Rise Against, Sleeping With Sirens & Pears @ Bataclan – 11/11/17

The year is 2017, blablabla…
Si tu mènes une riche vie du côté des réseaux sociaux, tu as sans doute déjà vu passer cette phrase. Généralement suivie de quelque affirmation aussi réelle que surréaliste, elle introduit une explication comme quoi tout de même, on vit une époque un peu étrange.
L’année est 2017, l’humanité découvre que le principe de consentement s’applique aussi aux femmes. L’année est 2017, deux leaders de pays un peu compliqués à gérer s’insultent comme des gosses, etc.
L’année est 2017, et le punk demeure nécessaire, ne serait-ce que parce qu’il fait tellement de bien là par où il passe.

C’est l’idée du soir. Du week-end même, puisque la veille, les Prophets of Rage sont venus haranguer les foules sur une autre scène parisienne. Bon, ok, je n’y étais pas, mais après avoir vu Detroit et enchaîné avec un concert de hard blues américain, j’étais sérieusement prête à botter des culs. La bonne nouvelle, c’est que Rise Against était en ville.

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Pour Rise Against, il faudrait attendre un peu, mais pas nécessairement pour le défouloir, puisqu’aux fatidiques coups de 19h28, la file d’attente du Bataclan courrait jusqu’à la rue Oberkampf, et que le groupe d’ouverture de la soirée terminait son set.
Malheureusement pour moi, cet instant correspondant peu ou prou à mon entrée dans la salle, je n’ai assisté qu’à 15 secondes environ du concert de PEARS. Difficile donc d’en rendre compte sans demander un peu aux gens autour s’ils ont apprécié. Merci donc au jeune homme prêt à sortir le cours magistral en expliquant que “c’est du punk hardcore de la Nouvelle Orléans, le chanteur à moitié à poil court partout, ça a bien chauffé la salle, mais du coup c’est passé super vite”.

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Derrière nous, trois nanas anglophones à t-shirts de la tournée passent quelques minutes à faire des selfies et tout le reste du changement de plateau à déterminer quel cliché était le meilleur. Elles ont assisté au set de Pears et “C’est un peu trop metal pour nous, mais c’était bien”. Soit.
Pour qui souhaiterait se faire sa propre idée (ou aurait également loupé ce premier groupe), voilà à quoi ça ressemble.

Pas mal, et plutôt rigolo. J’aime assez pour regretter de les avoir loupés, il faudra qu’ils reviennent.
Enquête conclue, et le temps d’une réflexion sur les ecocup du Bataclan qui semblent rétrécir à chaque concert, Sleeping With Sirens arrive sur scène.
Il faut qu’on parle.
J’ai un cas de conscience. Oui, encore, je sais, ça devient une habitude.
Ca ne m’a pas plu. Mais VRAIMENT pas. Certes, les goûts, les couleurs, on connaît le principe. Mais Sleeping with Sirens représente un condensé de moult éléments que je déteste et qui rôdent parfois sur les scènes punkypop.
Disons simplement qu’on a affaire à un mix entre Imagine Dragons, Sum 41 et AFI avec un chanteur qui veut probablement devenir Avril Lavigne quand il sera grand, restant bloqué dans une phase teenage emo gênante. A vouloir mélanger tous les styles qu’ils aiment (ça va de la veste à patch the Doors au ticheurte Manson, sur scène), on se retrouve empêtrés dans un magma insondable et indigeste. Et comme si ce n’était pas suffisant, on se retrouve avec des bandes enregistrées à foison, accumulant couches de synthés et même des chœurs autotunés en playback sur “Legends”. (Ce morceau comprend à peu près tout ce que j’ai détesté dans le show, si ça peut te donner une idée.)
Malgré tout, le set présente de bons moments, quand ils privilégient la simplicité et livrent un punk accessible mais efficace. C’est consensuel, ils n’inventent pas l’eau tiède, mais ça passe, et ça met en jambe. Et c’est là que le cas de conscience arrive : le public répond bien. Dans la fosse qui commence immobile à quelques exceptions près, la vague se répand peu à peu, applaudissant le bassiste qui fait le mariole avec son instrument, tapant dans les mains et sautant en rythme de plus en plus nombreux. Si bien qu’à la fin du set, la majorité du Bataclan chante du “woohwoowooh”. Si l’auditoire y trouve son compte (et pas seulement le gars qui aura tenu l’essentiel du show bras levé avec sa marionnette licorne. POURQUOI, mec ?), c’est qu’il y avait quelque chose à sauver malgré ma consternation toute personnelle, et je m’incline avec grâce devant la réaction collective. Sans rancune les enfants.

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D’autant plus que Rise Against va arriver sur scène, raison ultime de se libérer instantanément de toute mauvaise humeur, et qu’en attendant, on entend le “Sorrow” de Bad Religion. Pardon aux familles et aux oreilles écorchées sur le chemin du bar d’ailleurs.
Bref, au moment où la lumière s’éteint, le Bataclan plein à craquer ne laisse planer aucun mystère. C’est pour eux qu’on est là, c’est pour eux qu’on hurle, et c’est pour eux qu’on offrira cordes vocale et sueur en sacrifice.

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Il faut rendre au public EXTRÊMEMENT réactif ce qui est à César ; la foule (24 ans de moyenne d’âge à vue de nez) fonctionne comme un immense organisme vivant. Elle chante quand il le faut, y compris dans le micro de Tim venu s’appuyer sur les premiers rangs, sautille sans fatigue et garde en son cœur une zone de pogo plutôt sympathique davantage joyeuse que violente.
Ce qui calme les mauvais caractères et l’envie de botter des culs, il faut bien l’admettre.
Mais outre le côté gentil et bienheureux du public, que retiendra-t-on de ce concert ?
Déjà, la setlist aux petits oignons a de quoi ravir. Rise Against a pioché une grosse sélection dans toutes les périodes de son existence. Ils savent ce qu’ils font, et ils lancent le show avec Chamber the Cartridge puis Give it All, bien conscients de l’effet sur l’ambiance…
Non, mais sérieux, regarde moi ça !
Désolée pour la qualité
En tout, trois morceaux du tout récent Wolves. Ca paraît peu, mais les positionnements dans la setlist, et l’intro de la chanson-titre créent une attente. On a beau mal ou peu les connaître, The Violence, House on Fire et Wolves débarquent comme si on les avait attendues toute notre vie.
Le changement de ton du show arrive après une dizaine de titres, à point nommé pour reprendre son souffle. Batteur et bassiste quittent la scène, laissant seuls Tim McIlrath et Zach Blair pour un mini set acoustique. Un parti pris plutôt cohérent pour aborder deux ballades écrites à 10 ans d’intervalle, l’iconique Swing Life Away, et le plus récent People Live Here. Deux titres assez similaires finalement, puisque le premier sonne plus adulte aujourd’hui, et que le second conserve l’essence musicale du groupe, ainsi que ses préoccupations centrales. L’entracte acoustique devient lui aussi une certaine interprétation de l’optimisme dans les ténèbres (et dans un monde de merde), qui se conclut naturellement par Hero of War et le retour de Joe Principe et Brandon Barnes. Côté fosse, on éteint les briquets et autres téléphones, et les cris de groupie se calment un peu. Loin de moi l’idée de leur jeter la pierre hein, c’est un fait, ils sont plus sexy et vieillissent mieux que bien des groupes de punk ces gars-là (genre ils ont encore des cheveux). Bref, on repart dans du punk maison à mesure que la fin du concert approche. Et alors qu’il avait jusqu’ici zappé les grands discours entre deux chansons (il faut dire que les paroles suffisent), Tim annonce Survive. Et rappelle où l’on se trouve en rendant hommage au Bataclan et tout ce que ça implique. Certes, on est à l’avant-veille de “l’anniversaire”, et on se trouve dans le lieu cité, mais c’est vrai qu’on entend de moins en moins ce type de dédicace, même si ça ne signifie pas qu’on y devient insensible pour autant, loin de là.

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Et tu peux être sûr qu’après ça, entendre “We’ve all been sorry, we’ve all been hurt, but how we survive is what makes us who we are”, c’est la garantie de renifler bruyamment entre deux gros riffs. Enfin, je parle pour moi, mais j’ai vu au moins un grand tatoué chasser sa larmichette.
Quelques instants plus tard, Rise Against propulse Wolves, titre éponyme du nouvel album, en abordant l’actualité politique américaine. En quelques mots, Tim explique que ces Loups sont là pour menacer, voire dévorer xénophobes et discours haineux, et créer un cocon de quiétude pour l’audience… En gros, il décrit l’ambiance générale depuis le début du concert ! De quoi assurer une réception parfaite et enchaîner jusqu’au rappel. On termine en apothéose avec Savior, où depuis le premier rang jusqu’aux balcons en passant par le bar, tout le Bataclan s’égosille en hurlant “WHOOA-HOO-WOOHOO” comme si la marche du monde en dépendait.

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Difficile de quitter la salle après un titre et une atmosphère pareils, de plus sous la pluie battante. L’année est 2017, le Bataclan regorge de visages souriants, et le punk nous fait nous sentir vivants.

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