Neck Deep – The Peace and the Panic

Deux ans après leur désormais culte Life’s Not Out To Get You, qui les a projetés sur les devants de la scène pop punk, les garçons reviennent avec un nouvel opus intitulé The Peace and The Panic. Doit-on être en paix ou paniquer à cette nouvelle ? Nous allons voir.

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Le vécu de deux années dans une vie est souvent propice à prendre en maturité, et c’est le cas de nos chers compères de Neck Deep, qui semblent d’être métamorphosés au cours de ce laps de temps. Non seulement en raison d’un changement de line up (leur guitariste Lloyd Roberts ayant dû quitter le groupe neufs jours avant la sortie de l’album en raison de plaintes de nature sexuelles portées à son encontre), faisant place à Sem Bowden, mais sans doute aussi la perte paternelle vécue par Ben Barlow (chant) entre les deux disques, qui a affecté son écriture. De façon plus générale, la formation semble avoir opéré un véritable changement de fond. Les gallois semblent avoir pris conscience du monde, de son état, de ce que la vie réserve, et nous en font part dans cet effort. Le groupe à minettes compte quitter cette image et prend un ton plus sûr, et apparaît comme étant bien plus grandi sur cette sortie. Désormais, la présence de l’émotionnel dans leurs morceaux est bien plus forte, les thèmes de la perte, de la peur, de l’envie de passer à autre chose traversent tout l’effort, et justifient un nombre assez important de ballades, mais avant tout le titre, parlant de lui même sur son contenu.

De fait, “Motion Sickness” ouvre le bal de façon assez réconfortante, à savoir du Neck Deep comme on les connait bien : riff détonnant, vocal puissant, anthem pop punk… Rien d’inhabituel jusque là. Au contraire, les refrains sont prenants, les guitares prenantes, et l’on pourrait presque dire qu’on ne les a jamais vus aussi en forme, mis à part un léger sentiment de surproduction des pistes. Mais si les deux premiers titres annoncent un album explosif, la suite est finalement assez différente, et l’on semble comprendre que le groupe souhaite nous partager ce qu’ils ont vécu ces dernières années : une joie parfois coupée sous le pied, le mélange des sentiments et des émotions, mais aussi des surprises, parfois bonnes, parfois mauvaises, mais appartenant à un même tout. Au final, nous ne savons jamais vraiment à quoi nous attendre sur la piste suivante, et ce n’est pas sans nous rappeler notre vécu journalier. Cette troisième piste est bien plus mélodique que ses aînées, bien plus pop surtout, et semble exister comme étant un point de rupture entre le passé du groupe, et son actualité bien plus pop-rock, voire emo. Elle est à l’image de cet album, pris entre les fils d’un groupe qui ne veut pas quitter son identité, et qui à la fois voit la nécessité de changer.

Et c’est là toute l’ironie et le paradoxe de The Peace and the Fear : il est à la fois l’un de ces albums qui ne s’apprécient que mieux lorsque l’on connait les travaux précédents de l’artiste, et que l’on voit à quel point il est construit à partir de ceux-ci et constitue une évolution flagrante ; et à la fois, il s’apprécie d’autant mieux lorsque l’on ne peut pas comparer à quel point ils ont dévié de ce qu’ils ont pu faire auparavant. Il est certain que leur vécu les a influencés dans ce travail qui semble apparaître comme une sorte de profession de foi, d’apprentissage de la vie, comme un journal intime, compilant leurs ressentis, leurs émotions, et pouvant permettre à leurs auditeurs de s’y retrouver et traverser ces épreuves. Mais il y a tout de même derrière une volonté de faire autre chose, ici plus mature, mais qui, justement, perd peut-être un peu de cette saveur que certains recherchent dans le genre pop punk dont ils s’étaient fait les leaders auprès de la jeunesse. De fait, si techniquement le groupe a évolué et pris en expérience, le contenu des morceaux ne semble plus appartenir tellement à ce genre, et cela tient du choix du groupe, mais il est vrai que cela peut être considéré comme assez dommage pour leur public qui attendait davantage un  Life’s Not Out To Get You bis. Pour autant, nous ne nous sentons pas écouter autre chose que du Neck Deep durant ces quelques minutes. Leur patte est là, et bien audible, mais nous ressentons pleinement leur désir de faire quelque chose d’autre, d’étendre leurs horizons musicaux, et surtout de sortir du cadre dans lequel ils s’étaient eux-même coincés. D’ailleurs, le plus gros revirement, mais aussi la plus grosse surprise restera tout le même ce fabuleux featuring de Sam Carter du groupe Architects sur la piste “Don’t Wait”, morceaux délivrant un message fort, qui ne manquera pas de ravir les oreilles des fans, et sûrement en convaincre quelques uns que ce changement n’est pas si mal. Ils nous avaient prévenus d’ailleurs : “pour audience mature uniquement”.

Cette maturité requise pour l’écoute tient d’ailleurs du côté intime et personnel de l’album, qui est une sorte de sanctuaire. Cela le différencie beaucoup de leurs précédents travaux quant à la teneur des messages, et la part d’intimité qui y réside, et ne doit pas être piétinée par des esprits qui prendraient cela à la légère. Parmi ceux-ci figure la chanson “19 Seventy Sumthin” dans laquelle le chanteur et parolier confie et immortalise l’histoire d’amour de ses parents. La question des déceptions amoureuse sera d’ailleurs une ligne de conduite de disque, et le rendra bien plus lourd. Quelques sursauts, à l’instar de “Critical Mistake” ou “Heavy Lies” se font malgré tout, un poil plus énervés, plus excités sur un mix plus catchy, mais l’ensemble reste en somme assez calme.

Il semble important de dire que si que tout le monde spécule sur les changements musicaux des groupes, et se font un malin plaisir à critiquer toute réorientation, il convient de féliciter le risque que cela présente pour une formation en pleine ascension et devenue représentative d’un mouvement, tel que l’est Neck Deep. D’autant plus que les garçons le font sans pour autant abandonner ce qui a fait leur succès à l’origine, le punch (et punk par moments) en moins peut-être. D’un autre côté, s’ils avaient fait un album identique au précédent, le monde leur aurait reproché de faire tout le temps la même chose et de ne rien proposer de nouveau. Au contraire, l’album lui-même voit une évolution dans son contenu, avec plusieurs facettes des garçons, de leur potentiel, de leurs envies, mais aussi une évolution dans leurs messages, dans les thèmes, tout en étant à la fois un rappel de ce qu’ils étaient au début, lorsqu’ils étaient pleins de possibilités, et montrent ici qu’ils le sont encore. Neck Deep n’est pas une étiquette, c’est un possible, et nous nous attendons à beaucoup d’autres évolutions ou orientations à l’avenir car, que l’on aime ou non cet opus, il reste techniquement très bon, musicalement intéressant, et surtout, il a une qualité expérimentale. Nul doute d’ailleurs que si le même travail avait été fait par un a autre groupe, sans les a priori (positifs) et toute l’attente qui existaient autour d’eux, il n’aurait pas été reçu de la même manière par les plus récalcitrants. En attendant, celui-ci tape le haut des charts, donc nous ne pouvons que leur souhaiter que cela continue.

L’épreuve majeure pour TPatP restera tout de même le passage au live. A savoir si le groupe habitué des festivals et notamment du Slam Dunk jouera la carte du risque jusqu’au bout en proposant ces morceaux sur scène ? Quelque part, si l’on compte sur leur honnêteté quant à la signification de cet album, on l’espère !

Neck Deep, The Peace and the Panic, sortie le 18 août 2017 chez Hopeless Records

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