ROGER BALLEN

« Euh », « Erk », « Quoi ?! », « Ouf… »….
Non, nous ne sommes pas dans une mauvaise scène de pièce de théâtre, mais ce serait plutôt les expressions que nous pouvons avoir devant une photographie de Roger Ballen…
Souvent jugé glauque, dérangeant, déconcertant, étrange, Roger Ballen suscite des sentiments plus ou moins violents face à son travail.
Aucun autre travail ressemble à celui de l’artiste, il créé une vision esthétique et artistique complètement nouvelle, où même tata Suzanne la pieuse, ne peut rester de marbre.

Roger Ballen, le maître du noir et blanc sombre.
Il est sans doute l’un des artistes les plus influents et anti conformistes du 21ème siècle.
Né en 1950 à New York, il vît et travaille à Johannesburg depuis les années 80.
Son succès voit le jour lors de la publication en 1994 de son livre “Platteland, Images from Rural South Africa”. Se révélant un portraitiste de talent, il est avant tout l’homme qui prend en photo des visages qui ne sont pas communs et qui ne correspondent pas aux canons de la beauté standard.

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Fils d’un chef d’édition de l’agence Magnum Photo, il commence à s’engager dans la photographie dès l’âge de treize ans. Il ne choisit pas le métier de photographe dans un premier temps, mais plutôt géologue et ensuite docteur en philosophie.

C’est tardivement que Roger Ballen devient photographe documentaire, faisant deux séries : « Boyhood » et « Dorps » qui retrace la vie des villages exclus Sud-Africains.
Il se tourne petit à petit dans les années 70 vers un travail artistique au style caractéristique, troublant et énigmatique, qui tisse un lien étroit et subtil entre lieu géographique (l’Afrique du Sud), milieu social (principalement les blancs dépossédés des privilèges de l’apartheid) et plusieurs recherches plastiques (dans un décor, représentation de personnages en plastique).
Au fur et à mesure des années, ses photographies se remplissent de dessins avec des mises en scènes de plus en plus élaborées comme avec sa dernière série « Asylum of the Birds » (2014).
Nous reconnaissons et identifions de loin ses dessins, simplistes, aux formes enfantines mais aussi dérangeantes.
Son univers est à la croisée du tragique et de l’instant fugace, de la gêne et du choquant, du dérisoire et de l’absurde, rappelant à la fois les textes d’Antonin Artaud ou encore Samuel Beckett.

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Au-delà des portraits des différents modèles, qui suscitent chez le spectateur un malaise, les mises en scène sont aussi dépourvues de lignes de fuite. Les photographies sont souvent dans un format carré. Comme par exemple son œuvre « Carlos », extraite de la série Asylum, Carlos nous dévoile une maigreur déconcertante, un regard livide fuyant l’objectif, dans une posture étrange, comme possédée le corps semble appeler à l’aide, sans succès. Le cadre resserré accentue l’angoisse, l’anxiété, une sensation de claustrophobie comme si le modèle était coincé. Le spectateur est alors pris au piège, obligé de regarder une scène qui n’est pas forcément agréable à contempler.

Les plus musicophiles d’entres vous peuvent reconnaître son travail grâce à sa collaboration avec Die Antwoord dans le clip « I fink u freeky », où l’on découvre le groupe Rap-rave Sud-africain, issu du mouvement contre culturel « Zef », dans le décor de l’artiste, ses dessins, son travail artistique tout entier est représenté.
D’ailleurs, Yo Landi Visser et Ninja, deux des membres Die Antwoord sont littéralement fans absolus de l’artiste, allant même jusqu’à mettre les dessins de Roger Ballen dans toutes les pièces de leur maison à Johannesburg, des plafonds jusqu’aux sols. Ou encore d’arborer régulièrement les personnages sur leurs habits, leurs voitures, ou sur la manucure de Yo-Landi, comme quoi, on peut porter des œuvres jusqu’au bout des ongles !

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A travers ses différents travaux artistiques, Roger Ballen parle beaucoup de la condition humaine de manière parfois indirecte, par les décors, les sujets choisis. Lorsqu’il arrive en Afrique du Sud dans les années 80, il se retrouve en plein Apartheid, c’est alors qu’avec son appareil photo il emprunte les sentiers oubliés, allant à la rencontre d’une population oubliée dans des villages lointains. Les clichés parlent d’eux-mêmes (la série Platteland, ou encore Outland), le regard de chaque modèle nous dérange mais en même temps nous prenons conscience d’une condition qui peut se deviner parfois difficile, mais attention l’artiste ne fait pas de critique ni un constat à des fins politiques ou autres, il va au-delà d’un simple acte militant, il montre avec son œil des situations précaires.
Il choisit des modèles qui sont pour la plupart du temps des « marginaux », comme la société actuelle nomme les gens hors système, et met en lien tout ceci dans son univers artistique.

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Aussi mystérieuse qu’énigmatiques, les œuvres de Roger Ballen se composent d’archétypes divers mêlant croyances sud-africaines et phénomène sociétal.
Pour finir, comme le dit si bien Dominique Eddé sur Roger Ballen : « N’appartenant à aucun genre photographique précis, bien qu’habitée d’une indiscutable force documentaire sociale, son œuvre est devenue, au fil du temps, incontestable tout en ne cessant de gagner en complexité ».

Expositions :
Hamilton Gallery, Londres
Bibliothèque Nationale, Paris
Centre Georges Pompidou, Paris

Par Emma

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