
18h. C’est l’heure à laquelle à laquelle a débuté le premier concert, ce soir, à l’Elysée Montmartre. 18h, vous dis-je. DIX HUIT HEURES. A cette heure-ci, je commençais à me trémousser sérieusement sur mon siège en réunion en souhaitant que celle-ci prenne fin au plus vite. C’est finalement une heure après, n’ayant rien écouté, creusé mon fauteuil et zappé les typiques formules de politesse (Bordel mais on se casse les gars ! La musique n’attend pas, et certainement pas une affiche si explosive) que j’ai pu enfin me mettre en route vers l’Elysée Montmartre ! Garmonbozia nous promettait en effet ce soir un enchaînement des plus gras : Prong, King Parrot, Exodus et enfin Obituary. C’est donc la mort dans l’âme que nous arrivons vers 19h30 pour assister juste à temps à la dernière chanson de Prong… Des dires de nos voisins, on a raté une sacrée bombe. Ça va, merci de ne pas retourner le couteau (suintant et putride, mettons-nous dans l’ambiance) dans la plaie.
C’est une première à l’Elysée Montmartre pour Garmonbozia depuis la réouverture du lieu le 15 septembre dernier, les mecs ne sont pas peu fiers, et on les comprend ! On est donc nombreux à se familiariser pour la toute première fois avec cet espace : le balcon en fer forgé, l’escalier monumental en bois, la verrière, et, last but not least, le bar du fond, tout en bronze (classe !), surélevé et offrant une vue imprenable sur la scène! A noter également, ce beau parquet si glissant et rapidement jonché de gobelet en plastique (c’est un peu la peau de banane du metaleux !) qui requiert toute notre vigilance lors des pogos. Comme moi, certains d’entre-vous sont surement plus habitués aux petites salles obscures, bars et autres squats cracra peuplés de silhouettes sombres amatrices des branches les plus extrêmes de la musique extrême. Je me trouve donc presque perdue dans de telles proportions, car il faut l’avouer, c’est plutôt grand luxe pour se faire écorcher les oreilles avec délectations sur l’autel de deux légendes : Exodus pour le thrash et Obituary pour le death. 100% made in US et importé des années 1980, on ne pouvait rêver programmation plus authentique !
Exodus prend place sur scène et entame le gala de ce soir avec « The Ballad of Leonard and Charles », extrait de leur avant dernier album. Ça tache, efficacement. Les Californiens, riches de près de 30 ans de carrière, n’ont pas l’air le moins du monde lassés de la scène et envoient toute la patate possible sur un public qui se réchauffe tout doucement. Mais c’est leur dernier album Bood in, Blood out qu’ils viennent défendre ce soir : ils enchaînent donc avec le titre du même nom. Les solos de guitare plus énervés les uns que les autres se succèdent, tandis que la formation se plonge dans ses folles années avec des titres extraits de leurs premiers albums. « There were none », « Piranha », « Blonded by Blood » articulent une setlist plutôt retro, qui fait se trémousser les connaisseurs des premiers rangs.
Malheureusement, un inconvénient majeur nous frappe comme une évidence et perdurera pendant les presque 1 heure que durera le show : le son n’est pas bon, pire, il blesse nos douces oreilles (qui en ont vues d’autres, vous me direz). Les bouchons sont nécessaires et malgré tout on ressortira de ce concert avec un peu mal aux neurones.
A cette époque de l’année, ainsi réunis dans une salle tout autant mythique, les échos du Bataclan sont présents dans tous les esprits. On n’est alors pas si surpris de découvrir le tee-shirt du bassiste en référence à l’attentat de Charlie Hebdo, sur lequel on peut voir la couverture parue juste après la tuerie : Mahomet tenant une pancarte sur laquelle on peut lire « all is forgotten ». On le sait, ça n’est pas une mince affaire pour les groupes étrangers de jouer en France par ces temps troublés. Mais ils sont bien là, leur présence nous fait honneur et nous le vivons comme un véritable soutient. Rien n’est oublié, mais l’art, la musique, la fête, continuent de plus belle. Dans la même veine, le chanteur, hyper mobile et très expressif, insistera sur l’importance du fait d’être tous ensemble, « we are all in this together, if someone falls, help him ». Un appel à la solidarité qui n’est jamais de trop, car même si il ne s’agit que de sourire à ses voisins dans une énergie commune et de servir éventuellement de béquille à celui de droite qui sent la vinasse, on est tous fort, fort contents d’être là.
Exodus, c’est un peu une incitation géante à foutre le bordel. Il suffit d’écouter le frontman Steve Souza, ultra volubile, qui intervient entre chaque morceau à grands renforts de grimaces toute langue dehors, « Make some noise ! », « I can feel violence in the air ! » « Life is getting out of control ! ». En pleine tournée européenne, les gars sont visiblement heureux du déplacement, nous répétant tout le long du show à quel point nous sommes un public qui déchire… Mais c’est sans compter sur le fait que la plupart des folks présents ici ne pigent pas tellement l’Anglais. Qu’à cela ne tienne, employant le langage du corps pour exprimer son entrain, le batteur se hisse sur sa grosse caisse pour nous montrer des abdos, plutôt type Kronenbourg que Club Med. Voilà, ça ne pouvait pas être plus clair.
Les Californiens esquissent ensuite les premières notes d’une reprise de Slayer, « Raining blood », véritable clin d’œil à la brûlante époque de la conquête du thrash metal. Steve assène de plus belle : « à l’époque, tout le monde disait que toute cette merde, Slayer, Metallica, Exodus, ne durerait surement pas. Et nous voilà, 31 ans après (la sortie du premier album, ndlr) et on a tous ces fils de pute toujours là en face de nous ! Merci !!! ». Et pis après, on a fait encore plus de bruit, car ça aussi, on a compris ! Ils nous laissent sur « Strike of the Beast », puis quittent la scène en emportant cette énergie festive si particulière pour laisser peu à peu place aux Grands Massacreurs de la soirée, j’ai nommé Obituary.
On change d’univers avec la formation floridienne, c’est peu dire. Les nécrologistes ne s’encombrent guère de blabla pendant leur longue prestation saturée en puissance. Ouvrant avec l’indémodable « Internal Bleeding », extrait de leur tout premier album de 1989 Slowly We Rot, ils mettent en place une déferlante de violence façon « Martine à l’abattoir ». Ça frappe fort par où ça passe, et en moins de temps qu’il en faut pour dire « décomposition », nous nous dévissions tous la tête avec joie, emportés par un headbang passionné. Obituary remonte le temps et joue ce soir la quasi-totalité de ce fameux premier album qui les a érigés à leur place de pionniers du death metal. Malgré leur prolifique carrière, le groupe fait le choix d’une setlist très vintage, et il faudra attendre le cinquième morceau pour se délecter d’un extrait de leur dernier album Inked in Blood, paru en 2014. Concentrés, l’air grave, les mecs délivrent un show millimétré, n’intervenant quasiment pas entre les morceaux. Les hurlements éraillés de John Tardy sont alors d’autant plus convaincants, énervant la foule d’un geste sec ou à l’aide d’un simple regard. On touche du doigt le charisme ultime, celui d’un groupe qui, après plus de 30 ans de carrière et 6 albums studio, s’impose naturellement sur scène comme le font les légendes.
Ça commence à se castagner vraiment en fosse. En tandis qu’on esquive avec maîtrise les slammers extatiques, on ne peut pas s’empêcher de contempler le public avec tendresse. On peut dire que de nombreux Papa Metal se sont déplacé ce soir. On a une pensée émue pour la Nanny d’enfer (ou peut-être est-ce Madame, n’étant pas friande de gros son, qui s’y colle) qui s’est dévouée pour garder les gosses tandis que Monsieur ressort vestes à patchs et vieux copains pour retrouver une place en fosse qu’il avait délaissé un temps. D’ailleurs, on ne reprend pas si facilement le rythme, Papa Metal ayant préféré filmer tout le show pour fiston plutôt que distribuer des gnons à ses camarades de fosse. Un peu plus loin, un autre Papa Patché manque visiblement d’entrainement avec la boisson et nous fait partager dans la joie le contenu de son estomac. On vous avait prévenu, le retour des légendes de eighties, ça se vit en famille, c’est convivial.
« Chopped in half », « Ten thousand way to die », les titres cultes tranchent dans le tas, ne nous laissant aucun répit. C’est sanglant, c’est lourd, ça nous bouscule sans ménagements et on en redemande. Et pour ravir nos pupilles au moins autant que nos tympans, ils ont pensé à tout : à la moitié du show, nous sommes gratifiés d’un nouvel artwork géant, représentant un zombie à un stade de putréfaction avancé et apparemment occupé à se gausser comme un dément (enfin, on a supposé, ça ricane un zombie, à votre avis ?)
Alors que la sauce prend bien, qu’on est tout mouchetés de mixture dégoulinante, les mecs font mine de nous abandonner aux dernières notes de « Find the Arise ». Mais nous ne sommes guère rassasiés, et ce n’est pas moins de trois chansons que les bouchers offriront en rappel à un public toujours plus avide de chair fraîche. Clôturant avec l’emblématique « Slowly we rot », ils auront droit à une très très longue ovation, amplement méritée.
Clou de la soirée, alors que notre team de meufs s’éternise comme à son habitude, les mecs d’Obituary, tout en sourire et gentiment éméchés, viennent tout simplement nous taper la discute. Apparemment, en Floride, le fait d’être porté sur le gore n’empêche pas de traiter les ladies avec moult courtoisie. On repartira même avec notre photo groupie, toutes dents dehors, ça vaut son pesant d’or à la rédac.
Un grand merci aux organisateurs de Garmonbozia pour cette soirée ambitieuse ! On promet qu’on ne ratera pas les mecs de King Parrot et Prong la prochaine fois, on en met même notre main à couper…
Texte : Laurine
Photos : Cherry Lesly / Cherry Pixs
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