TOMB RAIDER – ROAR UTHAUG

Tomb Raider, série vidéo-ludique à succès initiée en 1996, avait déjà connu deux adaptations cinématographiques en 2001 et 2003 mais en dépit du costume moulant endossé par la plantureuse Angelina Jolie, ceux-ci n’avaient pas suscité l’engouement.

Porter une licence à succès issue du monde du jeu vidéo sur grand écran n’est pas une mince affaire et les échecs en nombre nous le rappellent : Silent Hill, Resident Evil, Far Cry, Assassin’s Creed… Mais précisons que souvent, ces productions sont réalisées au rabais par des petites firmes. Les gros studios, eux, qui ont longtemps connu des déboires avec leurs adaptations de comics, se tiennent souvent à l’écart des terrains minés que représentent les films destinés à un public de niche et exigeant. Mais ça c’était vrai dans le temps. En 2018, l’industrie du jeu-vidéo brasse des millions et les grosses sociétés veulent forcément leur part du gâteau. Donc, sans surprise, en 2011, la big société GK Films acquière les droits d’adaptation de la série, soutenue par d’autres mastodontes tels que la MGM ou la Warner. On sait qu’il s’agit d’un effet d’opportunité mais avec des gros moyens et la qualité de la licence Tomb Raider, on se prend une nouvelle fois à croire à un miracle.

Tomb Raider est sorti dans nos salles le 14 mars 2018. Il a été réalisé par le norvégien quasi inconnu Roar Uthaug, ancien de la publicité à qui l’on doit le film d’horreur Cold Prey et The Wave (moi je connais pas mais Wikipedia, lui, sait tout). Son jeu de caméra s’avère assez académique, pas forcément inventif, mais ça fait le job. Ensuite, parlons d’Alicia Vikander, qui a endossé le rôle de Lara. Eh bien elle s’en est sortie avec brio. On voit très bien que pour en arriver là, la suédoise (29 ans) ne s’est pas ménagée et a sans doute sué sang et eau. Résultat, des petits abdos en chocolat, garantis sans trucage. Une bonne chose pour elle qui, actrice montante et déjà détentrice d’un Oscar pour son second rôle dans le film Danish Girl, se devait de changer de registre et si possible, montrer qu’elle pouvait être physique. Elle incarne une Lara crédible, belle et intelligente. Donc pour elle, tout va bien.

Affiche du film

Disons-le, pour quelqu’un d’étranger à la licence Tomb Raider, ce film pourrait très bien apparaître comme un sympathique petit divertissement à la Indiana Jones, mêlant action et aventure. Mais le souci, c’est que Tomb Raider n’est pas un simple divertissement, il s’agit d’un héritage. Et les héritages, parlez-en aux enfants de Johnny, c’est du sérieux… On plaisante pas avec une franchise qui a 20 ans, des fans enragés partout sur le globe et des filles qui préfèrent s’accoutrer d’un petit short et d’une paire de guns plutôt que d’un costume de la Reine des Neiges (si, allez donc voir à la première Japan Expo venue). Et donc, c’est bien là que commence à s’écailler le vernis… Pourtant au départ, sur le papier, tout allait bien puisque le scénario du film devait s’inspirer du meilleur épisode de la licence, à savoir le reboot de Square Enix paru en 2013, doté d’un gameplay jouissif, d’un background en béton armé et d’une profondeur inédite. Dans cet opus, Lara Croft y campait une jeune femme, encore étrangère au monde des expéditions, âgée de 21 ans, partie sur les traces de son archéologue de père, disparu lors d’une expédition sur une île, le Yamataï, sorte de triangle des Bermudes dont nul ne s’échappe. Le scénario était intense, plein de rebondissements et mâtiné de découvertes exotiques proposant de découvrir une civilisation perdue. Génial, non ? En outre, la jeune Lara, encore en quête d’identité, se révélait au fil des épreuves. Elle y apparaissait comme une femme à la fois forte et fragile, prise dans l’engrenage d’événements la forçant à se muer tour à tour en survivante, en guerrière, en faiseuse de miracle, ou en résolveuse d’énigmes. Bref, la digne héritière de la famille Croft.

Image jacket

Alors si je vous dis que le film a à peu près repris tous ces éléments, vous allez me dire : avec une telle corne d’abondance, comment ça a pu foirer ? Ils pouvaient pas juste faire un copier-coller ? Eh bien le problème, c’est que y a rien d’autre que les éléments résumés précités. Tout le reste a joyeusement été passé à la moulinette de la grande machine hollywoodienne, sans doute même par des gens étrangers au jeu vidéo. Bref, une fois de plus, les gros studios se sont montrés bien balèzes et leur médiocrité est allée jusqu’à inventer des points scénaristiques ridicules, comme le fait que Lara retrouve son père sur l’île mystère. Et attendez, vous allez rire, le gus est resté 7 ans à vivre comme un Robinson Crusoé dans la pampa, à deux pas d’un camp de travaux forcés dirigé par un type qui passe son temps à tuer des esclaves et à faire péter la moitié de l’île à la dynamite pour trouver des vestiges archéologiques. Heureusement, Lara lui apporte un petit cahier de notes dans lequel figure tous les easter eggs de la map et même l’emplacement de la super grotte du Boss final. Là, on s’attend plus ou moins à ce que le méchant fasse comme d’habitude sauter la porte d’entrée du caveau mais noooooooon, surtout pas. Faut que ce soit Lara qui l’ouvre. Bah oui, parce que depuis qu’elle est petite, elle s’amuse à résoudre des puzzles compliqués écrits dans des langues qu’elle ne maîtrise pas (alors que la fille érudite du jeu-vidéo, elle, est très largement polyglotte et ultra cultivée)… Je terminerai par la bande son : la première demi-heure plaira aux fans de MTV mais elle brillera par son absence tout le restant du film.

TombRaider paysage
Oui, Tomb Raider, le jeu, est 100 fois plus beau et riche que le film !

Au final et sans surprise, les grands studios raflent une fois de plus la mise sur le dos des pauvres fans que nous sommes et c’est déplorable. Ce film aurait vraiment mérité un meilleur traitement. C’est un énorme gâchis. Il faudra maintenant attendre de voir ce que réussit à produire la filiale d’Ubi Soft, Ubisoft Motion Pictures, mais au vu du traitement réservé à Assassin’s Creed, sorti en décembre 2016, on peut là encore craindre le pire. Donc vous savez quoi ? retournez à une valeur sûre, à savoir les aventures pixellisées de Lara Croft et ne manquez pas la sortie du prochain épisode de la série, Shadow of the Tomb Raider, dont la sortie est annoncée pour le 14 septembre 2018.

Sortie le 14 mars 2018
Réalisation : Roar Uthaug
Scénario : Geneva Robertson-Dworet et Alastair Siddons, d’après une histoire écrite par Evan Daugherty et Geneva Robertson-Dworet et adaptée de la série de jeux vidéo Tomb Raider par Crystal Dynamics
Avec dans les rôles principaux :
Alicia Vikander  : Lara Croft
Dominic West : Lord Richard Croft
Walton Goggins : Mathias Vogel
Daniel Wu : Lu Ren
Kristin Scott Thomas : Ana Miller
Derek Jacobi : M. Yaffe
Nick Frost : Max
Jaime Winstone : Pamela

Texte : Sly

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