
C’était en l’an de grâce 2000, dans une galaxie très lointaine. Cypress Hill venait de sortir le double album Skull ‘N Bones. Sur le deuxième disque, vous pouviez trouver six pistes où les Cypress Hill rappaient sur de lourds riffs metal, en collaboration avec Dino Cazares et Christian Olde Wolbers de Fear Factory et Brad Wilk de Rage Against the Machine pour ne citer qu’eux. Le résultat était impressionnant, et alors que d’autres groupes comme Body Count, Downset ou RATM faisaient déjà à peu près la même chose, personne ne combinait un rap aussi pur sur ce genre de riffs de cette façon. Plus tard cette année, B-Real de Cypress Hil, Christian Olde Wolbers, Stephen Carpenter de Deftones et Ray Herrera de Fear Factory poussaient plus loin le concept avec leur superband Kush. Malheureusement, à cause de différents avec leur label, ils n’ont sorti aucun disque. A partir de là, le genre tendait à disparaître : les RATM arrêtaient de sortir des albums, ceux de BodyCount étaient peu écoutés (jusqu’à récemment) et s’orientaient plus vers du hardcore que vers du rap-metal, et les efforts de Linkin Park à la fin des années 1990 se transformaient progressivement en beats à la Justin Bieber agrémentés de quelques riffs. C’était en l’an de grâce 2000, dans une galaxie très lointaine.
Plus proche de nous, les Prophets Of Rage, composés pour moitié de membres de RATM mais aussi de B-Real de Cypress Hill et Chucky D de Public Enemy, se sont lancés comme défi de remettre au goût du jour le rap-metal au service de combats socio-politiques. Le premier EP est un peu passé inaperçu, mais leurs performances live et les rumeurs quant au contenu de leur album qui sortira le 15 septembre 2017 maintiennent le public en haleine.
Qu’est-ce que tout cela a à voir avec Powerflo ? La réponse est : tout. Powerflo est une nouvelle tentative de relancer le genre rap-metal. Powerflo est un autre all-star band au casting alléchant : Sen Dog, l’autre moitié de Cypress Hill, au micro ; Rogelio « Roy » Lozano de Downset et Billy Graziadei de Biohazard aux guitares ; l’ex-Fear Factory Christian Olde Wolbers à la basse ; Fernando Schaeffer de Worst à la batterie. Le pédigré est là, le souvenir d’anciennes collaborations est là, le feu est là, et tout cela se combine dans leur premier album éponyme.
La première chose qui nous saute aux oreilles est le groove des riffs. Les guitares de Lozano et Graziadei s’accordent sublimement, et la basse de Olde Wolbers magnifie la combinaison. Sen Dog, le plus énervé, le plus agressif MC de Cypress Hill est un parfait carburant pour le groupe. Dès le premier titre « My M.O. » (pour Modus Operandi, mode opératoire), l’alliance de tout ce beau monde semble évidente. Mots et riffs vous mitraillent dans un même élan tout en laissant place à des envolées lyriques saisissantes sur les refrains. La piste suivante, « Resistance », débute calmement avant le débarquement d’une basse musclée et que Sen Dog fasse du Sen Dog. Pour peu que vous écoutiez le disque à un volume conséquent, ce titre vous martèle le cerveau violemment pour vous convaincre de joindre le mouvement. Le contraste avec le prochain morceau, « Where I stay » est assez conséquent ; le rythme est plus lent, les chœurs du refrain se marient à des riffs thrash, le tout saupoudré de samples électroniques façon neo-metal. « Crushing That » sonne très Biohazard avec sa construction beaucoup plus punk, ses sing-alongs, et ses couplets sautillants.
Ce premier tiers des pistes est aux couleurs du reste du disque : divers, empli d’influences issues des différents univers des membres du groupe. C’est ce qu’on aime dans les supergroupes, c’est ce qu’on aime dans le crossover, et les Powerflo réussissent à conjuguer tous leurs univers sans fausse note. A l’instar notamment de « Victime Of Circumstance », le méga gros tube hyper efficace du disque. On y entend la basse bien lourde et punchy d’Olde Wolbers, la batterie aussi pointilleuse qu’entraînante de Schaeffer, les guitares sont incisives, et les mots de Sen Dog sont aussi violents que parfaitement cadencés. Ce dernier s’est d’ailleurs confié à nos confrères de Blabbermouth quant à son inspiration pour les paroles : « J’ai écrit les paroles après avoir regardé quelques épisodes de mon émission de télévision favorite, The First 48, qui parle des gens qui se font happer par la vie de la rue et qui se font attraper par les Feds ou les forces de police locales. Cette émission montre à quel point certains gosses des villes américaines sont complètement déboussolés… et la perte de vies innocentes à cause de meurtriers sans pitié qui ont décidé de tirer à vue. Le résultat de leurs crimes n’affecte pas juste les familles de victimes, mais des communautés entières. » On y sent autant d’influences hip-hop qu’hardcore, avec un gros fond industriel et des ponts heavy/power/epic. Toujours dans l’efficacité, je vous mets au défi de ne pas sautiller partout au son du refrain de « Made It This Way » : un morceau taillé pour le live qui saura mettre le feu au pit. Et quitte à parler d’efficacité, je ne peux oublier de mentionner l’excellente production de ce disque, réalisée conjointement par Josh Lynch et Billy Graziadei. Le mix a quant à lui été confié à Jay Baumgardner (GODSMACK, PAPA ROACH, HELMET) et le mastering à Maor Applebaum (FAITH NO MORE, HALFORD, ADRENALINE MOB). Chaque note de chaque instrument s’entend sans jamais empiéter sur les autres, les réglages sont aux petits oignons, et le rendu est suffisamment homogène pour que rien ne dénote.
Le disque est donc uniquement passé entre les mains de vétérans du genre, de la composition au mastering. Vous êtes trentenaire (ou plus) ? Vous êtes nostalgique des années 1990 ? Vous attendez avec impatience le premier album de Prophets Of Rage ? Cet album est la bande-son parfaite de votre été.
Powerflo, Powerflo, sortie le 23 juin chez Caroline Records
Texte : Charlotte Sert
Laisser un commentaire