
Un artiste qui ne laisse pas son art dans sa poche, c’est bien de Sixo Santos dont je vous parle ! Artiste graffeur, illustrateur et tatoueur chez Le Sphinx à Paris, que ce soit sur un mur, une feuille ou une peau, il ne fait pas la « diff’ », Sixo nous raconte des histoires. Avec un style assez marqué en noir et blanc et avec de grands airs de Charles Burns, Sixo nous parle d’où il vient , de ses créations, ses collaborations et de ses futurs projets :
- Salut Sixo, d’où viens-tu ?
Je suis originaire du sud de la France, de Narbonne plus précisément, mais j’ai migré à Paris il y a 9 ans.
- Peux-tu raconter à nos lecteurs quel artiste tu es ?
Déjà j’ai du mal avec le mot artiste, ce mot ne me correspond pas, je ne me suis jamais senti artiste de part mon parcours et ma pratique. Ce mot m’a toujours fait peur, je dois trop le sacraliser. De ce fait, je me définirais plus comme un artiste populaire, c’est pour cette raison que je me suis tourné plus jeune vers le graffiti, ensuite vers la bande dessinée, et aujourd’hui vers le tatouage. Ces diverses pratiques ont en commun un accès facile, ce sont de vrais microcosmes avec des règles et des codes qui leur sont propres. Malgré leur accès facile, il est parfois difficile d’y rentrer, et je crois que c’est cette difficulté qui m’a toujours fascinée, j’ai tiré une grande satisfaction en réussissant à intégrer ces diverses tribus pour en devenir un acteur à part entière. Je dois certainement avoir besoin d’appartenir à un mouvement pour me sentir légitime.
- Quel est ton parcours dans le milieu artistique ?
J’ai commencé à me mettre en avant en peignant sur des murs, en collant des affiches. Par la suite, j’ai exposé en galerie, festival etc.
- Et de là, comment as-tu rejoint le milieu du tattoo ? As-tu été apprenti ?
Comme toujours j’ai essayé de suivre le chemin que l’on m’avait indiqué, donc apprentissage etc. mais finalement ce chemin ne me convenait pas. Mon apprentissage n’aura duré que 3 mois. J’ai donc pris la décision de continuer mon apprentissage seul, en me servant de ce que j’avais appris durant cette courte période. J’ai travaillé 6 mois de mon côté, le temps de me constituer un book, pour par la suite démarcher les studios. 7 mois plus tard, Mylooz de chez The Tattooed Lady me donnait la chance de bosser en street shop, et 1 an après mes débuts à Montreuil SM Bousille m’a invité à rejoindre Le Sphinx.
- Tu avais quel âge à ton premier tattoo et qu’as-tu fait ?
J’avais 23 ans, un pote qui commençait le tatouage chez lui m’avait tatoué le gimmick que j’intégrais dans tous mes dessins à l’époque, je ne l’ai plus jamais dessiné.
- Comme toi, pas mal de jeunes vont se faire tatouer chez des potes, ou des « connaissances » à des potes à eux. Maintenant que tu es tatoueur, qu’en penses-tu ? Et quel conseil as-tu à leur donner ?
Pour moi la découverte du tatouage commence comme ça. On fait souvent son premier tatouage lorsqu’on est enfant, avec une aiguille et de l’encre de stylo bic. Ensuite, des potes se procurent des machines et on finit souvent par devenir leur cobaye, c’est inévitable. Donc si j’avais un conseil à donner, ce serait que si l’on veut être une âme charitable et aider les jeunes tatoueurs, grand bien nous fasse, mais après il faut l’assumer, et ne pas venir chez les professionnels pour arranger cet élan de générosité. Je dis ça car je le vois très souvent.
- Comment décrirais-tu ton style ?
Poétique sans compromis.
- Et ta technique ? Comment travailles-tu ?
Je fais mes crayonnés sur papier, ensuite je les encre, lignes, aplats etc. Lorsque que je pose mon stencil, il est identique à mon encrage. Ça me permet de voir de suite comment vivent les pleins et les vides sur la peau.
- Sur tes dessins, et surtout dans les tatouages que tu as réalisés, on peut voir que tu peux autant tatouer du gras que de tous petits détails et des traits fins. La transition du dessin à la peau n’a pas été difficile ? Comment as-tu procédé ?
Si ça été très compliqué. Il m’a fallu un an avant d’arriver à tracer un trait digne de ce nom. Il m’était donc impossible de tatouer mes dessins de l’époque en l’état. Il a donc fallu que je revois complètement ma manière de dessiner, afin de rendre les tatouages plus faciles pour un débutant, et surtout qu’il vieillissent bien dans le temps. En effet, avant il y avait trop de déliés dans mes dessins, j’ai donc dû épurer. Je continue aujourd’hui à essayer de faire les visuels les plus simples et efficaces possibles.
- Quel sont tes sujets et thèmes de prédilection ?
Je n’ai pas l’impression d’avoir un sujet ou un thème de prédilection, je me laisse guider par mes envies du moment, ainsi que par les demandes de mes clients. Mais la base de ma réflexion commence souvent dans la culture des années 1950-1970.
- Sur tes illustrations, on aperçoit souvent des visages connus : acteurs, chanteurs, etc… Où puises-tu tes idées ? Que ce soit dans le graff, les illustrations et le tattoo :
Mes idées viennent essentiellement de la musique, des livres et des films.
- Y a t’il un sujet qui te tient à cœur et que tu prends toujours autant plaisir à dessiner ou tatouer ?
Un peu comme tous les tatoueurs, j’adore dessiner des têtes de morts, plus particulièrement lorsqu’elles sont mélangées à des objets, des personnages qui permettent de les mettre en abîme. J’adore dessiner des ladies également.
- As-tu des influences parmi les artistes de graphisme, tatoueur ou dessinateurs ?
Oui forcément, je suis influencé par les artistes dont j’admire le travail. Mais j’essaye toujours de m’éloigner le plus possible d’eux, de ne pas m’inspirer du tatouage pour le tatouage, ou du graffiti pour le graffiti etc. Ma sensibilité vient surtout des expositions ou des livres que je découvre, ils sont généralement très éloignés des milieux autour desquels je gravite. J’essaye d’avoir l’esprit le plus ouvert possible.
- Quel a été le tatouage, que tu as réalisé, qui t’as le plus marqué ? As-tu une anecdote ?
Il y a un tatouage que je n’oublierai jamais de part son contexte. Il s’agit d’un portrait de Jimi Hendrix psychédélique réalisé sur mon pote Laurent. Ce jour-là, nous avons perdu une amie au Bataclan, une deuxième était dans un état critique. Ça était le pire jour de ma petite vie.
- Comment se passe une séance tattoo avec toi ?
Généralement, j’ai mes petites habitudes. J’aime commencer à 13h30 tapante, j’ai bien mangé, digéré, bu mon café, je suis bien détendu, prêt pour en découdre. Mon dessin est prêt depuis longtemps, il a été validé par mon client au préalable, mon poste de travail est fait. Pour résumer, je suis quelqu’un d’anxieux, le fait de ne plus rien avoir à penser ou faire avant le tatouage m’est indispensable.
- Tu as été graffeur, illustrateur en collaboration avec Joseph Safieddine pour la BD « Les lumières de Tyr », magazines, pour la marque Grand Optical et maintenant tatoueur. Quelle a été ta meilleure expérience ? Et pourquoi ?
Dans chaque expérience il y a du bon comme du mauvais. Dans le graffiti j’aime tout, mise à part l’ambiance de merde due à la testostérone et la récupération par le marché de l’art. Dans la BD, je tire une grande fierté d’avoir accouché de ce beau bébé de 140 planches, c’était mon premier album, mais ça m’a pris un an et demi de travail quasi quotidien, j’étais devenu un ermite, j’y ai laissé énormément d’énergie. Dans mes différents travaux d’illustration j’ai pris plus ou moins du plaisir en fonction des projets. La collaboration dont je suis le plus satisfait est celle avec le magazine “Au fait”. Aujourd’hui, le tatouage me permet de m’épanouir pleinement, il fait appel à toutes les compétences que j’ai acquises dans les diverses pratiques citées précédemment, il en fait même naître de nouvelles. Maintenant, il faut lutter pour progresser, faire évaluer mon univers, ma technique. Le tatouage est une remise en question permanente, avant chaque tatouage on ne sait pas quel genre de peau ou de client on va devoir encrer, au moindre excès de confiance la sentence tombe.
- Toi qui as justement participé à cette BD sortie aux éditions Steinkis, la guerre avait tout ravagé dans le monde mais que quelques grands monuments auraient été épargnés, sur lequel d’entre-eux tu grafferais ? Et Quoi ?
Je pense qu’après ou pendant une guerre, tout support serait bon à prendre, je pense même que les monuments n’auraient plus forcément le même poids symbolique, de nouvelles représentations verraient le jour par rapport aux conflits. Mais si je devais choisir un monument aujourd’hui, ce serait la statue de la liberté pour la faire descendre de son piédestal.
- Si tu devais être une bombe de peinture, un crayon et un dermographe, lequel choisirais-tu ?
Je serais une bombe de peinture. Il y a toujours la même magie dès que j’ai une bombe entre les mains. Et c’est mon premier amour après tout.
- Sur quel(s) projet(s) es-tu actuellement ?
Le projet de partir en vacances, j’en ai bien besoin!
- As tu des guests de prévus bientôt ?
Oui mon prochain guest sera à Liège du 1er au 5 octobre dans le nouveau shop de Léa Nahon, “L’USINE“
- Quelle question aurais-tu aimé que je te pose ?
A quoi tu penses?
Interview réalisée par Lëaa
Plus d’infos :
Retrouvez Sixo chez Le Sphinx,
25 Rue Moret,
75011 Paris.
Tél. 01 58 30 35 09
Contact : sixosantos@gmail.com
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