Entretien avec Joel Madden de GOOD CHARLOTTE.

Un bel été parisien, une bonne montée des températures, un mélange sympa pour un rendez-vous avec Joel Madden de Good Charlotte qui était dans la capitale pour la promotion du nouvel album du groupe Generation Rx .

Pour commencer, peux-tu nous parler de la signification du titre de cet album.

Joel : C’est difficile parce que nous vivons à une époque ou chacun essaie de labelliser, identifier les autres et nous venons d’une génération où tout le monde était « quelqu’un ». Il était plus simple d’identifier les baby boomers, la génération « X », maintenant, je ressens ça comme si nous étions  mélangés. Les gens de mon âge jusqu’à ceux de quatorze ans, c’est comme s’il n’y avait aucune identité avec les réseaux sociaux, les médias. Ce titre identifie ce moment dans lequel nous sommes actuellement, avec la crise de l’opioïde aux USA et je pense que cet album est en quelque sorte une capture de notre avis sur ce que nous voyons maintenant et notre expérience. Quand tu écoutes ce disque, il n’est pas engagé politiquement ou socialement. Voilà ce que représente pour moi le nom de cet album.

Est-ce que pour toi un artiste doit dire aux gens ce qu’il se passe, les aider à réfléchir sur ce qu’il se passe dans le monde?

J : Ouais, je ne sais pas quelle en est notre responsabilité, je pense que plus je vieillis, plus je me demande si j’ai une quelconque influence. Est-ce que ce que je dis maintenant a une importance? J’ai l’impression qu’actuellement, c’est à celui qui sera le plus bruyant et énervé. Il y a toujours une vérité quelque part, dans tout ça, je me demande tout le temps, si tu es ou n’es pas d’accord avec une chose, peut-il, tout de même y avoir une exactitude ? Avec cet album, je voulais poser des questions qui sont dans ma tête, qui par la suite feront réfléchir et apporterons à chacun ses propres réponses. Je trouve qu’aujourd’hui, dans le monde nous manquons d’empathie. Est-ce que je sais ce que c’est que d’être à ta place et à l’inverse est-ce que tu sais ce que c’est que d’être moi ? Je pense que si on s’arrête et qu’on se pose ces questions, c’est un bon début pour un dialogue qui ne sera pas sur la défensive ou l’attaque.

Peux-tu me parler de l’enregistrement et de l’écriture de l’album, est-il le même qu’auparavant ?

J : Non, ça a complètement changé sur celui-ci. C’est le premier album qu’on a bossé dans notre propre studio, Benji (Madden) et Zakk Cervini ont produit ce disque, c’est le premier auto-produit. Le plan était de fermer les portes et prendre notre temps, aucune règle, contrainte, on s’est juste posés et on a créé. C’était une approche complètement différente et c’était aussi l’expérience la plus libre qu’on a eu pour faire un album (« Youth Autority »). Il n’y avait aucun facteur qui faisait pression, c’était un process totalement naturel, nous ne savions pas quand nous allions terminer, ce que ça allait donner ni de quoi le disque allait traiter. Aucune règle, aucun deal. Quand nous étions tous ensemble à un barbecue chez Benji, pendant que nos gamins jouaient ensemble, il nous a demandé si ça nous tentait de faire un nouveau disque. J’étais assez réticent à  l’idée de demander si on allait devoir signer un contrat avec un label , il m’a répondu que non. « Est-ce qu’on va devoir le sortir ? », c’était toujours non et j’ai juste dit « Ok, ça me convient, ça peut être fun ! », on s’est juste amusés, sans aucune pression. A la fin, Benji était là, à nous demander ce qu’on pensait de l’idée de le sortir, et de mon côté, je lui ai demandé si on pouvait le faire nous-même, et nous l’avons fait. Puis il voulait partir en tournée, j’étais pas tellement motivé par cette idée mais j’ai accepté pour 15 ou 16 dates. Il y avait vraiment une atmosphère spéciale, je voulais un truc simple, contrôlé. Ben est revenu vers moi en fin d’année, il voulait en faire un autre. Comme j’avais trouvé l’expérience du dernier fun, je lui ai demandé si je pouvais screamer dessus. Il m’a juste répondu « Ouais, fais ce que tu veux, ça m’est égal. ». On s’est retrouvés en studio et le premier morceau écrit était ” Self Help “, j’étais vraiment bien, dans une bonne atmosphère où je pouvais m’exprimer puis on a enchaîné les chansons. Personne n’était là pour nous donner son avis, on avait terminé au bout de deux mois, on en était très contents et on a décidé de le sortir, le promouvoir et faire une vraie tournée.

Pourquoi avoir choisi “Shadowboxer” et “Actual Pain ” comme singles, penses-tu que ces morceaux définissent l’album ?

J : Je pense que ces chansons sont une bonne représentation de l’album en terme de son et de sujets abordés, sans trop en donner. Je voulais juste offrir un bon album sans tout dévoiler.

Il me semble que ” Leech ” soit votre seul featuring sur l’album, comment ça s’est passé et pourquoi avoir choisi Sam Carter d’Architects ?

J : Et bien, on un label et leur manager y travaille et c’est l’un des groupes avec lequel nous avons la chance de bosser. On est probablement leurs plus grands fans donc, en tant que fans d’Architects, nous avons rencontré Sam qui est  une personne absulument fabuleuse. Je n’ai même pas demandé, nous écoutions ce morceau qui n’était pas terminé, il manquait le pont et nous discutions de l’idée d’un feat, nous ne voulions pas un truc bizarre mais plutôt un truc spécial comme celui de ” The River ” avec Matt (Shadow d’Avenged Sevenfold). Joey (Simmrin, manager d’Architects) me disait de contacter Sam, c’était la dernière chose qu’on voulait faire et il lui a demandé. Sam était plus que partant et nous plus que contents, c’est l’un de mes moments favoris et en tant que fan c’est très spécial pour moi. Ce sont des moments que tu gardes en mémoire pour toujours.

Y-a-t-il une personne avec qui tu voudrais faire un feat ?

J : Bonne question… J’aimerais bien faire un truc avec River (Cuomo de Weezer), avec Tim de Rancid et probablement Oli de Bring Me The Horizon, ce serait cool.

Et un artiste venant d’un autre univers ?

J : Lil Peep, j’adorais ce mec et malheureusement nous sommes entrés en contact juste avant son décès et discutions d’une possible tournée, de faire un titre ensemble. C’était vraiment l’artiste avec lequel je voulais absolument collaborer. Sinon Uzi, musicalement ça pourrait être intéressant. Avec un artiste qui n’a pas l’habitude de bosser en groupe mais qui voudrait le faire. J’ai beaucoup apprécié le dernier album de XxX, une autre terrible perte, tu voyais très bien dans quelle direction il allait en écoutant son album et j’étais là à me dire « Wow, quel artiste talentueux ! ». J’aime beaucoup le nouveau hip-hop.

Parle-moi un peu de MDDN, votre label…

J : 5 ans auparavant nous le lancions par nécessité, parce que nous avions des soucis de management. Nous savons qu’il y en a des bons parce que nous en connaissons certains, mais il n’ en a pas beaucoup et nous nous demandions qui pourrait nous manager. Nous avons commencé à nous manager nous même, c’est ce qui a tout lancé. C’était libérateur, nous étions nos premiers clients et notre propre groupe, nous étions totalement libres financièrement. Tout se passait bien et nous nous sommes dit qu’on pouvait faire grossir la chose. On a donc trouvé un endroit où nous pouvons tout faire, enregistrer un album, tourner un clip… Ça paraissait impossible mais on se disait qu’avoir un bâtiment dans lequel les artistes pourraient venir et faire tout ce qu’ils souhaitent faire, ça pourrait être cool. Ils n’auraient pas besoin de signer avec un label parce que tout serait dans un seul bâtiment. Ils n’ont pas besoin de l’argent d’un label pour faire leur propre art. Nous avions une compagnie qui grossissait. Maintenant ce n’est plus Benji et moi qui sommes assis derrière un bureau,  mais une grosse team vraiment talentueuse, composée de gens intelligents qui bossent dur et aiment la musique. C’est ce qui fait que cette entreprise fonctionne très bien. Nous voulons juste libérer les artistes de toutes les contraintes qu’ils peuvent rencontrer Je ne juge pas, je suis aussi tombé dans ce piège. Personne n’a de contrat à signer et lorsqu’il y a une décision à prendre, la réponse n’est jamais « non » mais plutôt « Ok, comment on peut faire pour que ça fonctionne ? ». Si tu veux faire un album, allons en studio et voyons comment faire, pareil pour un clip. Nous ne voulons prendre aucun crédit sur le succès de l’entreprise parce qu’il vient de ces gens qui bossent dur. Architects est pour moi le plus gros groupe heavy de tous les temps, parce qu’ils sont ce qu’ils sont et la musique qu’ils font. Notre compagnie est là pour encourager les artistes et nous ne sommes pas cette vieille idée qu’on se fait des managers, « Je veux rencontrer ce gars, il sera mon manager et il va changer ma vie! » Les gens peuvent changer la vie des autres mais ça commence par toi qui décides de ce qu’il va faire et tu dois bosser dur, l’idée doit venir de toi. La team est là pour t’aider à mettre en oeuvre ton idée. Je suis fier de cette compagnie, ça marche bien, nous sommes chanceux de bosser avec tant de bons groupes. C’est eux le secret, ils viennent avec leurs idées et nous tentons juste de les aider à les exécuter.

Tu sembles beaucoup aimer Architects, pouvons-nous espérer une tournée commune ?

J : Tu sais, on pourrait se retrouver sur la même scène à un festival mais je pense qu’on a une fan base très différente et avec tout le respect que je dois à leurs fans, je ne sais pas s’ils souhaiteraient voir Good Charlotte avec Architects. Je ne sais pas si nous allons un jour tourner ensemble mais il se peut qu’on apparaisse ensemble comme Sam l’a fait à Brixton pour chanter sur un de nos morceaux. Jouer ensemble sur un festival, aucun souci, mais une tournée, c’est un moment unique entre le groupe et ses fans. Tu dois réfléchir à ce qu’ils vont penser, comment ils vont accueillir la chose. Je ne vais jamais dire jamais mais je veux être sûr que les fans ne trouvent pas ça chiant, ils paient pour un billet, je veux qu’ils en sortent le plus satisfait possible.

Es-tu plutôt fan des grosses salles où des petites ?

J : J’aime les deux, ma capacité préférée est probablement celle des salles à 3000 personnes, un gros public mais pas trop non plus. Il y a quelque chose de puissant à avoir 3000 personnes qui aiment et connaissent tous les morceaux de ton groupe. Mais jouer dans des festivals et dans des plus grosses salles est fun aussi. Les petites salles font certainement parties des meilleurs shows qu’on a pu donner dans notre carrière. L’année dernière nous avons joué au Bataclan et c’était tellement spécial, nous voulions absolument jouer dans cette salle, on le ressentait comme une obligation. C’était vraiment inoubliable, je ne l’aurais jamais imaginé!

Merci beaucoup !

Merci à toi !

 

Propos recueillis et traduits par Mario.

 
 
 

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