ENTRETIEN AVEC DELIVERANCE

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C’est au sein du tout récent studio d’enregistrement d’ Etienne Sarthou guitariste? compositeur de Deliverance et accessoirement batteur, compositeur, producteur d’Aqme que nous avons rencontré ce dernier accompagné de Pierre , les deux fondateurs du groupe Deliverance. CHRST premier album du groupe sorti en mai dernier est au centre mais il sera aussi question d’ouverture musicale, de la nature humaine  et de création. On en n’attendait pas moins….


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Petite présentation des origines de Deliverance?

Pierre Duneau: Et bien tout simplement le projet est né de petites compositions d’ Etienne sur des guitares qu’il avait vite faites, il m’a envoyé des riffs ou des chansons complètes en me demandant si ça me disait de poser une voix dessus et on est partis comme ça.

Etienne Sarthou: Nous, on s’était rencontrés avant, lors de l’enregistrement de l’album de Memories Of Dead Man dont je me suis occupé. Et du coup j’avais ces morceaux qui étaient lourds ambiants, je voulais mélanger du Black Metal avec du post rock à la Cult of Luna et en même temps un côté death lent à la Morbid Angel quand ils ne vont pas à 2000 à l’heure. Je voulais faire un mélange de tout ça car j’ai l’impression qu’aujourd’hui on n’a pas ce genre de mélange proposé par d’autres groupes.

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Le groupe a connu un petit changement de line up, qui sont les derniers arrivés ?

E: Et bien c’est Fred à la batterie car notre précédent batteur qui a fait l’EP et qui a aussi enregistré l’album, Jeff, a quitté Paris et s’est installé en province et lui même nous a dit qu’il ne pouvait pas continuer pour des raisons personnelles et familiales. On a rencontré Fred qu’on connaissait déjà un peu et du coup on n’a pas cherché plus loin car ça se passait déjà bien avec lui. Et il y a aussi Sacha qui est arrivé à la basse entre l’EP et l’album. Sacha, tatoueur chez Mystery Tattoo Club ( son shop), on ne le connaissait pas très bien en tant que bassiste mais Julien le guitariste d’Aqme avait fait un petit projet avec lui. Il nous en a dit le plus grand bien et du coup on l’a rencontré et ça s’est super bien passé. Et puis notre intervenant qui était avec nous pour faire la deuxième guitare sur scène et qui est donc devenu un membre à part entière, c’est Julien Hekking. Et il ne reste plus que Pierre au chant et moi-même aux guitares.
Et là on est donc 5 pour de vrai.

Je ne vous demande pas l’origine du nom car je pense qu’on vous l’a déjà demandé et c’est assez facile…. 

E: (rires) Tu sais qu’il y a des gens qui ne connaissent pas le film ? On a eu un « c’est en référence à l’album d’Opeth votre nom ? » (rires) Après c’est vrai qu’on n’est pas tous censés avoir une grosse culture cinématographique, mais quand même… Après pour certains ça s’arrêtent à 1995, avant c’est trop vieux (rires).

Du coup pour être dans le vif du sujet et comprendre de quoi on parle j’aime bien demander au groupe de qualifier le caractère de la musique en 2 mots.

E: En 2 mot putain c’est dur.. Et bien je te dirais froid et lourd car c’est un peu ça l’idée.
P. Oui froid c’est ça.
E: Après tout en étant assez défini dans le style on offre quand même une palette d’ambiances assez différentes et je pense qu’il y a plus que deux mots qui nous caractérisent.

On vous catalogue rapidement de Black metal alors que je trouve aussi que votre musique est assez riche, en plus des groupes précités auparavant quelles sont vraiment les influences les plus importantes au sein de votre musique ?

E:Et bien comme je te disais Cult Of Luna et Morbid Angel version lent mais en ce qui concerne le Black, pour moi c’est d’abord une ambiance, des accords ouverts, un truc froid, un peu flippant. Et surtout la tonalité de la voix.

P. On a une voix assez typée black et c’est surtout ça qui permet ce rapide étiquetage, c’est pour cela qu’on nous ramène à ce côté black, en plus des harmonies que peut apporter la guitare.

E. Mais l’objectif n’était pas d’être un groupe de Black Metal, c’était de proposer une autre manière de faire, de le mélanger à d’autres choses mais le fond de notre musique c’est autant du black que du post-rock, que du sludge doom.

P. Et même une touche heavy.

E. Exactement. Il y a un peu tout ça en même temps et on ne va pas faire semblant d’être plus l’un ou l’autre, on est tout ça en même temps. De toute manière la musique pour moi est intéressante aujourd’hui quand tu mélanges un peu les choses; si tu fais que du Black qu’est ce que t’apportes au shmilblick ? Rien ! Car ça fait 35 ans que le genre existe et du coup pourquoi refaire du Bathory étant donné que tu as une pléthore de groupes qui le font déjà (et souvent assez mal).

Et du coup qu’est ce qui vous attire dans tous ces genres ?

E. On a une certaine forme de liberté, ces styles là sont souvent à carcans car il ne faut pas y sortir, faut être comme ça, selon des points bien établis. Alors que nous dans notre musique c’est tout le contraire, on a une personnalité qui est claire et on a une liberté qui est énorme. On fait vraiment ce qu’on veut, et on voulait faire quelque chose d’assez sombre mais tout en ne s’y noyant pas car il n’y a pas que du sombre. Il y a des moments plus lumineux mais on explore un côté assez dark qui nous réunit.

Et au niveau de la composition, tu as une sensation de plus grande liberté par rapport à Aqme ?

E : Non pas spécialement, je  m’épanouis vraiment dans tout ce que je fais. Aujourd’hui j’ai aucune frustration car quels que soient les groupes dans lesquels j’évolue aujourd’hui, je m’éclate vraiment. Je n’ai pas de temps à perdre avec des trucs qui m’emmerdent J’ai plein de choses que j’aime. Deliverance c’est vraiment un groupe hyper important pour moi, d’un point de vue personnel et collectif je pense qu’on s’épanouit vraiment même si c’est clairement moi qui écris les morceaux c’est clairement Pierre qui écrit les lignes de chant et les textes mais on s’entend tous très bien et artistiquement on développe un truc qui est en train de murir tranquillement et qui en même temps s’inscrit dans un style tout en se démarquant. C’est exactement ce que j’ai toujours voulu faire dans la musique

P. Vis a vis de la musique il a de la chance de pouvoir mettre toutes ces émotions là. De pouvoir faire comme il dit de la pop, du death, du Aqme, du black. Moi je suis plutôt mono-tache, je suis parti dans les textes sur Deliverance et je serais incapable d’écrire pour un autre groupe. Je ne sais pas comment il fait pour être justement ouvert. Tiens un jour j’ai le sourire je vais faire de la pop, le lendemain je suis vénère je vais écrire pour Deliverance (rires). Moi aussi j’écris beaucoup mais je reste figé dans un univers, je le fais évoluer mais je ne pourrais pas avoir plein de groupes.

CHRST traite-t- il de l’homme avant le symbole religieux ?

P. Oui, on parle de la religion du christianisme mais c’est surtout au personnage du Christ, sans le I. Comme on l’a dit pas mal dans d’autres interviews c’est un christ un peu désincarné, c’est une peu ce qui reste, les vestiges qu’on peut avoir aujourd’hui de ce christ là. Qu’on voit aussi dans beaucoup de littératures et qui se trament un peu. Je viens de finir il y a quelque jours Les Misérables et pour moi Jean Valjean est un peu ce personnage christique. Ce genre de personnes, des héros de la vie de tous les jours, qui sont bons par nature et qu’on va foutre en l’air. Car c’est un peu la nature humaine vouloir détruire ce qui est bon. C’est un peu ça ce CHRST. Mis à part la religion, tout ce qui est bon, on va le pourrir. Ce CHRST est un peu un symbole, ce symbole de bonté qu’on retrouve partout et qu’on souhaite avant tout détruire. On est fait pour ça car maintenant on va même donner des leçons à la nature. La nature n’a pas besoin de nous pour se sauver, elle perdure, nous peut-être pas.

E. Bref, on n’est pas satanistes quoi (rires).

P. Oui, tout ça nous passe au dessus. Je parle surtout de volonté comme forme de Dieu. La nature pour moi est au centre. La Nature et la nature de l’homme. Je ne vois pas de Dieu ou de Satan, je fais avec ce qu’il y a, c’est à dire l’Homme. Celui qui a lui même détruit ce christ venu le sauver. Je trouve l’Homme néfaste, il ne me plait pas même si j’en fais partie. Du coup détruire son prochain et sa terre, et bien allons-y. C’est l’idée générale.

Au niveau de la voix comment ça s’est passé ? Des inspirations ?

P. Et bien non, pas vraiment. L’enregistrement s’est fait tout simplement. Etienne a vu un potentiel que je n’avais pas nécessairement vu, ce n’est pas une voix que je travaillais, c’est un chant qui est sorti comme ça dans un enregistrement, il m’a dit bouge pas, on reste dessus on continue comme ça. Du coup je ne bougeais vraiment plus (rires). Du coup on a enregistré d’un coup car je ne sais pas comment j’ai fait. Mais je l’ai travaillé après pour retrouver. Mais après oui il y a des chanteurs qui sont experts en la matière dans le black, ce sont des gens qui travaillent énormément leurs voix pour faire des trucs assez recherchés. Il y a Atilla Csihar, niveau voix il est très bon et peut faire énormément de choses. Tout comme le chanteur de Shining, il est ce qu’il est mais niveau voix il peut être très bon chanteur. Ils font passer énormément d’émotions tout en gardant des codes. Ils ont une voix qui doit rester black mais juste dans un petit nuancier ils arrivent à faire passer un max d’émotions et je trouve ça assez riche.
Je pose une voix black et après l’émotion va l’entrainer selon les passages, selon ce que j’ai envie d’exprimer, selon le texte surtout. J’ai vraiment bien le texte en tête, je sais de quoi je parle et je lache le truc. Je pars d’un placement et si je dévie peu importe, le but c’est vraiment d’ être dedans et laisser parler les émotions.

E. La voix est plus variée qu’elle en à l’air en plus. Je pense que pour quelqu’un qui en a pas l’habitude ça sonnera comme du hurlement primaire du début à la fin, mais en fait il suffit simplement de modifier un tout petit peu une note par-ci par la et ça donne une variation au morceau ce qui rend le truc moins monochorde. Le but est à la fois d’enivrer les gens avec quelque chose qui est un petit peu monotone, lancinant, et en même temps rajouter un petit grain de subtilité qui fait que normalement tu te fais pas trop chier (rires).

P. Ce qui peut être assez difficile à la fois

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Doomsday, please, EP (2013)

La Nature est source de création. Du coup si je me souviens bien, le premier visuel choisi était plus dans un univers naturel ? Pourquoi ce changement du coup ?

E. Oui exactement. Sur le premier EP, on voulait un visuel clairement identifié, presque caricatural. C’est une photo prise par un pote photographe qui habite dans l’Est de la France, qui s’appelle Mathieu Piranda et qui fait des superbes photos de nature. j’ai adoré ses photos et je me suis dit que c’était ces photos qu’on allait utiliser pour les visuels de Deliverance et il y avait cette photo de foret hyper dark du coup je me suis dit qu’on allait faire le truc vraiment typique dans le style, clairement identifié. Et ensuite quand on a commencé à bosser sur la pochette de l’album effectivement il y avait cette photo de foret qui nous plaisait, on trouvait que c’était bien, c’est ma femme graphiste qui a fait les deux pochettes, elle nous a fait des propositions et celle là on l’aimait bien. Et après coup quand on a avancé sur l’artwork du reste de l’album, l’intérieur et tout et bien on avait l’impression de refaire le même chose que sur l’EP et du coup ça ne collait pas. Elle est donc partie sur autre chose et c’est là qu’elle nous a proposé une autre photo de Mathieu d’un endroit abandonné, une vieille maison avec un lit et un crucifix en rappel et elle a très bien trafiquoté à sa manière. Tout ça correspondait mieux à l’album qui est plus ouvert, plus froid, plus complexe et ambigu surtout. Il y a un crucifix, est-ce qu’il est à l’envers ou pas, la photo est retournée, on ne sait pas trop. On a une pochette plus lumineuse après celle de l’EP très sombre mais au final elle n’est pas plus joyeuse. Mais elle est aussi plus personnelle et elle tranche un petit peu avec les codes du style tout en ayant quelques clichés qui sont là. Dès qu’on l’a vue on a tilté direct.

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Et au final, si on devait résumer l’album en quelques mots ?

E. C’est un super disque (rires). Plus sérieusement, je l’aime toujours autant après l’avoir terminé car je trouve qu’artistiquement il est vraiment réussi, on y a mis une grosse partie de nous-même et il se dégage un truc hyper fort de cet album. Il définit vraiment ce que Deliverance est, et ce qu’il continuera d’être. C’est un disque dont je ne changerais pas une note, à chaque écoute et encore aujourd’hui j’hallucine d’avoir sorti un disque pareil.

P. On a vraiment planté les bases de Deliverance avec ce disque. C’est ça qui est bien car même pour continuer à composer on voit que cet album a mis les bases et on continue à graviter autour.

E. On est quand même des musiciens expérimentés, nous ne sommes plus des gamins et c’est vrai que quand on se lance dans un projet musical comme ça faut que ça ait de la gueule sinon ça sert à rien. Je me souviens de Sacha quand il est rentré dans le groupe, lui n’est pas du tout Black metal car il est hyper post rock stoner sludge etc. C’est sa scène. Il nous disait qu’il ne comprenait pas le côté Black et aujourd’hui il adore même les morceaux typés à fond Black Metal, il prend un plaisir dingue à jouer ces morceaux et du coup c’est aussi pour moi un signe de réussite artistique car il faut d’abord que ça nous plaise à nous tous.

La musique se nourrit de mélanges et plein d’autres choses et heureusement que dans les musiques extremes il y a plein de choses qui se créent et qui poussent les limites encore plus loin. Je pense à Cult Of Luna qui surprend tout le monde en invitant Julie Christmas, une chanteuse indie rock, sur un album et repousse les frontières des genres. Je dis bravo à ce genre de démarche artistique car c’est typiquement le truc qui fait avancer la chose. Il faut bousculer les idées reçues et nous à notre niveau c’est ce qu’on souhaite faire.

 Le traditionnel dernier mot pour conclure. 
Et bien merci de nous avoir interrogés. C’est grâce aussi aux médias comme vous que les groupes comme Deliverance peuvent se développer. On a besoin de vous et vice et versa comme diraient de grands penseurs (rires).
Merci à Etienne et Pierre.
 
Deliverance, CHRST, Deadlight Entertainment , disponible.
 
Propos recueillis par Anthony

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