
Imaginez seulement un instant un mélange improbable entre Screaming Jay Hawkins, Muddy Waters et Enslaved… Vous l’avez rêvé ? Zeal and Ardor l’a fait ! Sorti en février dernier sur le label néerlandais Reflection Records, le premier opus de ce « one man band » signe la naissance de la fusion entre blues, gospel et black metal. Baptisé « Devil is fine » en hommage au grand cornu, cet album est à classer parmi les perles les plus inventives et les plus surprenantes du black metal de ces dernières années.
Derrière ce projet se cache un touche à tout de génie du nom de Manuel Gagneux, un citoyen helvétique qui a hérité de sa famille un goût pour les musiques afro-américaines. Dans l’esprit de ce dernier est né un concept original, à la base même de son projet et qui tient en quelques questionnements : Et si les esclaves du sud des Etats Unis s’étaient rebellés contre leurs maîtres et avaient renié par la même occasion le christianisme qu’on leur avait imposé à coup de fouet ? S’ils s’étaient tournés vers Satan pour lui implorer de leur redonner la liberté ? Pour apprécier à sa juste valeur la musique si originale de Zeal and Ardor, il suffit de fermer les yeux et d’imaginer des esclaves noirs enchaînés chantant des gospels à la gloire du diable au milieu d’une plantation de Louisiane. Ce qui aurait paru incongru il y a encore dix ans est aujourd’hui une réalité. Les intégristes du black metal peuvent pousser des cris d’orfraie, grand bien leur fasse ! En fait, cela importe peu car « Devil is fine » est un véritable chef d’œuvre ! Il suffit de se lancer transporter par la beauté baroque de morceaux comme « Devil is fine », « Come on down », « In ashes », « Children’s summons » ou « Blood on the river » sur lesquels on peut même entendre des bruits de chaînes s’entrechoquant entre elles ou des samples des enregistrements posthumes du mage Aleister Crowley. Une manière de rappeler les deux thèmes centraux de Zeal and Ardor : L’esclavage et le satanisme ! A côté de ces titres résolument black metal et symphoniques dans lesquels les grognements black metal se mélangent habilement avec les chants gospel apparaissent des morceaux plus grand public, comme le très bluesy « What a killer like you is gonna do here ? ». On décèle également sur l’album des influences électro, comme sur le titre « Sacrilegium » (qui est divisé en trois parties). Malgré sa courte durée (moins d’une demi-heure), « Devil is fine » est un album fascinant, à la croisée des chemins entre des styles apparemment très éloignés et néanmoins compatibles. Par ailleurs, on notera aussi la qualité de l’artwork, la pochette faisant apparaître un personnage méconnu de l’histoire des Etats Unis : Robert Smalls, un esclave rebelle du 19ème siècle qui avait repris sa liberté pendant la guerre de sécession en détournant un navire confédéré. Enfin, le logo du groupe est aussi hautement symbolique puisqu’il s’agit du sigil (symbole cabalistique) de Lucifer ! Le groupe a même réalisé un clip pour le titre « Devil is Fine ».
Pour conclure, on peut dire que « Devil is fine » peut être considéré comme une des révélations de l’année 2017, voire même la bande-son idéale d’un western post-moderne de la trempe du « Django Unchained » de Tarantino ! A ceux qui auront apprécié cet album à sa juste valeur, on ne peut que signaler que la tournée européenne du groupe fera une étape au Glazart à Paris le 19 avril prochain !
Zeal & Ardor, Devil is Fine, sorti chez Reflection Records
Texte : Mathieu Bollon
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