
Quel est le super héros le mieux élevé ?
Réponse : Gentle Man.
OK. voilà voilà.
Bien avant de finir en blague Carambar, le super-héros (littéralement un personnage au-dessus du héros) est un mythe, un fantasme. La figure du super-héros, qui commence à voir le jour d’abord timidement, au début du siècle, puis se popularise à partir de 1938, date de l’avènement du comics Superman, prend notamment sa source dans le personnage d’Edmond Dantès, alias le Comte de Monte-Cristo. Le romancier Umberto Eco voit tout particulièrement dans ce personnage, tiré du roman d’Alexandre Dumas paru en 1844, un prototype du héros surhumain, en tant que personnage « aux qualités exceptionnelles, qui dévoile les injustices du monde et tente de les réparer par des actes de justice privée. Le surhomme superpose sa propre justice à la justice commune : il détruit les méchants, récompense les bons et rétablit l’harmonie perdue ». Pour les puristes, les super-héros sont dotés de quatre caractéristiques majeures : des capacités extraordinaires communément appelées super-pouvoirs, un équipement lui permettant de rivaliser avec d’autres êtres dotés de super-pouvoirs, une double identité, et enfin le port d’un costume distinctif (le plus souvent collant au corps, c’est à la fois pratique et rudement sexy), qu’il abandonne quand il reprend ses activités d’individu lambda. Les super-héros américains, nés entre la Grande Dépression, le Krach boursier de 1929, et la Seconde Guerre Mondiale, constituent notamment pour les soldats au front, un grand univers fictionnel qui permet de s’évader et symbolise les valeurs de l’Amérique. Durant la guerre, ils deviennent de parfaits outils de propagande : symbolisant les traumatismes engendrés par des événements historiques, leur but est, d’une part, de rassurer la population non-belligérante tout en luttant d’autre part, contre le nazisme, puis contre le communisme durant la Guerre Froide. Pour certains, les super-héros qu’on voit naître dans les années 30 ne sont rien d’autre que la réponse de dessinateurs, souvent d’origine juive, face aux délires racistes de l’idéologie nazie. Réponse ayant là aussi comme figure tutélaire l’être surnaturel mentionné dans la littérature talmudique : le Golem. Mais, comme toute médaille a son revers, les super-héros sont des parias, souvent rejetés par ceux-là même qu’ils défendent. En cela, les X-Men en représentent la figure archétypale, rassemblant sous cette appellation des êtres mutants aux pouvoirs extraordinaires, mais que les humains ont mis au ban de la société. Et au sein même de ce groupe, évolue l’un des mutants les plus emblématiques : Wolverine.
Ce n’est pas anodin que James Mangold se soit approprié la réalisation du spin-off du taciturne Projet X. Déjà en 1997, il offrait à Sylvester Stallone, alors cantonné à des séries B plus vraiment à la mesure de son talent, le rôle d’un flic intègre en lutte contre une corruption dévorant les rangs de la police dans le crépusculaire Copland. Puis en 2005, ce sera au tour de Joaquin Phoenix dans Walk The Line d’incarner Johnny Cash, là aussi image d’un desperado de la musique, à la fois icône de la musique country en proie à la drogue et étoile solitaire vénérée par les stars du grunge et de l’indus à la fin de sa carrière. Trois hommes seuls. Trois hommes à la fois tenaces et en proie au doute. Trois hommes arborant un code d’honneur chevillé au corps et au cœur, trois hommes donc galvanisés par une foi en la Justice.
Dès le début de la franchise initiée en 2000 avec X-Men par Bryan Singer, Wolverine est placé au centre du récit, enclenchant son propre périple en parallèle de la trame principale (et un peu usée) du film : le sempiternel combat entre le Bien et le Mal. Personnage à la marge de la marge, misanthrope et violent, James “Logan” Howlett (le nom humain du mutant) synthétise à lui tout seul toute la problématique de ses congénères. Doué d’une force herculéenne, il n’en est pas moins vulnérable car amnésique suite à des expérimentations qui l’ont rendu quasi indestructible. Dès le deuxième opus, la quête de son identité devient le principal développement du scénario, et le troisième volet (malgré un abandon de Singer, plus préoccupé par Superman Returns, aux mains du besogneux Brett Rattner) l’impose comme le personnage central de cette première époque. Véritable colosse aux pieds d’argile, Wolverine/Logan (incarné à l’écran par Hugh Jackman) est la caution badass de la confrérie des X-Men, à l’instar du Capitaine Haddock dans les aventures de Tintin. Hergé imagina en effet cet alcoolique bourru, mais au cœur tendre, honnête et courageux pour donner le change au petit reporter, personnage asexué, trop lisse et trop casse-cou, pour susciter un réel engouement.
Avec Wolverine, c’est l’essence même de l’aventurier qui n’hésite pas à enfreindre les règles, imposant par là-même son propre code, contrairement aux autres X-Men, plus enclins à obéir aux aspirations utopiques du Professeur Charles Xavier, mentor du groupe. C’est ainsi qu’on peut voir se dessiner en filigrane de ce personnage surnaturel toute une généalogie de héros tragiques, des 3 Mousquetaires au faux ronin (mais vrai combattant) Kikuchiyo incarné par Toshiro Mifune dans les 7 Samouraïs. Car s’il est souvent question d’honneur, la marque des super-héros s’impose au personnage avec son lot de malheurs. Ainsi pour Wolverine, son arme fatale (des griffes coulées dans un métal indestructible) transperce ses poings, provoquant à chaque jaillissement (donc à chaque combat, combat qui, rappelons-le, est au cœur même de la vie du héros) une douleur incommensurable. La boucle folle de la damnation intemporelle du héros insoumis.
Avec le dernier épisode, James Mangold reprend, pour un dernier baroud d’honneur, là où, justement, l’univers Marvel commençait à fauter. Dans le crade, dans le violent, dans les tripes à l’air, dans le politiquement incorrect. Comme pour tirer un trait définitif à la fois sur sa collaboration avec l’acteur Hugh Jackman, plus bestial et incarné que jamais, et sur une franchise trop passée à la moulinette des studios. Les (super-)héros sont fatigués. Pourtant, lorsque la violence de ce monde s’en prend aux enfants, ne leur épargnant ni la torture, ni l’isolement, ni même la mort, même une vieille bête repue et rompue sort les griffes. Et si dans ce film, la violence des combats n’a d’égal que le martyr du héros, émerge un modèle de personnage disparu depuis longtemps des écrans mainstream. Le héros à la lisière de l’obscurité, portant en son âme une lucidité intègre face à la folie destructrice des hommes.
Encore une fois, pas de hasard dans le générique de fin hanté par la voix sépulcrale de Johnny Cash chantant “The Man Comes Around”, pied-de-nez cynique de l’humain à la fin de son périple terrestre. Mais s’il est un détail qui clôt (qui cloue ?) véritablement cette saga sanguinolente (pourtant mal commencé avec le nanarissime X-Men Origins : Wolverine), c’est un petit détail dans l’ultime plan du film, autant passage de témoin que geste iconoclaste : le basculement d’une croix, symbole chrétien du martyr et de la rédemption, pour en faire un X, symbole du croisement et du temps.
Les héros ne meurent jamais.
Réalisé par James Mangold
Scénario : Michael Green et David James Kelly, d’après Old Man Logan de Mark Millar et Steve McNiven
Sortie le 1er mars 2017.
Hugh Jackman : James « Logan » Howlett / Wolverine
Patrick Stewart : Pr. Charles Xavier
Dafne Keen : Laura Kinney
Boyd Holbrook : Donald Pierce
Stephen Merchant : Caliban
Elizabeth Rodriguez : Gabriela Lopez
Richard E. Grant : Dr Zander Rice
Elise Neal : Kathryn Munson
Eriq La Salle : Will Munson
Quincy Fouse : Nate Munson
Texte : Jimmy Kowalski
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