
Lorsqu’on parle des Anglais d’Haken, on peut facilement parler d’ascension fulgurante ces deux dernières années. En effet, là où bon nombre de leurs petits camarades de la Nouvelle Génération du Metal Progressif, même les plus connus et respectés comme Leprous, ont mis plusieurs années à devenir tête d’affiche.
Dans le cas des londoniens, moins de trois ans auront suffi à faire connaître le combo au plus grand nombre, notamment grâce à la sortie très remarquée de leur troisième album, The Mountain, dans LA grande écurie du prog qu’est InsideOut Records. Ils passeront même en une petite année du statut de petit groupe ouvrant une journée de Hellfest à tête d’affiche au Divan du Monde, en passant par une tournée très remarquée en première partie de Between The Buried & Me. C’est donc en leader que les Anglais se présentent à nous, épaulés cette fois par les hongrois de Special Providence et ENCORE des Norvégiens qui font du prog avec Arkentype, rien que ça.
Les infos auront été rares voire inexistantes quant au running-order et à l’ouverture de la salle, on arrivera au Divan du Monde alors qu’une partie du public est déjà rentrée. Dimanche et concert de prog obligent, c’est dans une salle déjà bien remplie aux balcons déjà pris d’assaut que l’on viendra attendre le combo norvégien dont on ne sait pas grand-chose à part quelques clips issus d’un album, Desoriented assez prometteur, l’expérience live allait sans doute nous en apprendre bien plus sur ce jeune groupe. Et ça ne va pas rater, à travers les cinq titres proposés ce soir, joués avec une formidable énergie, on retrouvera dans la musique des Norvégiens des sonorités proches des meilleurs groupes de prog moderne (Tesseract et The Safety Fire en tête) avec une bonne petite touche de Meshuggah.
Et ce qui frappera aussi c’est la maîtrise scénique d’un combo qui n’en est pourtant qu’à ses débuts. On a tendance à s’extasier sur l’abondance de fabuleux jeunes groupes finlandais, Arkentype apporte une nouvelle preuve que la jeunesse norvégienne, au cas où on aurait encore quelques doutes, a largement de quoi se défendre. Enfin, la bande de Kevin Augestad, impeccable frontman, nous montrera à travers leurs compos que si le djent n’est pas totalement mort, il a déjà sacrément évolué depuis ses débuts, puisant dans des influences plus progressives voire parfois metalcore/post-core ou ce que vous voulez. Du super boulot en tout cas, et une mise en bouche des plus séduisantes.
Dans un tout autre genre, ou presque, la plupart d’entre nous (nous deux compris) fera ensuite la découverte des Hongrois de Special Providence quatuor de prog/jazz instrumental qui a déjà quatre albums à son actif pour une dizaine d’année d’existence.
Plus classique donc dans le genre, si la musique du groupe semble tout de même s’adresser à un public plus âgé et plus élitiste (ce qui n’est pas une insulte, au contraire), on retrouve tout de même des sonorités plus modernes, me faisant parfois penser aux Hollandais d’Exivious (ou serait-ce Exivious influencé par Special Providence ?) et également, à travers le son de basse d’Attila (Fehérvári) des similitudes avec un de mes bassistes préférés, Jeroen Paul Thesseling, ce qui est loin d’être pour me déplaire.
D’ailleurs si on ne devait retenir qu’un instrument dans toute cette soirée, ce serait la basse, à cinq ou six cordes, tantôt pincée, tantôt slappée. Et si les quatre Hongrois ne sont pas les mecs les plus barrés du monde, on assistera quand même à un jeu de scène bien sympa et une complicité évidente entre eux (en même temps sans ça, difficile de voir comment un tel style pourrait fonctionner), avec un Adam (Markó – batterie) qui n’hésitera pas à s’exprimer à plusieurs reprises, en français ou en anglais en terres françaises au cours d’un premier set hyper plaisant, où on ne s’ennuiera pas une seule seconde dans un genre pourtant parfois super chiant, bien joué messieurs, même si vous avez probablement perdu la plus jeune partie du public, venue essentiellement pour Haken, dont il sera question juste après.
A quoi reconnaît-on un concert de prog ? En plus d’un public qui arrive très (très ?) en avance, ce sont les réactions lors des derniers soundcheck au moment où les huit cordes sont dévoilées, tous les musiciens-en-herbe bavant sur des instruments avec lesquels ils rêveraient de pouvoir jouer, et ce soir ne fera pas exception lorsque la guitare de Richard (Henshall) sera enfin visible. Des derniers ajustements qui vont prendre un peu de temps, avec la promesse d’un son aux petits oignons, déjà parfait jusque-là.
On a encore du mal à le croire, mais c’est déjà notre troisième fois pour Haken, et si leur prestation au Hellfest était sympa sans plus (parce que bien trop courte et un son moyen), la dernière fois à la Maroquinerie nous avait sacrément rassuré, avec un groupe à la fois souriant et techniquement impeccable, et ce même dans les envolées de Ross Jennings qui flirtent parfois avec la fausseté sans jamais l’atteindre, contrairement à son grand frère James LaBrie (désolé les fans de Dream Theater, mais vous serez d’accord avec moi). D’habitude fidèle à leur discographique, j’avais un peu fait l’impasse sur leur dernière sortie, Affinity (oui, un comble alors que la tournée s’appelle « Affinity Tour »), mais après le fabuleux The Mountain j’avais du mal à rentrer dans un album suivant tant la barre a été mise haut. J’ai donc survolé cette dernière sortie et attendais avec impatience le live pour être convaincu. Et c’est sur « affinity.exe » justement, que le groupe fait son entrée, souriant, pour nous balancer juste après un « Initiate » assez ahurissant, ou comment presqu’immédiatement mettre un public, pourtant connaisseur et potentiellement blasé, sur le cul…pendant plus d’une heure trente, utilisant même des accessoires kitsch sur « 1985 » histoire de montrer que le jeu de scène c’est aussi leur truc.
Le temps passe vite, très vite, on s’éclate, vraiment, et malgré la longueur de certains titres «Falling Back to Earth » ou « Pareidolia », on ne s’ennuie pas une seconde, en constatant que le groupe a encore fait des progrès scéniquement, la preuve avec ce qui suivra immédiatement après : Il y a des titres qui peuvent résumer à eux-seuls toute la maîtrise et l’identité d’un groupe, « Cockroach King » est probablement à mes yeux celui qui fait la différence entre Haken et quantités de groupes de prog chiants et dans la surenchère démonstrative (non, je ne vise personne…), c’est le (gros) grain de folie théâtral de ce morceau, que n’aurait pas renié Queen, magistralement joué en live. Pourtant, au fil du set, on cherche la petite bête, le « pain », des grosses faussetés de Ross dans ses envolées, il n’en sera rien, même les rares, mais bienvenus, vocaux death de “The Architect” seront maîtrisés.
Si Haken fait partie de ces rares groupes que j’aime bien/beaucoup en album, mais que j’adore en live, j’ai néanmoins deux petits regrets concernant ce soir (parce que je suis chiant) : si on enlève Ross et Diego, le reste du groupe est dans l’ensemble un poil trop statique, même si un tel style mérite la plus grande des concentrations, et j’aurais tellement aimé avoir « Celestial Elixir » en rappel comme sur d’autres dates de la tournée, mais c’est vraiment histoire de trouver quelque chose à redire à cette impressionnante démonstration des Anglais (oui ok, Affinity est un album très sympa au final). Alors merci à ce très grand Haken, et merci pour les découvertes, formidable line-up.
De cette soirée on aura donc du mal à émettre la moindre des critiques, si ce n’est l’absence de running order et d’infos plus généralement. A côté de ça, une fois n’est pas coutume, j’ai envie de saluer le travail du ou des ingénieur(s) du son qui auront vraiment fait un travail remarquable, un vrai bonheur pour nos oreilles, alors un grand merci à lui/eux. Un grand merci également à l’équipe de Gérard Drouot pour le pass photo, et à celle du Divan du Monde, définitivement notre salle parisienne préférée.
Texte : Mats.L
Photos : Mélanie B.& Mats.L
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