
La meute avance. Sortant des entrailles du métro parisien, ainsi que de celles tentaculaires du parking de la porte de Pantin, une foule compacte emprunte la longue voie qui mène au Métal. Les pavés de l’allée du Zénith résonnent des pas des fidèles qui approchent, surexcités par la promesse qui leur a été faite ce soir, entendre du lourd, du très lourd. Comme les autres, nous marchons dans la nuit, le cœur battant, pile à l’heure pour cette rencontre hivernale. Les initiés, les aspirants, tous se mêlent dans une queue rapide qui nous fait entrer dans la plus grande salle de spectacle de la Vilette.
Après avoir passé un nuage de fumée qui nous entoure dès l’entrée, et après une petite frayeur au moment de scanner nos billets (note pour la prochaine fois : penser à ne PAS imprimer deux fois le même billet), nous arrivons enfin dans l’arène. Ce qu’on remarque immédiatement, c’est que le public, qu’il soit venu pour Powerwolf, pour Epica, ou pour les deux, est bien au rendez-vous, en ce samedi soir 4 février 2017. Après avoir pleuré nos mères et prit un crédit pour nous payer une bière (9€ en tout avec le verre, il n’y a quand même qu’à Paris qu’on voit ça), nous nous faufilons afin de trouver des places correctes pour essayer, malgré nos mésaventures, d’écouter un peu de la première partie jouée par le groupe de métal symphonique allemand, Beyond The Black.
Formation créée en 2014, par la chanteuse Jennifer Haben, fort était de constater que nous n’étions pas les seuls à ne pas connaître. Mais malgré une balance discutable, une disto un peu trop sale et une ou deux fausses notes, il fallait bien reconnaître que pour un groupe qui ne joue véritablement au complet que depuis novembre dernier (tous les musiciens ont changé en l’espace d’un an), la performance reste tout à fait acceptable pour une première partie. Le mélange d’une voix claire féminine, de chants gutturaux et de sons lourds et puissants d’une ligne de basse maitrisée, c’est une recette qui marche !! Qui marche oui, mais qui du coup souffre un peu de la comparaison avec le monstre néerlandais en tête d’affiche. On relèvera malgré tout la bonne humeur dégagée par le groupe qui a présenté plusieurs morceaux de son dernier album, Lost in Forever (dont nous n’avons pas pu relever les noms, faut dire que c’est ultra dur d’écrire dans le noir avec une bière à la main). Le sourire de Jennifer Haben et surtout l’énergie dégagée par le charismatique bassiste Stephan Herkenhoff nous a convaincu que Beyond the Black pouvait un jour nous surprendre.
La pression monte, et ce n’est pas seulement dû à la foule. Car si Epica a su ramener un grand nombre de fan, on ne doute pas un instant que Powerwolf n’est pas en reste, et les louveteaux s’impatientent. Un grand drap noir cache la scène de nos yeux, mais on devine qu’un décor de folie est en train d’être installé, avec pas moins de trois immenses toiles de fond représentant un décor d’église gothique du plus bel effet.
Et soudain on y est, sans rien pour nous y préparer (on regrette peut être un peu l’absence d’une petite intro instrumentale), le concert commence et la fosse décolle. Powerwolf nous envoie un morceau de leur dernier album, Blessed and Possessed, qui annonce la couleur !
Le groupe nous délivre une performance éblouissante, interragissant avec le public à la fin de chaque chanson, sans en abuser, juste de manière à introduire les prochains morceaux, nous motiver, et nous faire rire. Attila Dorn (chant) est vraiment proche du public, c’est un peu l’oncle sympa qu’on aimerait tous avoir qui anime le repas chez Mamy après la messe. Les moments forts dont on se souviendra toujours : L’amorce de Army of the Night, où le groupe nous demande de devenir son armée (pacifique) du métal, et le cours de chant que nous donne Attila pour faire les choeurs d’Armada Strigoi.
Le public est déchainé et chante sur toutes les chansons. Le claviériste, qui apporte la dimension Power-Metal du groupe est survolté lui aussi. On note l’apparition de quelques pogos et même d’un timide circle-pit. Le groupe enchaîne les chansons assez courtes, ne nous laissant respirer que lors de leurs interactions, et font se succéder des chansons toniques comme “Dead Boys Don’t Cry”, à d’autres, beaucoup plus planantes, telle que “Let There Be Night”, qui fut un grand moment d’émotion pour l’ensemble de la salle. Les effets pyrotechniques sont plutôt bon, et s’assortissent très bien avec le décors de la salle, on est conquis !
Enfin, encore sous le charme de la voix de chanteur d’opéra d’Attila, qui peut naviguer entre des sons digne d’un baryton et le cri strident inhérent au heavy, le set se termine sur certains de leurs plus grands morceaux, “Sanctified With Dynamite”, “We Drink Your Blood,” “Lupus Dei”. Ces trois derniers morceaux transcendent le public qui explose, et on est triste de les voir partir si vite (après pourtant près d’1h30 ). Avec ce concert, Powerwolf n’a pas rassemblé une meute, il a levé une armée.
On pourrait se dire alors, difficile de passer après ça. Et bien, pas pour le géant du métal symphonique qu’est Epica.
Après quelques minutes d’attente entre le changement de scène, nous voila replongé dans un nouvel univers, moins sombre que le précédent, mais emprunt de la même puissance.
Lançant leur set avec un laché de feux d’artifices, les musiciens du groupe néerlandais entrent en scène, avec une énergie incroyable, relevant le défi de nous en mettre encore plein les yeux. La formation commence tout d’abord par les deux premières chansons de leur dernier album The Holographic Principle sorti en 2016 (à savoir Edge of the Blade et A Phantasmic Parade), avant d’enchainer sur l’excellent “Sensorium”, extrait de leur tout premier disque. Le concert sera ainsi rythmé entre une majorité de compositions récentes, entrecoupées de certains de leurs morceaux emblématiques tel que “The Essence of The Silence”, joués par des musiciens déchainés.
Mais Epica ne se contente pas que de jouer ses morceaux, le groupe les vit, par un dynamisme scénique unique et une intéraction, que ce soit entre eux ou avec le public. Cet effet est sans doute renforcé par une nouveauté technologique incroyable, qu’à notre humble avis, tous les groupes de metal devraient adopter… le clavier sur roulettes. Car, si le pauvre batteur reste encore et toujours coincé derrière les timbales de son instrument, c’est la première fois que nous voyons un claviériste bouger autant. Coen Janssen (synthé -à roulettes- donc) va et vient, joue, rigole avec les autres musiciens, partage une véritable émotion avec le public, s’accompagnant parfois d’un synthé portatif arrondit, un peu kitch, mais très pratique qui lui permet de jouer comme s’il avait la liberté du guitariste.
Mais tous ces effets pyrothectiques et autre gadgets ne nous font pas oublier l’incroyable performance technique que nous offre ce soir l’ensemble des musiciens d’Epica, dont la virtuosité n’a d’égal que la magnificence de la voix soprane de leur chanteuse, Simone Simons.
Cette dernière a souvent évoqué les influences qu’elle avait pu avoir des chants très lyriques de chanteuses telles que Tarja Tumen (ex-Nightwish) ou encore Sharon den Adel (Within Temptation), mais pour avoir écouté beaucoup de ces deux groupes, nous n’avons pas peur d’avancer une idée dont nous sommes à présent convaincu après la prouesse vocal dont Simone nous a ce soir fait cadeau, c’est que l’élève a surpassé ses maître(sse)s. Une tenue de rythme unique, une clareté dans le timbre, à faire palir un ange, aucun artifice, une puissance et surtout une émotion vibrante, oui, Simone Simons a tout pour figurer en haut du panthéon des grandes chanteuses du metal, car contrairement à bon nombre de ses consoeurs, qui ont un peu tendance à se la jouer princesse, elle ne se met pas en avant, laissant souvent ses musiciens profiter du feu des projecteurs. Epica, ce n’est pas juste une chanteuse à voix avec quelques zicos qui gratouillent au le fond de la scène, c’est un groupe, un clan, où chacun brille à sa façon de sa lumière propre.
Avant cette soirée, nous nous demandions pourquoi avoir rassemblé ces trois groupes pour un même concert, la réponse nous apparaît maintenant évidente : premièrement parce que même si Powerwolf et Epica opèrent dans des domaines différents, les deux formations nous offrent des performances d’une qualité égale, mélant une finesse de jeu exceptionnelle à des voix uniques. Deuxièmement, parce que chacun des groupe vaut le déplacement. Beyond the Black, pour donner une chance à ce jeune groupe qui ne demande qu’à nous conquérir; Powerwolf, pour la puissance irrésistible et sidérante de cette bande de loups du metal qui vous capturent et vous entraînent dans une messe noire aux confins des terres sauvages; Epica, car c’est un ticket en première classe vers un autre univers, un instant de grâce, une rencontre avec une voix plus étincelante que la plus brillante des supernovas.
Par Emiel-Regis et Fable
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