Lydia Lunch est une icône. Elle est bouillonnante de rage, de chaleur, de vie sans concession, elle tranche, elle n’a aucune pitié et n’a peur de rien. C’est sa force. Elle te regarde dans les yeux en te pissant sur les chaussures d’un air effronté. Lydia Lunch est une icône et elle se raconte dans “Déséquilibres synthétiques”.
Elle avait publié “Paradoxia : journal d’une prédatrice” en 1998, autobiographie géniale d’une personne vivant dans les excès, toujours à la limite de la perte totale. Elle affronte et elle fout des taloches. Dans “Déséquilibres synthétiques”, Lydia Lunch approfondit certains aspects de sa vie, comme sa relation avec son père (“Mon père, cette fosse septique de trahison, ce filtre de perversité lubrique, ce bouffon psychotique”) ou sa rencontre avec Bradley Field, un gars complètement paumé qu’elle suit par attraction, par curiosité, avec (in)conscience. Elle nous parle aussi de ses insomnies. Toujours avec une lucidité révoltée et une chaleur torride qui nous plongent à l’intérieur d’elle très profondément, nous mettant souvent mal à l’aise. Il y a évidemment un côté voyeur coupable et complice. Elle le sait et elle en joue avec nous.
“PERSONNE NE VOUS A OBLIGE A ACHETER CE LIVRE – VOUS L’AVEZ FAIT PARCE QUE VOUS AVIEZ BESOIN DE DECHARGER UN PEU DE POISON, VOUS AUSSI.”
Dans cet ouvrage, Lydia Lunch aborde également des thèmes plus “légers” comme la maternité ou sa relation avec les policiers. J’ai trouvé son regard sur la guerre très important et concerné malgré tout. Son authenticité et sa rage de vivre parmi les morts nous incitent à l’écouter comme si elle prêchait, qu’importe le thème.
Elle est musicienne (par exemple, avec Teenage Jesus and the Jerks, son premier groupe en 1976, punk rock no wave), comédienne (elle a tourné dans certains des films de Richard Kern, en compagnie de son petit ami de l’époque Henry Rollins), elle prit part au mouvement “Spoken Word”, poésie orale, sorte de slam puissant qui exorcise ses tensions intérieures en crachant les mots savamment devant un public. Elle a aussi interviewé de nombreuses personnalités. Dans “Déséquilibres synthétiques”, on retrouve d’ailleurs les interviews d’auteurs comme Hubert Selby Jr ou Nick Tosches, ou encore l’interview du performer mystique Ron Athey. Lydia Lunch est partout, sur tous les fronts de la scène underground. Un documentaire retraçant sa vie doit voir le jour prochainement, “Lydia Lunch, The War is Never Over” par Beth B.
Si vous ne connaissez pas ce personnage haut en couleurs, je vous invite à la découvrir. J’ai rencontré Lydia Lunch via “King Kong Théorie” de Virginie Despentes. Nous sommes en présence imbriquée de deux femmes féministes convaincues et activistes. Virginie Despentes a écrit la préface de “Paradoxia” pour sa réédition en 2011. Elle a co-traduit la version française de “Déséquilibres synthétiques” et elle a fait apparaître Lydia Lunch dans son documentaire “Mutantes, féminisme porno punk”. Elles prônent toutes les deux la vie en cassant les codes moraux afin de jouir plus intensément. Elles définissent le rock’n’roll.
Lydia Lunch, Déséquilibres Synthétiques, 2009, Au Diable Vauvert
Texte: Anna Void
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