
Contrairement aux idées reçues, les terres glaciales de Norvège n’exportent pas que du pétrole, du saumon et du black metal ! En effet, depuis quelques années, ce pays excelle dans le domaine du polar (1) et brille également par son cinéma. A ce propos, le dernier film de Joachim Trier, « Thelma », est une petite pépite. Son réalisateur, âgé de 43 ans, n’est pas tout à fait un inconnu puisque c’est à lui qu’on doit une des sensations de l’année 2012, à savoir le film « Oslo 31 août ».
Dans ce dernier, Joachim Trier avait pris le parti de transposer dans la Norvège moderne le scénario d’un film culte de Louis Malle, « Le feu follet » (2). Aussi glacial que son prédécesseur, « Thelma » est néanmoins d’une autre trempe. Tandis que « Oslo 31 août » pointait un certain mal de vivre propre aux pays scandinaves et se voulait résolument réaliste, ce long métrage est un objet cinématographique non-identifié à mi-chemin entre love-story queer et film fantastique. Mais avant de nous pencher sur son exégèse, venons-en d’abord au propos du film : Dans ce dernier, une jeune étudiante timide (mais dotée d’un fort complexe de supériorité) quitte le domicile de ses parents dévots sur la côte ouest de la Norvège pour intégrer une grande université d’Oslo. C’est là qu’elle va faire la rencontre de la belle Anja pour laquelle elle va ressentir une irrésistible attirance. Peinant à s’avouer les sentiments qu’elle porte pour sa camarade d’amphithéâtre, la jeune Thelma (incarnée à l’écran par Eili Harboe) va devenir la proie de crises épileptiques particulièrement violentes et de plus en plus fréquentes (3). Par le cours que vont prendre les évènements, il s’avère rapidement que ces crises cachent des facultés surnaturelles que possèdent l’héroïne et qui la rendent potentiellement dangereuse pour les autres. Cette dernière va alors fouiller dans son passé et découvrir que ses dons paranormaux sont le fruit de son hérédité.
S’il existe différents niveaux de lecture dans ce film, il semble évident que la religion en est le thème central. En effet, le christianisme y est omniprésent, notamment sur un plan symbolique. Par exemple, comment ne pas voir dans le serpent qui hante l’esprit de l’héroïne lors de ses crises une référence au péché originel ? Pendant tout le long du scénario, la jeune Thelma est partagée entre sa foi inculquée par ses parents et son attirance pour Anja. De même, l’apprentissage de ses dons surnaturels coïncide avec l’affirmation de son identité sexuelle. Par conséquent, les facultés paranormales de Thelma ne seraient-elles pas tout simplement une métaphore de sa différence du point de vue des orientations sexuelles ? Enfin, il plane sur le film l’ombre d’un combat sans merci entre le christianisme culturel et les racines païennes de la Scandinavie. Par bien des aspects, le film évoque l’univers de Stephen King. En effet, les pouvoirs télékinésiques de l’héroïne ne sont pas sans évoquer ceux de la jeune Carrie dans le roman du même nom (4). Par ailleurs, « Thelma » est une véritable ode à la nature, une partie du film se déroulant dans la Norvège rurale au milieu de paysages sauvages d’une rare beauté. Pour finir, un des principaux points forts du film est son jeu d’acteur : L’interprétation que fait l’actrice Eili Harboe de son rôle est en effet époustouflante. On peut même dire que l’ensemble du film repose presque exclusivement sur elle ! Si le rythme lancinant est propre à rebuter certains spectateurs, ce film est chargé d’une atmosphère particulièrement intense qui en font une œuvre incontournable à regarder à tout prix !
1 : En témoigne le succès de l’écrivain Jo Nesbo qui vient d’être adapté à l’écran dans le film « Le bonhomme de neige » avec Michael Fassbender
2 : Lui-même inspiré d’un roman du même nom par l’écrivain français Pierre Drieu la Rochelle
3 : Pour l’anecdote, le réalisateur s’est inspiré d’un trouble neurologique naturel, à savoir ce que l’on appelle les crises psychogènes non épileptiques (CPNE)
4 : Lequel a fait l’adaptation au cinéma par Brian de Palma en 1976 sous le titre « Carrie au bal du diable »
Texte : Mathieu
Date de sortie française : 10 novembre 2017
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