
Six mois à peine après leur dernier concert parisien dans un Petit Bain rempli à ras-bord, Inquisition investit la scène du Glazart. L’affiche est prometteuse en ce lendemain de premier tour électoral, pour qui voudrait se changer les idées : du gros son, du gros son, et encore du gros son, ascendant mélancolique. Le lieu aussi paraît exotique. A deux pas du Zenith et du Trabendo, le Glazart cultive son originalité, en proposant une suite de salles et de terrasses, plusieurs bars pour éviter la queue, dont l’un propose à manger. Entre les groupes, le public s’éparpille ici et là, dans les odeurs de curry et de bières, au milieu des plantes. Black Metal Garden Party.
Cobalt a déja bien entamé son set lorsque nous arrivons sur place. Difficile donc d’en rendre vraiment compte, et c’est bien dommage, car la formation américaine manifestement rare en tournée balance un son énervé plutôt entraînant et prometteur. L’autre constatation à l’arrivée étant que la salle est loin d’être pleine. Certes, il est encore tôt et le plus gros est à venir, mais la billetterie n’affiche pas complet, et la salle d’un peu moins de 600 “places” finira remplie aux deux tiers. Curieux, mais pas inexplicable ; le dernier show en date d’Inquisition remonte à l’automne, laps de temps trop court pour créer le manque ou le renflouement de porte-feuille. Ceci dit, le public présent ne boude pas son plaisir.
Une bière plus tard, c’est au tour de Valborg de monter sur scène. Ils sont trois, ils sont Allemands, et ils débordent d’énergie guerrière. Si leur musique évoque plutôt de lourdes marches militaires, les musiciens se révèlent bondissants et guillerets. Notons que la scène manque légèrement de hauteur sous plafond, et que le bassiste Jan Buckard culmine à 2m à vue d’oeil. Lui et sa dégaine de Nosferatu sous stéroïdes emplissent joyeusement l’espace, partageant le chant avec son compère guitariste. Tous deux ne se calment que lors des plages plus doom de certains morceaux avant de repartir de plus belle, entraînant les premiers rangs avec eux. Le reste de la soirée, les gars de Valborg rôdent du côté du bar, mais la légende ne dit pas s’ils se sont laissés tenter par un curry khmer.
Bâti sur les ruines d’Agalloch, le nouveau groupe de John Haughm reprend le même style de recette. Les Américains déroulent leur black mélodique et furieux, toutefois moins contemplatif que son illustre aïeul. Le trio réussit à convaincre un public venu essentiellement pour Inquisition, qui découvre sa musique. Car si Pillorian cherche à s’affranchir de sa filiation en communiquant peu sur le sujet, ce parti pris est regrettable dans la mesure où leur promotion passe inaperçue auprès des fans d’Agalloch qui auraient étoffé le public ce soir. Dommage, mais il ne fallait pas s’attendre à autre chose que de l’inédit ; le groupe aligne la quasi totalité des titres de son premier album “Obsidian Arc”. Les deux tiers du public ondulent doucement, emmenés par les mélodies obsédantes, le rythme lent et le charisme indéniable de John Haughm. Lui qui possède le talent d’installer une certaine tension tout au long du concert, culminant sur le morceau final “Dark is the River of Man” et ses 10 minutes. Impossible de décrire exactement ce qui se passe, ce type d’expérience peut laisser de marbre ou bien entraîner dans un état de semi-transe ou plus rien d’autre n’existe que la musique la plus brute, le rythme sur lequel on voudrait caler ses battements de cœur, et la voix qui résonne directement à l’intérieur du cerveau. À la fin du concert, côté merch, les albums se sont tous envolés. De là à conclure que ce set a convaincu le Glazart, il n’y a qu’un pas que l’on franchira sans scrupules !
Lorsqu’Inquisition débarque sur scène, les coups de 22h ont sonné. Il fait nuit, le public est chaud, le plafond bas, les musiciens maquillés, l’éclairage minimal, la batterie encadrée par les panneaux faute de place pour un backdrop. Comme souvent, certains s’étonnent qu’il y ait deux pieds de micros, mais un seul Dagon qui vogue de l’un à l’autre, ne laissant aucun vide. Ils ne sont que deux, mais ils déchaînent toute la puissance des Enfers dans un volume assourdissant. Outre les titres à rallonge, la singularité d’Inquisition se trouve dans la force de leurs performances.
Pas de basse, une seule guitare, mais leur musique n’en souffre pas, ne semble jamais incomplète. Le duo n’a pas non plus oublié qu’il venait du thrash et le rappelle dans le jeu de guitare rapide, précis et étonnamment sophistiqué pour quelqu’un qui doit aussi assurer le chant. Peu importe le manque d’articulation rendant les paroles inintelligibles, on imagine bien qu’il ne parle ni de fleurs au printemps, ni de poneys et concours de Miss. Les Colombiens déroulent un concert réglé comme du papier à musique, net, sans rappel. La setlist plutôt équilibrée survole les quinze dernières années, avec une belle part aux compositions des trois albums les plus récents. Le public interagit peu mais savoure chaque morceau, laissant headbang et mouvements aux premiers rangs, et vivant la le concert de façon plus introspective, ne sortant de leur état quasi méditatif que pour applaudir entre les titres.
Dans l’ensemble, le contrat est rempli. On ressort du Glazart plus serein, défoulé et réjoui. Tant pis si la salle n’était pas pleine à craquer, l’atmosphère dégagée par les groupes a imprégné tout espace disponible à la fois dans la fosse et dans les esprits. Et changer les idées.
Merci à Garmonbozia et à Jeter Prom
texte: Sarah
Photos: Aurélia / La Petite Photographe
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