
Le RER qui m’emmène à travers champs et entrelacs de la Seine en ce doux dimanche de printemps a des allures de machine à voyager dans le temps et l’espace. Saint-Germain-en-Laye n’est pas vraiment LE spot du hardcore hexagonal et la tendance est plus à l’imprimé vichy et au pull sur les épaules que le hoodie noir et l’iroquois bien graissé. Il en faut donc peu pour très vite distinguer le grain de l’ivraie, le public en marche vers La CLEF de l’autochtone qui déambule sous les premiers rayons du soleil, flânant aux pieds du château de Louis Croibatonvé (oui, je sais, pas pu m’en empêcher). Et sachant que les messieurs devant qui on s’apprête à faire la plus braillarde des ovations sont les titans du NY Hardcore Sick Of It All, c’est un paquet de vieux coreux plus que de jeunes jouvencelles qui convergent vers la salle pour une ouverture de la salle à 18h pétantes.
Tellement pétantes que j’ai à peine le temps de jouer des coudes pour alpaguer une pinte au bar que résonnent déjà les premières notes de Take The Night Off. Une double surprise donc. Un : La bière a presque un goût estival après ce long voyage ferroviaire. Deux : WTF? SOIA joue en premier ??? Bah ouais. C’est Niko de Tagada Jones qui donnera la réponse à la devinette dès leur arrivée sur scène après le set des New-Yorkais. Le gang des frères Koller a tellement la super classe qu’ils ont, avec la noblesse d’âme qui caractérisent les grands seigneurs, laissé la tête d’affiche aux Rennais.
En revanche, on voit bien qu’on est un dimanche aprèm et qu’on est loooooooin de Paris. Le pit est relativement clairsemé et l’audience est assez calme. À peine une bonne vingtaine d’allumés pogotent et braillent comme des damnés les paroles d’”Injustice System” et “Clobberin’ Time“ tandis que la plupart du public debout secoue modérément la tête et que le reste est sagement assis dans l’amphithéâtre qui surplombe la scène. La vieillesse est un naufrage. Hé oui, on n’a plus vingt ans, M’sieur dame. Même Lou Koller, habituellement plus énervé, n’aura de cesse de s’excuser benoitement entre chaque chanson qu’il a pris froid et que sa voix ne sera pas aussi tonitruante que d’habitude.
Peu importe, le plaisir est là. Pete, hilare, virevolte comme un derviche, comme directement branché sur le secteur, dégainant des riffs dignes d’une charge de bisons. Armand martyrise ses baguettes comme un forgeron des Enfers et Craig lamine sa basse comme d’autres vont à la pêche, totalement décontracté. Mais la colère est là aussi, jamais bien loin. “Uprising Nation“ nous le rappelle. Tiré de l’album de 2006 Death to Tyrants, Pete et ses comparses ont trouvé la solution idéale pour mettre fin à tous les lobbies financiers détenus par les élites corrompues : Send them straight to hell. Et hop, tout sera réglé. Même si le set ne restera pas gravé dans les mémoires comme ce que le quatuor peut envoyer de plus puissant et rapide, l’indignation et le franc-parler restent vivaces et les New-Yorkais restent prêt de leur fanbase malgré la célébrité.
Il suffit même qu’un mec de la fosse plus gueulard que les autres demande Rat Pack pour que les deux frangins le fasse monter sur scène pour chanter le couplet du morceau sorti en 1989 sur “Blood, Sweat and No Tears”. Après ce passage de témoin qui témoigne, une fois n’est pas coutume, du super état d’esprit qui règne dans la scène punk hardcore (bon, y’aura toujours des crétins qui font du karaté dans le pit, mais quand même), la bande du Queens alterne vieux anthems et nouveaux missiles, du tout récent Black Venom sorti en 2016, en passant par le très punk-à-roulettes “My Life” et un “Road Less Travelled” presque « mélancolique » sur le temps parcouru depuis la précédente chanson datant de 89, les bons et les mauvais choix, mais toujours la certitude de ne pas suivre les chemins tous tracés. Sur cette deuxième moitié de set, la part belle est donc faite à l’album The Last Act of Defiance, un bon gros chapelet de majeurs dressés face aux injustices, à l’establishment et aux puissants tous confondus avec notamment DNC. Pour clore ce set assez court, rappelons-le, cela sans doute dû aux problèmes de voix de Pete Koller, Sick of It All assène un doublé massif avec “Scratch the Surface” et “Step Down” qui vient rappeler que, malgré des détours crossover, le groupe reste à ce jour un des meilleurs représentants du NYHC.
Place donc à la « tête d’affiche » ! Les Bretons (ils sont partout) de Tagada Jones. Le public, désormais plus clairsemé que les synapses en état de marche dans la cervelle d’un sympathisant FN, s’est passablement rajeuni et Niko, de sa voix suave (lol) harangue la foule comme en début de manif. Fils spirituels des Bérus et de Parabellum, Niko (guitare/chant), Waner à la basse, Stef à la guitare et Job à la batterie envoie direct du bois dont on chauffe les cantines avant l’assaut des tonfas. En bons alternos, chaque morceau balance son lot d’accusations sur la mondialisation, le capitalisme sauvage, l’intolérance et tout ce qui gangrène la société. D’abord purement punk, l’ambiance devient plus grandiloquente lorsqu’un mur de LEDs illumine le fond de la scène. Ambiance donc plus métal pour illustrer La Peste et le Choléra, morceau de l’album éponyme sorti en 2017 que Tagada Jones vient défendre à la CLEF.
Suivront une ribambelle de brûlots anarcho-punks surtout concentrés sur les 3 albums Le Feu aux Poudres (2006), Descente aux Enfers (2011) et Dissident (2014), entre hommage à la biture façon chouchen avec “Yech’ed Mad” et “Karim & Juliette”, inspiré du “Vivre Libre ou Mourir“ des Bérus. Pour quelqu’un qui ne connaît pas ou quelqu’un qui serait, tel votre serviteur, plus hardcore que punk, le milieu du set devient un poil répétitif. C’est droit dans ses pompes, c’est carré, ça fait le job mais on reste dans le chant de lutte, ni plus ni moins. Sans le joyeux bordel des Sheriffs ou les uppercuts plus swingués de Lofofora. Du coup, c’est avec grand appétit qu’on voit se profiler la réjouissance finale du concert des punks bretons, un hommage à Parabellum, enchaînant dans une même foulée “Amsterdam” et “Cayenne”, d’abord à l’ancienne puis pied au plancher. Et c’est poing levé que finit toute la salle.
Parce qu’on ne le répétera jamais assez.
Mort aux vaches.
Texte : Jimmy Kowalsky
Photos : Mario
Setlist SOIA :
Take the Night Off
Injustice System
It’s clobbering time
Sound the Alarm
Uprising Nation
Black Venom
Busted
Good Looking out
Road less travelled
My life
Losing war
Call to arms
Death or Jail
DNC
Just look around
Machete
Scratch the Surface
Step Down
Setlist Tagada Jones :
Envers et contre tous
Zéro de conduite
La peste et le choléra
Yech’ed Mad
Pavillon noir
Instinct sauvage
Karim & Juliette
Tout va bien
Perte et fracas
Guns
Descente aux enfers
Le feu aux poudres
Les nerfs à vif
Vendetta
Dissident
Vendredi 13
Je suis démocratie
Mort aux cons
De l’amour & du sang
Cargo
Medley Parabellum
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