Geisterfels – La névrose de la pierre

Commençons l’été par un petit voyage, dans l’Est de la France et dans le temps, dans l’univers de Geisterfels, un des derniers nés de la scène black metal niçoise. Poésie lugubre, black old school et ruines mosellanes au programme.

Sorti en octobre dernier chez Six Raw Records, La névrose de la pierre est le premier album de Geisterfels. D’abord projet solo, le groupe s’est étoffé au cours des dernières années avec l’arrivée d’Aldébaran (Darkenhöld) et d’Aharon (Griffon) aux côtés de Nebel, fondatrice du groupe.

Booklet 1

Ce premier album dépeint le voyage d’un poète le long de la Moselle et du Rhin et l’évolution de sa psyché parmi les ruines désolées de la région. La plume de Nebel sert avec une profondeur désarmante ce cheminement tragique. Les deux derniers morceaux, “La chapelle recousue” et “Puis vient la chute”, forment un diptyque final élégamment morbide. La métaphore, filée jusqu’à la dernière note, entre l’esprit brisé du voyageur et les ruines branlantes des vieilles églises laisse songeur.
“Im Nebel” pointe un autre thème : celui du sentiment d’impuissance devant la modernité et la marche du progrès. Le texte contextualise sa réflexion à la fin du dix-neuvième siècle, mais ce thème est presque universel. Avec une lecture au second degré (voire carrément tiré par les cheveux), on tombe presque dans la mise en abyme du black metal…

Le chant en français était un tantinet nouveau pour moi (dans le black metal). La lecture du livret est une chose, l’écoute en est une autre. Le phrasé d’Aharon malmène le texte pour coller à la mélodie : certaines syllabes sont étirées, d’autres mâchées ou avalées.

Côté composition, Geisterfels colle à sa thématique : le son old school est présent du début à la fin. Guitare suraigüe, basse bien ronde ; il ne manque que le low-fi crado pour s’imaginer dans les 90s. Malgré un sentiment de répétition au fil de l’album, certains riffs et breaks viennent illuminer certains morceaux comme dans “Im Nebel” ou “Der Tod und die Schwarze Gräfin” (seule chanson chantée en allemand).
“Il neige sur l’Eltz”, unique morceau instrumental, nous transporte au cœur d’une violente tempête glacée où les grêlons martèlent le sol au rythme des doubles-croches de la basse.

La musique de Geisterfels n’est pas à la portée du premier venu : elle s’enracine dans la tradition du black metal des 90s, faisant fi de ce vers quoi le black « moderne » ou « post-je-ne-sais-trop-quoi » semble vouloir se diriger.
La puissance évocatrice de l’écriture porte à elle seule une grande partie de l’album. Et si la musique et le chant ne se mêlent pas à la perfection, la composition enrichit le récit que nous fait vivre Geisterfels : celui de la traversée d’un paysage torturé par un esprit endeuillé.

GeisterfelsLa névrose de la pierre, Six Raw Records, sorti le 31 octobre 2017.
 
Texte : Thomas

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