Archgoat, Bölzer, Svartidauði & Eggs of Gomorrh @Petit Bain, 2/10/17

Un soir, alors que nous assistions à un concert rassemblant moult groupes de black islandais, l’un de mes amis nous a fait la réflexion suivante :
“Ce serait quand même un peu coton d’expliquer ça à un(e) néophyte total(e)”.
Ceci n’est PAS l’histoire dudit concert. (On pourra y revenir un autre jour si ça vous branche.) Ceci est l’histoire d’un concert potentiellement accessible à un(e) néophyte total(e)
Hé ouais.

 
La motivation première pour y assister ne tenait même pas à sa tête d’affiche en plus. On avait vu Bölzer un beau jour de Hellfest en 2015, et le souvenir tenait à peu près en ces mots : “Purée, ils sont que deux, mais alors, qu’est-ce qu’ils foutent comme bordel !”, ainsi que “Il nous a fallu environ 10 minutes avant de réaliser que le chanteur était torse nu”.
Soit une excellente première impression. Et l’envie futile et riante de pousser des petits cris de joie en arrivant au Petit Bain pour la soirée.
 
En arrivant un poil à la bourre, d’ailleurs. Ce qui nous prive d’une grande partie du set de Eggs Of Gomorrh, formation suisse avec de curieux relents hardcoreux mais surtout un son et un backdrop totalement black metal dont le logo illisible provoque l’admiration de mon pote Sam. (Retiens son nom, il va revenir dans le récit)
 


Impossible de dire d’entrée si le groupe enchaîne les morceaux ou n’en joue qu’un seul très long, mais aucune pause, aucun répit ne s’insère dans cette fin de set. Une grosse dizaine de minutes et les coups de burin sur la frimousse pleuvent déjà. Prometteur, donc, à revoir en entier. “Un bon chaos organisé”, d’après Sam.
Le premier entracte permet d’observer un peu le public encore assez réduit à cette heure. Âges divers, presque exclusivement masculin, calme et massé auprès du débit de boisson. Classique, donc.
Cette petite foule s’apprête surtout à prendre une énorme claque dans la gueule (moi la première), pour ceux qui découvrent Svartidauði ce soir.
Pourtant, on les a chambrés d’avance.

En les surnommant Slartibartfast (le nom n’est pas important), par exemple, ou sur leur dégaine générale pourtant résolument cohérente avec le style. Car, ouhlala, qu’ils sont tondus ! Qu’ils sont beaux ! Qu’ils sont couverts de trucs et de maquillage ! Y’a même de la lentille de contact blanche et du bandeau noir sur le visage. Résultat, le guitariste de droite ressemble à Sub-Zero. Alors on rigole un peu (il faut ça pour équilibrer).

Jusqu’à ce qu’ils commencent à jouer. Il faut bien rendre à César ce qui est à Attila : ils défouraillent dans la clairière.
Svartidauði 1

Passée l’entrée sur scène sur la musique de 2001 l’Odyssée de l’Espace (plus spécifiquement  celui qui revient à toutes les scènes où apparaît le monolithe, d’après Sam-le-puit-de-science), les Islandais balancent une sauce intense, agressive et mélancolique à la fois. Du genre qui donne envie de se rouler en boule sur un tas de feuilles mortes pour réfléchir à la vacuité de la vie. La lourdeur du son, associée à des guitares moins saturées que ce à quoi on pourrait s’attendre, balaie le public d’une manière quasi palpable. Le blizzard souffle sur le Petit Bain, les hurlements du chanteur et le charisme des musiciens font le reste.

(Avec une mention spéciale au batteur, le seul pas tondu, dont la blondeur candide rayonne dans les spotlights, et les yeux brillent à travers le sang et la suie. Il n’est pas exclu que je le demande en mariage à l’occasion)*
 


Après coup, Sam et moi sommes d’accord : ils ont très bien pensé leur setlist, puisque les morceaux s’enchaînent harmonieusement et montent en puissance et en intensité.. Résultat, le niveau de headbang suit, lentement mais sûrement, jusqu’à ce que d’un coup, UN gars à moitié en transe ne se déchaîne tout seul dans la fosse. Rock’n’roll, mec.
 

Le temps de remplir les verres et d’aller voir si Svartidauði a apporté des CDs dans ses valises, Bölzer a allumé son ampli et installé sa batterie. L’entracte passe vite, et le troisième groupe du soir catapulte son black/death à la face de tous. Derrière moi, Sam s’exclame “WAHOUUU ! A écouter les albums, ben j’avais pas idée qu’ils étaient que deux ! Ceci dit, ils ont l’air d’être plusieurs dans sa tête”.

bolzer 2

Surprise intéressante : c’est rudement moins bourrin et plus mélodique que dans mes souvenirs du Hellfest. Tout est relatif, hein,  ça reste une sacrée défoulade lourde et sale, ponctuée de moments improbables. Torse nu sous veste en cuir, KzH produit d’étranges cris d’animal blessé au fond de la forêt.

L’assistance du Petit Bain dodeline de la tête lentement, silencieusement, tout en restant plutôt immobile. Chacun vit sa propre expérience tout en se laissant porter par le collectif, une véritable atmosphère, déjà entamée par Svartidauði s’installe, qui perdurera jusqu’à la fin de soirée.

 


Notons que Sturla Viðar Jakobsson, le chanteur du groupe islandais apparaît au cours du set de Bölzer. Annoncé comme une surprise, il vient pousser la chansonnette sur Phosphor, ainsi qu’il le fait sur l’album. Il quitte ensuite la scène sous les applaudissements, sans un mot de plus, parce que les fioritures inutiles ne font pas partie de son vocabulaire. Winter Black Metal.
Bref, quand la pause suivante arrive, les cheveux se tiennent à l’horizontale à l’arrière des têtes, et on entend quelques soupirs et exclamation de type “WOUH ! Hé bé ! Ca décrasse !”. Succès certain ces Suisses (à dire très vite).
Maintenant qu’on commence à bien se connaître, je dois te faire une confidence. Je ne connaissais pas du tout Archgoat avant ce soir.
Sam m’avait simplement dit “faut admettre que ça panzerifie pas mal et que ça grunt façon lavabo qui se vide à l’envers en Australie”, ce qui aurait suffi à éveiller ma curiosité. Puis, la veille du concert, je suis tombée sur ce tweet d’un reporter de la BBC :
christ stark
Bonne ambiance, visible aussi dans l’émission finale :

Sachant que je devrais taffer toute la nuit après le concert, j’avais donc prévu des fringues de rechange. Pour mon plus grand plaisir (ou désespoir, c’est selon), je n’ai pas pris de sang sur le coin du museau. En revanche, la troisième claque de la soirée ne s’est pas fait attendre.

Spoiler : Archgoat m’a énormément plu.
archgoat 1

En sus du style musical lui-même, un bon black légèrement groovy mâtiné de saveurs thrashou, le trio finlandais balance un gros niveau technique dans ta face. Les accents thrash assurent un certain côté rétro, et Sam me fait remarquer qu’on croirait “du Bathory en Haute-Def”, pile au moment où je me dis qu’on tient un chaînon manquant entre Bathory et Inquisition.

Les grands esprits se rencontrent aux concerts de black.
 

Alors niveau scénique, pas de doute hein. On vient pour manger du “Satan Satan Darkness APOCALYPSE SATAAAN GRUUUUUHUUUH !”, avec du rimmel qui coule et des bracelets à clous à ne pas trop approcher du frigo. Mais le public ne s’y trompe pas, et le headbang commence immédiatement dans la plus belle moitié de la fosse. Le rouleau compresseur remplit ses promesses, entraîne le Petit Bain dans son atmosphère pesante tout en restant surprenamment accessible. Pour du black, hein, ne nous excitons pas ! Mais ça poutre, ça entraîne, les gens dans la fosse ont l’air ravi, nous aussi, et il faut avouer que la décision de partir avant le dernier morceau pour aller travailler n’est pas la plus aisée à prendre.

Mais tant qu’il n’est pas donné à tout un chacun de vivre de sang frais et de Black metal, il faudra bien continuer à trimer. La meilleure consolation se trouvant dans l’attente du concert suivant !
Merci à Garmonbozia qui a mis les petits plats dans les grands en programmant cette tournée “Continental Crucifixion”
Photos: Aurelia Sendra / La toute petite photographe

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