
Zeal and Ador (« Zèle et Ardeur ») est un des projets le plus originaux et les plus créatifs qu’il m’ait été donné d’écouter dans ma vie de métalleux. J’ai rendez-vous ce soir-là avec son fondateur Manuel Gagneux, un jeune musicien touche à tout d’origine helvétique qui a séjourné quelques années à New York. Zeal and Ardor est donc un « one man band » qui se propose de mixer deux courants musicaux aussi différents que le black metal et le blues en y incorporant également de la musique électronique et du gospel. Le résultat est très étonnant et jouissif à condition de se débarrasser de ses œillères. Le premier album, « Devil is fine », doit sortir le 24 février prochain sur MVKA/Caroline et devrait s’ensuivre une tournée internationale qui passera par le Glazart à Paris le 19 avril. Né d’une blague sur le forum 4 chan, le concept de Zeal and Ardor repose sur une hypothèse surprenante surgie de l’imagination florissante de Manuel Gagneux : Et si les esclaves noirs s’étaient révoltés contre leurs maîtres blancs en rejetant le christianisme et en se tournant vers le satanisme ? Une histoire alternative en somme qui rappelle les délires uchroniques de l’écrivain de SF Philip K. Dick dans son roman, « Le maître du haut château » (adapté récemment sous la forme d’une série télévisée). L’interview se passe à l’hôtel Alba près de Pigalle, un lieu enchanteur et très particulier. Coïncidence ou pas, cet hôtel est connu pour avoir reçu jadis la visite d’un célèbre trompettiste de jazz originaire de la Nouvelle Orléans du nom de Louis Armstrong !
Peux-tu nous dire quelques mots de votre parcours et nous présenter l’histoire de tes différents projets musicaux ?
Mes deux étaient parents étaient musiciens. Il y avait un piano dans la maison et il m’arrivait donc d’en jouer un petit peu. J’ai commencé avec le projet Birdmask qui a été l’occasion pour moi de jongler entre plusieurs genres. Un jour, pour d’étranges raisons, j’ai décidé de démolir ce projet pour faire autre chose et mélanger plusieurs styles musicaux afin d’expérimenter. J’aime inventer des combinaisons étranges.
Quelles sont tes influences musicales ? Es-tu fan de metal à la base ?
Je suis influencé notamment par des artistes pop ou électro comme Bjork, Aphex Twins, Brian Eno. Mon attirance pour la soul ou le blues me vient sans doute de ma mère. Cependant, je n’ai jamais vraiment écouté ce genre plus que ça, mis à part le musicien Howlin’ Wolf. Mon influence majeure est sans doute Tom Waits à cause de son univers étrange. J’écoute du metal depuis mes 13 ans. Le premier disque que j’ai eu en ma possession était le « Piece of Mind » d’Iron Maiden. J’aime aussi les débuts de Cradle of Filth, Nile, Cannibal Corpse. J’ai écouté ça y a longtemps maintenant (rires). Cependant, j’ai toujours été très éclectique dans mes goûts musicaux.
D’où t’es venu l’idée de mixer des styles aussi différents que le black metal, le blues et le gospel ?
Mon approche du blues est plutôt celle du « story telling ». C’est la raison pour laquelle cette musique m’a attiré. En effet, le concept de Z&A est basé sur une fiction : Que ce serait-il passé si les esclaves d’Amérique du Nord s’étaient rebellés ? Une sorte d’histoire alternative ou d’uchronie en quelque sorte. Cependant, parler de l’esclavage n’a pas pour but pour moi de rappeler les racines du blues. Je trouve cela désolant lorsqu’un musicien blanc se dit : « Je voudrais jouer du blues parce que je suis blanc et que c’est une musique de noirs». Cela n’a aucun sens. La culture se doit être internationale et non pas exclusive. C’est très important pour moi.
Peux-tu nous parler de ton travail en tant que musicien ? Es-tu le seul compositeur de Zeal and Ardor ?
Oui, je suis le seul compositeur de Zeal and Ardor. Au départ, j’enregistrais le chant et la musique séparément mais désormais je compose et j’enregistre tout d’un bloc. Cela vient du fait que lorsque j’étais à New York, je n’avais pas assez d’argent pour embaucher des musiciens donc j’enregistrais tout moi-même.

Pourquoi as-tu décidé de partir vivre à New York ?
J’ai décidé de partir vivre à New York parce que cette ville est connue pour abriter un tas de musiciens cool. J’y ai appris beaucoup de choses sur la création et la production musicales. Quand tu es dans une ville comme New York où il y a déjà énormément de musiciens de jazz très talentueux, la seule solution que tu as pour sortir du lot est de faire quelque chose d’étrange et de nouveau, ou du moins d’essayer !
Que signifie le nom « Zeal and Ardor » pour toi ?
Ce nom (« Zèle et ardeur ») renvoie à la façon dont je travaille en tant que musicien, à savoir avec passion et détermination ! Mais c’est aussi à cause de la sonorité très chrétienne de ce nom : Cela renvoie au zèle et à l’ardeur dans la Bible. Ce serait amusant d’imaginer qu’un jour, une personne croyante soit intrigué par le nom et vienne à un de mes concerts écouter ma musique (rires).
Peux-tu nous dire quelques mots à propos du logo de ton projet Z&A ? Quelle est sa signification ? D’où vient l’artwork de l’album ?
Le logo est du groupe est en fait le sigil (signe cabalistique représentant un être ou une intention magique) de Lucifer surmonté des lettres Z et A (pour Zeal and Ardor). Concernant la pochette, le personnage que l’on voit est un esclave du nom de Robert Smalls. C’était un dur à cuire qui avait repris sa liberté. Il avait volé un navire, libéré d’autres esclaves et il est devenu un politicien par la suite. C’est peut être lui le vrai Django (rires).
Considères-tu le concept de Z&A comme une blague ou, au contraire, comme quelque chose de très sérieux ?
C’est devenu quelque chose de sérieux maintenant mais à la base c’était plus une blague qu’autre chose. Ce qui m’amusait au départ c’était juste de relier le thème du satanisme avec les chants gospel. C’est devenu sérieux assez vite.
As-tu des croyances religieuses ? Es-tu un adorateur de Satan ou quelque chose dans ce genre ?
Non, je n’ai pas de croyances particulières. Je suis athée mais j’aime beaucoup ce que dit quelqu’un comme Anton La Vey, le fondateur de l’Eglise de Satan. C’est une bonne philosophie pour moi.
Que penses-tu de la scène black metal actuelle ? Y a-t-il des groupes que tu aimes et si oui, quels sont-ils ?
Je trouve la scène black metal actuelle très intéressante. Il y a beaucoup de groupes que j’aime comme Oathbreaker, Liturgy, Amenra, Wolves in the throne room, Sunn O))) ou encore Schammasch. J’apprécie aussi la scène black metal des débuts, en particulier Burzum et Dark Throne.
Quelles sont les réactions du public par rapport à ton album ? Tes projets dans un avenir proche ? Un deuxième album de Z&A à prévoir ?
En général, soit le public adore ma musique soit il la déteste (rires). Je trouve ça intéressant d’écouter les arguments de ceux qui ont détesté l’album. Cela me permet d’améliorer ce qui peut l’être. C’était à la base mon intention de bousculer un peu la scène black metal en mixant des styles différents. J’ai eu quelques réactions négatives mais pas tant que ça finalement. Je dois enregistrer un nouvel album de Z&A à l’automne. Le groupe qui m’accompagnera en tournée comptera 5 personnes hormis moi-même, dont deux musiciens de metal et deux chanteurs. La bassiste qui m’accompagnera vient de la scène doom/sludge.
Quel est l’apport du cinéma dans ta musique ? Peut-on voir ton disque comme une bande originale de film ?
J’apprécie beaucoup les bandes originales des films de John Carpenter ou encore celles composées par Ennio Morricone. Je souhaiterais beaucoup un jour arriver au niveau atteint par ces compositeurs ou pourquoi composer une BO pour le cinéma ! D’autre part, il est possible que le film « Django unchained » de Tarantino ait joué un rôle inconscient dans la composition de l’album de Z&A.
Texte: Mathieu
Zeal & Ardor, Devil Is Fine, MVKA / Caroline, sortie 24 février
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