Je suis un Cyborg – Park Chan-Wook

Œuvre à part dans la filmographie du réalisateur sud-coréen Park Chan-Wook qui nous a plutôt habitué à de la violence viscérale, Je suis un Cyborg est une comédie romantique aux couleurs pastel et dans un hôpital psychiatrique. Tout irait bien chez les marginaux si l’héroïne n’avait pas arrêté de s’alimenter, persuadée d’être un cyborg (et comme tout le monde le sait, les robots ne s’alimentent pas à la cantine avec de la nourriture dite pour les humains, mais plutôt à l’aide de piles ou via des prises d’alim). Un autre patient de l’institut, une sorte de voleur intériorisant les habitudes des autres en les volant, va l’aider à ne pas mourir bêtement. Ovni cinématographique succulent comme un chamallow !


https://www.youtube.com/watch?v=9aoZ3AM_pwg

Après sa trilogie sur la vengeance (Sympathy for Mr Vengeance en 2002, Old Boy qui reçut le Grand prix du Jury à Cannes en 2004, et Lady vengeance en 2005), Park Chan-Wook avait besoin de faire un film simple pour se “reposer”. Pas si simple en fait. Avec peu de budget, mais entouré de son équipe habituelle, soudée et créative, qui fait tout pour répondre aux volontés de Monsieur Park, celui-ci réussit son pari de parenthèse poétique mais exigeante.
park chan wook

Nous sommes face à une fable originale qui apporte un véritable vent de fraîcheur : un registre déroutant quand on connait le réal. Et puis, ce lieu clos se devrait d’être sordide… Quand on pense hôpital psy, on pense davantage à chambre capitonnée/camisole de force/malade en mode fou furieux. Ce qui est loin de la réalité IRL, on est bien d’accord là-dessus, mais l’imagerie populaire couple souvent hôpital psy avec ambiance de thriller et/ou d’horreur. Où ça crie, où l’ampoule grésille un max dans les couloirs, avec des bruits sourds de gens qui se jettent contre les murs… Arkham Asylum-like quoi.

arkham asylum

Là, pour Je suis un Cyborg, on est carrément à l’opposé : tons pastel à donf, avec les envolées oniriques d’un Edward aux mains d’argent (Tim Burton, 1991) ou les décors d’un The cat in the hat avec Mike Myers (2003). Un monde à part, avec des gens névrosés certes, mais qui s’apparente plutôt à un jardin d’enfants kawaii remanié à la Michel Gondry.

bannière

Quoiqu’il en soit, on est dans un film à l’histoire contemporaine. Ce n’est pas parce que y’a “cyborg” dans le titre qu’on est dans un film de SF. Y’a quelques effets numériques de post-prod, comme pour cette magnifique scène de fusillade dans l’hôpital et dans le parc. Ou cette coccinelle qui apparaît de temps en temps, rappelant celle de Gotlib dans les Rubrique-à-Brac (je doute très très fortement du clin d’œil, mais ça me fait plaisir de lier ces deux coccinelles ^^ ). Une certaine magie se dégage de ce film grâce à l’alchimie réussie de plusieurs éléments, et notamment l’équipe du film.

dvd

L’éditeur vidéo Wild Side a sorti un beau coffret DVD transparent et aérien, à l’image du film. Les bonus sont top, je conseille vraiment de vous procurer ce support. On y voit bien que le réalisateur pousse à l’imprévu et que son équipe suit, stresse, mais progresse et excelle. Les prises de vues ne sont pas simples (travelling, plan séquences…) et elles participent à ce sentiment de fluidité et de légèreté. Les acteurs mettent eux aussi le paquet. Jung Ji-Hoon, star de K-pop qui interprète Il-Soon, le gars amoureux, est à 200% pour son 1er rôle au cinéma. Lim Soo-Jung, l’actrice principale qui tient le rôle de Young-Goon, a suivi un régime sans sel assez sévère pour maigrir progressivement afin de coller à son personnage qui ne s’alimente plus. Que ce soit l’équipe technique ou artistique, chacun a beaucoup donné pour le tournage et cela se ressent. Le film s’en ressort tout simplement génial.

affiche film je suis un cyborg

Sans trop spoiler, la fable farfelue est forte en cuteness. Cette histoire d’amour pas comme les autres offre un effet purifiant. A la fin, on se sent léger et heureux. Il suffit de se laisser voltiger comme une aigrette de pissenlit ! Loin d’un univers psychiatrique à la Vol au-dessus d’un nid de coucou avec Jack Nicholson (1975), ce monde à part enchante. Bref, ce film est un shot loufoque de feelgood. Merci Monsieur Park pour ce détour de cinéma !

coccinelle gotlib

Sortie le 12 décembre 2007

Réalisation : Park Chan-wook
Scénario : Jeong Seo-kyeong et Park Chan-wook

Avec :
Im Su-jeong : Cha Young-goon
Rain : Park II-soon
Choi Hee-jin : Dr Choi Seul-gi
Lee Yong-nyeo : la mère de Young-goon
Yoo Ho-jeong : la maman de Park Il-soon
Kim Byeong-ok : le juge

Texte : Anna B. Void

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