
L’ambiance n’est pas au beau fixe en ce moment aux States (ne riez pas ce n’est pas beaucoup folichon ici). Entre l’élection du clown orange, la multiplication des bavures policières, la montée du racisme exacerbé, la contrée de l’oncle Sam va mal… Comme à chaque fois que la situation s’envenime, certains artistes montent au créneau pour crier ce que plein de gens pensent tout bas. Comme les Clash sous Thatcher ou Rage Against The Machine sous Bush. Du coup, après son retour avec Manslaughter, il est grand temps que Body Count sorte son nouvel album, Bloodlust…
Bon, on me dit dans l’oreillette que certain(e)s ne savent pas encore qui est Body Count ?
Le groupe s’est formé autour de deux potes de lycée, le rappeur/chanteur/acteur Tracy Lauren « Ice-T » Marrow et le guitariste Ernie « Ernie C » Cunnigan. La genèse du groupe est expliqué par Ice-T lui même dans l’intro de leur reprise de “Raining Blood” de Slayer, présent sur l’album Bloodlust. Comme il le dit si bien “l’ambiance lourde et sombre de Black Sabbath, la sensibilité punk de Suicidal Tendencies (et leur attitude de gang) et la vitesse et la précision de Slayer qui reste l’un de ses groupes préférés…
L’album s’ouvre sur “Civil War”, qui met le ton directement. Une intro qui semble tiré dans un message officiel du gouvernement qui instaure le couvre feu. Puis le gang de Crenshaw HighSchool débarque et fait ce qu’ils font de mieux. C’est carrément efficace et frontal pendant qu’un Ice T vindicatif appuie là où ça fait mal. Et étant donné que ça va mal dans le pays, tout le monde en prend pour son grade, la maison blanche, les médias ou le racisme des flics (I’m shooting back!)…
Le groupe a beau avoir 27 ans au compteur, cela n’a pas entamé sa verve. Au contraire. Bodycount a toujours parlé de dont ils avaient envie de parler, quitte à taper là où ça fait mal (on se rappelle du ramdam causé par la chanson « Cop Killer », initialement prévu sur leur premier album). C’est le cas de la deuxième chanson de l’album « The Sky Mask Way ». Dans cette chanson Ice-T se met dans la peau d’un voleur qui vient chez vous pour vous prendre vos affaires dans la violence s’il le faut. Les plus crédules liront un simple appel à la violence, diront sûrement qu’il faudrait interdire cette chanson. Mais si vous lisez les paroles attentivement, vous verrez qu’il s’agit en fait d’une critique de la société américaine. Cette chanson met en lumière le destin tragique de pas mal d’Américains qui grandissent dans des quartiers défavorisés. Sans éducation, sans possibilité de travail , ils se retrouvent raccroché à cette dernière planche de salut (I’m doin’ my job, this is what I do)…
Le son Body Count a le même état d’esprit que les paroles, Ernie C se fait plaisir sur “Raining Blood / PostMortem 2017”, on part dans un rap metal aux solos de guitare sur “This Is Why We Ride”. Mais qu’on se rassure, l’état d’esprit est là, musicalement ce Blood Lust est énervé, à vif et la colère on là sent passer avec le “joyeux” “All Love Is Lost”. le riff est lourd, implacable et brutal. On fait mal pour mieux faire comprendre le message. Tu ressens ce monde qui part en couille, normal, Body Count t’en a retournée une. Balance un riff efficace et acéré sur “No Lives Matters” et propose du death à la sauce mosh part sur “Walk With Me”.
Le « Hood » comme disent les Américains a toujours été au cœur des paroles de Bodycount. Voulant donner la parole à une minorité qui est toujours pousser au dernier plan. Expliquant qu’ils ne choisissent pas cette vie mais qu’ils y viennent par dépits, comme dépeint dans la chanson « This is why we ride »…
Le premier single de l’album « No Lives Matter » commence par une intro de Ice-T qui en a froisser plus d’un. Il explique que lorsqu’ils parlent de black lives matter et que vous venez rajouter “All Lives Matter”, vous diluer le message, vous enlevez le fait que c’est à propos des noirs sur le moment. Il termine en disant qu’en fait la vérité ils s’en branle de tout le monde pour partir sur un riff acéré et nerveux. Ice-T bouscule et le groupe suit avec efficacité. Du punch sans temps mort pour un manifeste puissant sur la racisme mais aussi sur la lutte des classes. Quand il s’agit de pauvre, “No Lives Matter”…
Le morceau éponyme est aussi le plus dark de l’album. Ice-T parle des pires travers de l’humanité. Il parle du fait que l’homme est le seul animal qui tue pour le sport, qu’on s’entre tue parce qu’on est pas d’accord. Il décris cela comme une addiction profonde pour le sang, qu’on est qu’une bande de junkie accros à la violence, entre nous et même envers la planête…
“Blackhoodie”, qui termine l’album est un autre morceau tout aussi fort parlant du quotidien des mecs pris dans l’engrenage des gangs. Les fans de hiphop parmi vous entendrons un passage familier : “Woop, Woop, that’s the sound of the police, woop woop the sound of the streets » mais quoi qu’il en sot tu ne peux pas refuser d’écouter le message délivré à travers ce titre. …
Ce 6e album de Bodycount n’annonce pas une once d’espoir mais c’est l’album qu’on mérite. On l’attendait ce retour d’Ice-T nous balançant dans la gueule toute cette merde qui se passe actuellement. Bloodlust c’est une claque, de lyriques qui bousculent et un son qui n’a jamais été aussi énervé et libre à la fois. Un peu un appel aux armes, de titres qui nous giflent au fur et à mesure de l’écoute. On avait pas envie de le voir, centré sur nos propres vies sans en avoir rien à foutre des autres ou des répercussions que nos actions aura sur notre future ou celui de nos enfants. Après ce n’est pas un testament mais un wake up call qu’on avait besoin. Les choses sont dans un état déplorable et il faut se bouger dès aujourd’hui si on veut sauver la planète et surtout se sauver de nous même…
Body Count, Bloodlust, Century Media, sortie le 31 mars 2017
Texte: Ru5ty
Laisser un commentaire