
La Grande Halle de la Villette accueille du 15 mai au 9 septembre le collectif japonais teamlab, dont le travail se concentre essentiellement sur des productions digitales. J’ai mis un temps assez considérable à aller à cette exposition, à vrai dire, j’ai failli ne pas y aller du tout. Croiser l’affiche de promotion de l’exposition dans le métro éveillait déjà en moi une sorte de méfiance ; photographie d’une vue d’exposition avec un belle cascade fluorescente (ambiance agence de voyage sous acide), et planté au milieu de ce décor, une petite figure humaine, seulement là pour servir d’échelle et ainsi pousser le badaud à s’étonner devant l’ampleur de la dite fontaine au LSD. J’étais clairement réticente, étant très peu à l’aise avec l’art numérique et assez peu tentée par une exposition qui se basait uniquement sur des environnements de projections. Le sort – et une amie particulièrement insistante – en ont décidé autrement.
Qu’à cela ne tienne ! Peut être allais-je faire une découverte qui me réconcilierait avec l’art numérique. Avant d’entrer dans l’exposition proprement dite, un texte d’introduction placardé sur un mur nous fait face, promettant une expérience «immersive et interactive» (comme… TOUTES les expositions d’art digital qu’il m’ait été donné de voir, comme s’il ne s’agissait là que de leur seul et unique objectif envisageable), accompagné d’un petit schéma du parcours proposé. Un parcours clos sur lui même et donc relativement instinctif semble-t-il.
Nous entrons donc dans une salle plongée dans le noir, recouverte de projections non figuratives et assez colorées pour donner la nausée à un peintre fauviste. D’ordinaire plutôt friande des expositions plongées dans l’obscurité, qui permettent une mise en avant des pièces exposées de façon toujours assez théâtrale, cette fois-ci, on frise le non respect des consignes de sécurité ma bonne dame ! La première salle en question est loin d’être plate, prenant même carrément des airs de skate park dangereusement anguleux, n’est franchement pas rassurante, ni même pensée pour regarder tranquillement ce qui se passe au mur. Ah, un détail supplémentaire et non négligeable pour que vous vous fassiez une idée de l’ambiance : cette salle est remplie à ras bord d’enfants. Comme chacun sait, l’enfant dans une exposition/une galerie/un restaurant a soudainement décidé de devenir ingérable et atrocement bruyant et braillard. Quelle superbe ambiance sonore donc pour une exposition qui se veut être « un dépaysement onirique »… C’est donc légèrement excédée et entre deux glissades de gosses sur les vallons et collines improbables de la salle que je me rue vers les invisibles escaliers qui mènent à la suite du parcours. Un petit corridor relativement fade, les sujets des projections n’ont que peu d’intérêt en eux-mêmes, qui s’ouvre sur la grande salle que j’ai pu voir maintes fois en photo pendant mes trajets en métro. La fameuse cascade Tchernobyl. Avouons-le, c’est assez chouette à regarder, aussi, et comme promis, les projections sont interactives, vous pouvez donc dévier la trajectoire de l’eau en vous tenant debout sur le sol, ou déplumer les fleurs de leurs pétales comme une princesse Disney mal lunée en passant votre main sur le mur. Des attractions qui deviennent, de façon assez évidente, assez lassantes au bout de quelques minutes à peine. Malheureusement, cette exposition n’aura pas proposé de solution à mon interrogation majeure quant aux productions d’art digital : passé l’aspect ludique de héhé-je-peux-jouer-avec-l’oeuvre-me-reconnaît, qu’est ce qu’il reste ? Eh bien à mon sens pas grand chose. L’aspect onirique espèce de vieille rabat joie cynique et aigrie, me crie-t-on. Navrée mes très chers, je reste tout aussi amère. Qu’y a-t-il d’onirique dans ces projections de cascades, fleurs et nature changeante aux quatre saisons, qui, en plus, pixélisent ?! Qu’y a-t-il d’onirique dans une ambiance sonore constituée seulement d’une insupportable partition d’enfants qui tapent sur les murs pour assommer des lapins numériques (et on se plaint que la nouvelle génération soient collée à des iPad. Un peu de cohérence aussi) ? Ouvrons donc un colloque pour nous mettre d’accord sur les tenants et les aboutissants de l’onirisme, merci bien.
Les deux dernières salles rattrapent presque la catastrophe, on y devine une intention moins «tout public», plus ornementale, plus atmosphérique pour l’une, plus volontairement étrange et fantomatique pour l’autre, sans que l’on puisse parler de réussite pour autant. Et voici qu’arrive la sortie, de façon tout à fait précipitée pour une exposition aussi chère (15€ tout de même pour des projections et quatre salles), mais j’oublie de râler – phénomène assez rare pour être porté à votre attention – tant je suis heureuse d’en voir la fin.
En résumé je déconseille assez fortement teamlab, une exposition onéreuse, peu inventive, peut être simplement destinée aux enfants (mais l’intention du collectif n’a jamais été présentée comme telle!), des choix graphiques largement questionnables et une qualité de projection absolument médiocre, ce qui est quand même dommageable quand on base tout son travail sur ce support. Pourrais-je parler de déception pour autant ? Non, par ce que je m’y attendais. Les affiches de promotion à la grande cascade montrent en fait tout ce que le spectateur souhaiterait voir (et en meilleure résolution en plus) l’exposition ne propose en réalité rien de plus que sa publicité. Un peu comme un film dont le titre dévoilerait l’intrigue. En somme, contemplez l’affiche pour vous en sortir à moindre frais.
Photographies : La Villette
Texte : Claire L.
Ah ! merci pour la critique! Nous aussi devons y aller avec les enfants (désolée!) , en effet c’est cher. Du coup ton expérience me laisse perplexe.