AFROPUNK 2018 @ GRANDE HALLE DE LA VILLETTE – 14-15/07/2018

Afro et punk, nous sommes en 2018 en France et présenté ainsi, il en va de deux termes qui ont du mal à s’entendre et à se comprendre, dans une culture musicale française clivée et délimitée. Mais si on gratte, se sont deux termes qui, associés, ont trouvé une consonance  et une logique pour aujourd’hui proposer la version française d’un festival qui en est à sa quatrième édition cette année dans une Grande Halle de la Villette sold out. 

Le festival de Brooklyn qui a vu ses premiers pas français au Trianon en 2015 pour aujourd’hui investir une Villette complète, prête à accueillir un événement symbolique de libertés et de luttes contre les différences… Une histoire et un bagage nés sur un vrai engagement de promotion de musiques et cultures alternatives, il est difficile de refuser mais 2018 est loin de 2005 et Paris n’est pas Brooklyn.   Aujourd’hui Live Nation est aux manettes avec une grosse affiche, plus large, à laquelle  viennent s’ajouter au punk : hip-hop, R’n’B, néo-soul, pop ou encore électro. Une affiche plus afro  que punk avec Damian Marley, Maxweel, Nneka, un village avec stands, foodtrucks etc. L’esprit punk, engagé, solidaire, créatif  et débrouille des débuts est-il encore présent  ? 

Ne nous emportons pas il est surtout interessant de commencer par le plus important car dans ses racines, Afropunk c’est plus qu’un simple festival. Pour retrouver l’origine de l’histoire et surtout par qui tout a commencé, il faut retourner au début des années 2000. Plus précisément en 2003, tout vient d’un documentaire réalisé par James Spooner. Issu d’une famille américano caraibéenne, et par son intérêt pour le punk rock, le skate et sa musique, James a toujours été vu comme différent par son entourage. Sa propre famille l’appelle même le « frère blanc » avec ses goûts considérés comme inadmissibles pour un « noir ». Il vit dans un univers social le soumettant à l’incompréhension de sa personne, jusqu’à ce qu’il s’installe à new York à 14 ans où il découvrira ce monde à part qui est le sien, celui des punks, des artistes noirs et métis. C’est à 21 ans que James décidera alors de sillonner les Etats Unis à la recherche de cette identité belle et bien présente et non déviante. Son film « Afro Punk: The Rock n’ Roll Nigger Experience » sortira en 2003 et remettra au centre de l’histoire la filiation bien présente entre la communauté afro américaine, le punk et le rock. De là nait un mouvement prônant la différence, le mélange, le DIY et la liberté pour arriver à une premier édition à Brooklyn d’un festival consacré à cet esprit pour arriver à aujourd’hui,  2018 , et  une présence sur 3 continents. Voila sur quoi on partait en 2005.

Ce mouvement  possède une image fondée sur un état d’esprit qui aujourd’hui est  probablement un peu oublié par certains. Une image, un slogan présent sur tous les supports et sur tous les T-Shirts prônant cet état d’esprit des débuts ; on part donc avec de l’espoir dès le départ… Mais Afropunk  en tant que visiteur néophyte de la version parisienne en 2018, ce qui ressort au premier lieu c’est une rencontre des looks les plus exubérants qui soient dans une liberté qui s’exprime avec facilité et une vision très colorée aux racines très métissées. On y parle français, anglais mais aussi d‘autres langues, prouvant l’intérêt international de l’événement car derrière ce défilé c’est aussi l’expression d’une fierté, celle des racines et de la différence qui en 2018 aurait méritée plus de place dans un festival vantant son message militant. Une image et un slogan répétés et déclinés mais pas  approfondi… Alors que nombreux sont ceux qui attendent cette effervescence.

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Le militantisme et l’associatif étant très peu représenté, c’est un regret alors que l’identité s’était ainsi construite. Un village au tour rapide faisant la part belle à tout ce qui englobe la culture afro, à travers boutiques, restaurateurs, photo call, créateurs de vêtements et vendeurs de produits de beauté spécialisés. L’associatif se retrouve à une tente, certes plus grande, mais le militantisme et l’image engagé revendiqué sur les T-Shirts vendus au merch est ici clairement noyé dans la masse ou relevé par une expo photo que très peu verront.  L’image, la surface… Ce qui aurait méritée une plus grande place sur les deux jours, remettre les idées clairement au centre de l’événement pour un week-end qui prenait des airs festifs et positifs  sous ce soleil autour de concerts, food trucks  et de créations.

 


 

Malgré cela, Afropunk se présente ainsi comme un héritage et une vision multiculturelle déclinée sur plusieurs terreaux artistiques mais musicalement parlant l’édition 2018 se limitera à quelques terreaux.   

Je me suis peut être arrêté aux bases du  Hip Hop revendicatif  et métissé des années 80 et  la fusion des années 80/90 avec des trublions comme les Bad Brains Pure Hell ou bien sur Body Count et plus récemment la déférlante Ho99o9 mais l’envie et la curiosité étaient avec moi sur ces deux jours.  L’affiche de ce week end offrira son lot de découvertes ; étonnements pour une belle expérience musicale quand on n’est pas limité et qu’on est curieux musicalement. C’est l’idée de départ si le besoin de vous le rappeler se fait sentir. Le punk au sens premier n’est pas dans l’esprit pour ce week end de musique, mais l’ouverture et le métissage sont plutôt les maitres mots de l’affiche. Même si Maxwell, icône de la soul et star du R n’ B, Damian Marley jr star du reggae sont les têtes d’affiche de ce week end donnant dans la facilité et sans réelle prise de risque. Et bien les surprises viennent du reste de la proposition musicale du week end. 

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SZA

Avec une  programmation entrecoupée de set de DJ ( et du foot dimanche) c’est ambiance boite, chill ( à l’abri de la chaleur extérieure) et festive pour un public qui n’hésite pas un seul instant à se lâcher, se déhancher à la moindre occasion (passée la torpeur de la fin d’après-midi). Une ambiance à mille lieux de celles qu’on a l’habitude de connaitre et ça fait du bien. Menés tambour battant dans cette  Grande Halle toute de noire vêtue et en taille plus réduite pour l’occasion, les sets  s’enchaînent entre les deux scènes avec une proposition hétéroclite pour les amateurs, nombreux, car les concerts étant complets, et presque sur la même vibration pour les néophytes. Par ci par là on découvre une certaine richesse musicale, un métissage des genres et une liberté créative. Ça c’est du bon. Sur ces deux jours on se baladera entre Soul, R N’ B, electro, Reggae, Blues. Un mélange des genres qui offre certains sets capables de retenir un peu plus notre attention, cela,  dès le samedi après midi. 

The No Face programmée en pleine après midi sera du genre à électriser la salle encore en pleine torpeur estivale. Le groupe parisien fera partie des révélations du week end et assumant pleinement cette image de musique métissée afropunk. Loin de la comparaison que certains ont fait avec Shaka Ponk. The No Face est rock n’ Roll, dansant et électrique, porté par sa frontwoman plus que charismatique. Tout comme Ecca Vandal qui boostera aussi la Villette avec son mélange électrique et son énergie qui raviveront nos oreilles.   Sandra Nkaké, qui revient au festival après un premier passage en 2015, offrira une touche mélodique et surtout une voix qui transporte dans cette Grande Halle de la Villette sous le charme. Nneka remportera tout les suffrages en ce qui nous concerne. Sa voix et sa musique nous ont transportés tout simplement ailleurs. Une artiste avec un grand A.

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Trombone Shorty et Gary Clark Jr seront les atouts de ce dimanche musical.  Programmé en ouverture après la victoire de la France, il apportera son swing et sera la découverte du jour. Du groove et ambiance qui donne clairement envie de danser Trombone Shorty a amené la Nouvelle Orleans à Paris avec une bonne humeur contagieuse hors de la fureur footbalistique. Malgré Damian Marley jr et Maxwell en tête du dimanche, c’est bel et bien Gary Clark jr qui enflammera la Villette déjà bien brulante mais qui n’attendait que ça. Il sera un peu l’image de ce que peut être Afropunk. L’importance du métissage dans l’histoire du rock et du blues. Soixante minutes, à la fois langoureuses et rock n’ roll. Avec une ouverture plus que parlante sur “Come Together ” des Beatles, on est dans le ton.  “Ain’t Messin’ Round” et son groove, les bluesy “Next Door Neighbor”,  “When My Train Pulls In” et le très connu et sensuel “Bright Lights”

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 Au final, même si on est loin des attentes de départ qu’on pouvait avoir , on ressort de ces deux jours assez partagé car on s’éloigne de cette image engagée, de rencontres et DIY des débuts. L’esprit du week end  de positivité colorée (aidée par le temps et le soleil) et en totale liberté ou c’est plutôt le public qui se lâchait , s’exprimait en étant soi-même dans l’habillement. Une façon d’être qui apportera une certaine fraicheur. Une programmation, qui, au passage aurait méritée plus de métissage  (mais on ne peut pas l’avoir tous les ans), est l’atout de ce festival qui ne cesse de grandir. Mais c’est une réussite publique avec une gestion efficace sur ces deux jours dans une ambiance détendue, métisséeet en toute simplicité.  Le point négatif reste ce marketing ciblé beaucoup trop présent et décevant. Afropunk à Paris  se repose sur son succès et son image alors qu’il pourrait être beaucoup plus car dans sa majorité le public ne ressort pas avec une réelle idée de ce que pouvait véhiculer tout ceci.

Dans un sens, si vous souhaitez goûter à l’ambiance et découvrir des artistes dans une curiosité musicale, on vous attend en 2019 et on vous le conseille en commençant bien entendu par voir le documentaire de James Spooner.

 
texte: Anthony
Photos Cesar Papé
 

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