage. Le programme est bien différent des albums précédents : le shaman aux bois de cerf, présent sur chaque pochette depuis les débuts du groupe, manque à l’appel. Enfin, hormis dans le titre de l’album, “Wanderer” en anglais, nom de ce personnage familier. Le cadre est plus rural, moins fantastique que sur les pochettes de Manala ou de Noita.
Les premières secondes de l’album, celle de “Neito”, sont inquiétantes, sombres, souterraines. Mais très vite, reviennent les rythmes entraînants et accrocheurs du groupe. Pour autant, le ton festif qu’on associe tant à Korpiklaani n’est pas de la partie. La voix est grave, profonde. Cette atmosphère mélancolique est une composante importante de l’album.
“Harmaja“ est écrite dans la même veine. Le clip est visuellement parlant : le chanteur est perdu dans les flots d’une mer agitée en compagnie d’une violoniste ailée aux yeux bandés. Dans ces morceaux graves, les parties de violon sont particulièrement incisives.
La première moitié de l’album alterne entre ces morceaux mélancoliques et des chansons plus folk mais assez mollassonnes, voire même un tantinet cliché à l’image de “Kotikonnut“ dont le clip accumule les poncifs d’un morceau de folk metal : images de paysage et du groupe en studio, des sous-titres tremblotant… Le morceau lui-même semble forcé dans son écriture.
Mais tout cela était sans compter la seconde moitié de l’album ! La surprise est totale à l’écoute de “Kallon malja” : une chanson de presque 10 minutes (du jamais vu chez Korpiklaani) où se mêlent riffs saturés, violon dissonant, break instrumental. La part heavy metal du groupe prend le pas sur la section folk accordéon/violon jusque là dominante.
Le morceau suivant, “Sillanrakentaja“ est tout aussi surprenant avec son intro digne d’un vieux morceau de Slayer. Le chant se fait plus heavy (avec un accent Bruce-Dickinsonien). La chanson s’offre même un chœur d’enfants pour finir en beauté.
Avec “Henkselipoika”, le groupe renoue avec les chansons festives et dansantes. Le clip nous présente une histoire d’amour paysanne dans un petit village qui n’est pas sans évoquer celui de la pochette. Les musiciens, eux, font la bringue dans une grange. On en profite pour admirer (et jalouser) leurs tenues ultra classe de cow-boys des forêts.
Dans la même veine, “Juomamaa“ est tout aussi prometteur ! Voilà du Korpiklaani comme on l’aimera toujours !
“Tuttu on tie“, dernier morceau, reprend le ton mélancolique du début d’album. Le violon reprend son rôle principal dans cette chanson de sept minutes. Un ton sans doute approprié pour clore Kulkija.
Avec Kulkija, Korpiklaani met de côté son image de groupe festif et buveur de liqueur frelatée. On pourrait facilement oublier que la réputation des Finlandais ne s’est pas seulement bâtie sur ces morceaux énergiques et dansants. Les ballades contemplatives font partie de leur identité et Kulkija est là pour nous le rappeler. Sur leur site, le groupe confie qu’il s’agit de leur album le plus abouti, construit du début à la fin comme un tout. Malgré quelques fadeurs, la plupart des morceaux nous proposent un peu de nouveauté et de quoi nous surprendre, nous autres auditeurs peut-être un peu lassés.
A travers sa musique, Korpiklaani nous présente leur Finlande, ses paysages et ses traditions paysannes. C’est bien ce qu’on entend par “folk” après tout non ? Si Korpiklaani a une particularité qui le distingue des autres groupes de folk metal, c’est qu’il n’est question dans leurs chansons ni de mythologie, ni de dieux, ni de récits guerriers des sagas mais bien d’histoires du quotidien, de contes qu’on écoute en attendant le printemps au coin de la cheminée et de légendes enchanteresses.
Kulkija, sorti le 7 septembre chez Nuclear Blast.
Korpiklaani de passage à Paris le 27 février 2019 à la Cigale !
Texte : Thomas
Illustrations : Fable
Merci des dessins et de la profondeur de vue.