
La mémoire est une chose étrange. Certes, on se souvient souvent d’éléments forts. On sait ce qu’on faisait quand deux tours se sont effondrées par delà l’océan, et parfois des souvenirs plus récents manquent de précision. Par exemple, je suis incapable de me remémorer exactement de la raison qui m’a amenée un beau jour à l’Espace Curial voir Ultra Vomit pour la première fois. Aucune idée de l’identité de l’ami(e) qui m’en avait parlé, ni même si je les ai seulement découverts par le bouche à oreille. La seule certitude étant que j’étais ravie de les voir en concert, et qu’à ce jour, je n’avais jamais autant rigolé devant un groupe.
Alors chroniquer leur nouvelle production “Panzer Surprise” a beau transpirer la cohérence, surtout dans la foulée de leur passage à l’Alhambra, ça demande tout de même un petit travail chronologique, histoire de tout remettre dans l’ordre. Voyons plutôt.
[Disclaimer : tout est vrai]
30 septembre 2006 – Espace Curial, donc. Nous sommes plusieurs à attendre en fredonnant I Like To Vomit Vomit quand les musiciens arrivent sur scène, en tenue complète du FC Nantes. Fetus jongle au ralenti avec un ballon et une bonne dose d’effets spéciaux foireux. S’en suivent une foultitude de titres qui font chanter l’assistance autant qu’elle se bidonne. Me voilà amoureuse.
Mars 2008 – Sortie de “Objectif Thunes”. Le clip des Canards tourne en boucle, en particulier lors des épidémies de grippe aviaire lors des années qui suivent.
Courant mars 2017 – Soudain, tout s’accélère. Le retour d’Ultra Vomit se précise, et d’ailleurs, ils balancent la pochette d’un nouvel album et de quelques dates de concert semées telles les promesses de jours meilleurs. Ladite pochette sort tout droit d’un générique Looney Tunes, ce qui suffit à te coller la musique des Animaniacs ou de Bugs Bunny dans la tête pour 3 semaines.
28 avril – Sortie de Panzer Surprise. Par un furieux hasard, je suis à Nantes avec la famille à ce moment. Mon neveu (15 ans) m’explique qu’il va les voir bientôt, d’ailleurs il sort de Gojira et ça lui a bien plu.
Mon neveu possède un goût certain pour la musique de qualité.
29 avril : Manifestement, les gars de Gojira sont tellement contents de la pastiche Calojira qu’ils la partagent. Accessoirement, ils précisent que c’est une reprise du morceau “Vacuity”. C’est fou ce qu’on peut apprendre sur Facebook.
Vendredi 5 mai. Concert à l’Alhambra, avec le succès qu’on connaît, et la furieuse envie d’écouter le nouvel album en boucle, d’autant que le reste du public avait déjà l’air de le connaître par cœur.
Même soir, 2h du mat– reçu texto d’un pote traîné au concert par mes soins qui ne s’est visiblement pas remis du fou rire déclenché par le “FACE TO THE OCEANS” beuglé en intro de Calojira. Passant la nuit au boulot dans la sueur du concert (provenances multiples), je me contente de vocaliser sur “Jééééésuuuuuuuuus, JEEEEEESUUUUUUS”. Les collègues apprécient.
Entretemps, j’apprends que Panzer Surprise a été publié intégralement sur YouTube par le groupe. Je possède soudain une arme d’emmerdement massif utilisable partout, tout le temps.
Samedi 6 mai, apéro chez un pote. Après 3h de négociations, j’obtiens l’autorisation de faire écouter Kammthaar. Un étrange phénomène se produit : les fans de Rammstein présents adorent. Ils trouvent la parodie magnifiquement exécutée. “On croirait vraiment que c’est la voix du *vrai* chanteur, c’est magique !“
Pas aussi magique que la découverte d’un sens de l’humour et du second degré chez les fans de Rammstein. On touche au sublime.
Lundi 8 mai : une copine de l’apéro m’envoie des messages qui confirment qu’elle écoute Kammthaar en boucle depuis 3 jours. Je suis fierté.
Mardi 9 mai : Malgré une tentative d’explication (un peu décousue), mes collègues ne comprennent pas pourquoi je fredonne le jingle de la SNCF en grognant à intervalles réguliers une histoire de train fantôme.
Samedi 13 mai. Grande finale de l’Eurovision. Au vu des candidats, nous nous faisons la réflexion qu’en fait, ce serait pas si mal d’envoyer Ultra Vomit jouer les 4 parties de “La Bouillie”, histoire de coller un peu à tous les styles. D’autant qu’ils seraient certainement ravis de jouer avec des paillettes, des machines à vent et des effets pyrotechniques, et puis ça soulagerait tout un tas de gens, même avec La Ch’nille.
Dimanche 14 mai, 15h : Les Inrocks publient un papier avec interview d’Ultra Vomit. Manifestement, ça leur plaît. Me voilà partagée entre la joie de voir des artistes que j’apprécie reconnus par une critique plus “mainstream” et la terreur d’imaginer une arrivée massive de maxi hipsters lecteurs des Inrocks au prochain concert. Ceci dit, il serait amusant d’observer leur réaction, un peu comme tous ces gens abonnés “pour le principe” à Charlie Hebdo en janvier 2015 et dont j’ai passé des heures à imaginer la réaction au moment d’en découvrir le contenu.
Sachant qu’il ne peut jamais y avoir trop d’Ultra Vomit dans le monde, je partage quand même.
14 mai toujours, 20h30. Message de remerciement d’un monsieur de Twitter qui m’explique avoir rigolé à gorge déployée pendant une heure dans les embouteillages et sur un parking. Re-fierté.
Mercredi 17 mai. Je débarque à Rome pour le taff dans un hôtel super luxe (mais malheureusement pas SuperSexe). Un pote de lycée me rappelle que le luxe n’est qu’une illusion puisque nous vivons tous dans le ventre d’un Chien Géant.
D’ailleurs, la chanson est référencée comme un hommage à Tagada Jones. N’ayant jamais trop écouté les Rennais, j’y entends plutôt le pont de l’Homme Pressé de Noir Désir. Tenaillée par le doute, je gave ma collègue pour avoir son avis. Elle me répond qu’elle en sait rien, qu’elle ignore de quoi je parle, qu’elle s’en fout et qu’elle aimerait bien dormir.
Conclusion : Ultra Vomit reste un groupe à public confidentiel, et il faudra que j’écoute Tagada Jones.
Vendredi 19 mai. Mon neveu sort du concert au Ferrailleur. Il n’envoie qu’un texto “KAMMTHAAAAR” bourré d’émojis caca-qui-sourient. Ma fierté n’a plus de limites.
Semaine suivante, (date inconnue pour cause d’état d’ébriété avancée). Le Secrétariat d’Unchained me somme de rendre une chronique de Panzer Surprise au plus tôt, (sous peine de tortures diverses et variées à base de gratin de céléri). C’est un peu perturbant, parce que j’ai l’impression d’avoir déjà dit ce que je pensais des nouveaux morceaux dans la chronique du concert et qu’il faudrait aussi évoquer les groupes parodiés, bonjour le texte décousu…
Au taff, un collègue m’explique avoir écouté “Pipi VS Caca” récemment. Il se souvient des paroles, mais plus des circonstances de cette découverte. Je lui réponds que c’est normal. Et qu’avant qu’il ne s’en rende compte, Ultra Vomit aura infiltré toutes les étapes de sa vie avec une chanson pour chaque occasion.
Texte : Sarah
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