
Véritable coup de rangeot dans la fourmilière pour la cause des femmes et du droit à extérioriser sans culpabiliser, cet essai tranche avec les précédents ouvrages de Virginie Despentes, ici, c’est du vécu et du partage éclairé. King Kong Théorie permet de découvrir davantage l’auteure, et sa parole libérée et en colère est un appel à la réflexion sur les femmes et notre société.
« C’est mon côté classe moyenne, il y a des évidences que je peine à avaler, et je manque tout le temps de subtilité. »
Ouvrage féministe ? Oui. Il parle des femmes, et ce sentiment d’inégalité et de pressions constantes inhérents à ce sexe. King Kong Théorie est aussi le premier ouvrage qui libère la parole au sujet du viol de manière frontale. Crever un abcès. Virginie Despentes est sincère et remet en cause un ordre qui semble établi. Elle provoque. (Re)Connue lors de la polémique avec la sortie du film Baise-moi en 2000 (adaptation de son premier roman paru en 1993, scènes de sexe non-simulées, co-réalisation avec l’actrice porno Coralie Trinh Thi), Virginie Despentes donne dans le trash et le cru. Ce qu’elle écrit, ce qu’elle dit, ce qu’elle est. Par exemple, elle assume sa prostitution passée volontaire. Ça choque, contre-pied et confrontation brute avec la réalité. Elle montre ce qui d’ordinaire est soigneusement camouflé/mis à l’écart/jugé vulgaire. Loin des yeux… Virginie Despentes fait voler en éclats les non-dits et les rend visible. Sa force.
Mon événement littéraire 2018 fut la parution du 3e et dernier tome de la série Vernon Subutex. Fresque, ayant pour décor les oubliés et la triste chute de la société, qui fera connaître Virginie Despentes auprès d’un plus large public et va lui permettre de souffler un peu financièrement. Cette trilogie résume ce que j’aime chez Virginie Despentes : elle ouvre les portes des imparfaits et des laisser-pour-comptes, avec une justesse d’écriture pleine de colère et sans hypocrisie, elle les rend beaux en nous mettant mal à l’aise. Critique sociale par provocation. Les Jolies choses et les moins jolies… que ce soit dans Vernon Subutex ou dans les chiennes savantes, le regard de l’auteure reste aigu et punk.
On lit Virginie Despentes sur fond musical énervé et planant : Bérurier noir, Joy Division, Sisters of Mercy, Motörhead… et des groupes bien plus obscurs de l’underground punk et post-punk. Car l’auteure a pas mal trainé dans ces milieux, du squat aux concerts à l’arrache. Dans le pit et le style. Elle a ça dans le sang. Une époque. Live fast die young. Son passif et son écriture s’imbriquent.
Besoin de montrer, besoin d’activisme. Virginie Despentes a réalisé des longs-métrages adaptés de ses romans (Baise-moi, Bye Bye Blondie) ; un documentaire Mutantes (féminisme porno punk) (dispo chez le distributeur Blaq Out) avec des entretiens comme celui de Catherine Breillat, cinéaste contre la censure, ou celui de Lydia Lunch, artiste underground américaine que Virginie Despentes admire, a traduit ou préfacé (Déséquilibres synthétiques, Paradoxia journal d’une prédatrice). Les femmes… plus ou moins fortes, plus ou moins artificielles, plus ou moins… elle s’adresse à TOUTES. Libération et décomplexification.
King Kong Théorie est à part dans la bibliographie de Virginie Despentes, mais cet essai est nécessaire pour porter un regard nouveau sur la place de la femme et du sexe dans notre société. Un cadeau à offrir à une femme ? Sans hésiter, en priorité, King Kong Théorie et la servante écarlate de Margaret Atwood !
Texte : Anna Void
Titre : King Kong Théorie
Auteur : Virginie Despentes
Editeur : Grasset, 2006
” Un cadeau à offrir à une femme” … Heu, cette remarque est vraiment débile si t’as lu le livre. Pas besoin qu’un homme me conseille, j’y suis arrivée toute seule à son bouquin, vu le besoin de réponses à notre condition de merde.
Un cadeau à offrir à ses potes, n’importe quel sexe.
Et puis, rien à voir avec la servante écarlate, que j’aime par ailleurs, mais cette série rassure la bourgeoise, elle est persuadée d’être en rouge alors qu’elle porte la robe verte, elle n’y voit aucune analogie avec notre monde. Pas assez explicite. Pas assez violente.
J’ai, en tant que femme, offert ce livre à plusieurs femmes, car il me semble très important à lire en tant que femme. Y’a pas que les hommes qui offrent des livres ! 🙂